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Clivant mais dans l'air du temps, Sebastian Kurz prend le gouvernail de l'UE

Le chancelier autrichien Sebastian Kurz, le 29 juin 2018 à Bruxelles [Ludovic MARIN / AFP] Le chancelier autrichien Sebastian Kurz, le 29 juin 2018 à Bruxelles. [Ludovic MARIN / AFP]

Un diplomate américain le qualifie de «rock star» et les détracteurs d'Angela Merkel le courtisent : le chancelier autrichien Sebastian Kurz, au pouvoir depuis six mois, n'en espérait sans doute pas tant au moment où son pays prend la présidence tournante de l'UE.

Pain bénit pour ce très jeune -31 ans- dirigeant conservateur allié à l'extrême droite (FPÖ) depuis décembre : le durcissement perceptible des gouvernements européens sur l'accueil des demandeurs d'asile, une question qui déchire l'UE.

L'Autriche inaugure dimanche son semestre de présidence européenne avec, en toile de fond, ce sujet que Sebastian Kurz maîtrise sur le bout des doigts et dont il a annoncé vouloir faire la priorité de son mandat à la tête des Vingt-Huit.

Le chancelier se targue d'être l'un des principaux artisans de la fermeture de la «Route des Balkans» en 2016 alors qu'il était ministre des Affaires étrangères. Il a construit son ascension et cimenté son alliance avec le FPÖ sur la promesse d'une politique migratoire sans concession.

Si le chancelier autrichien divise, «il est dans l'air du temps», explique à l'AFP Patrick Moreau, chercheur au Centre national français de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste de l'Autriche.

«Sa critique du choix d'Angela Merkel d'ouvrir temporairement les frontières en 2015 est partagée de plus en plus largement», de même que son «europhilie critique» : Sebastian Kurz souligne son attachement à l'UE, à condition qu'elle accorde plus de souveraineté aux Etats. Une vision conforme à celle du FPÖ et des extrêmes droites européennes qui ont pour la plupart remisé leurs desseins de sortie de l'Union.

«Que ce soit en manager d'une crise des réfugiés, en porteur des espoirs de la droite ou en fin tacticien, la présidence autrichienne de l'UE offre au chancelier la possibilité de se mettre en avant», renchérit le journal centriste autrichien Kurier.

Marketing politique

Le chancelier allemand (g) à côté d'un policier autrichien lors d'une visite à la frontière avec la Grèce, le 12 février 2017 à Mevgelija, en Macédoine [Robert ATANASOVSKI / AFP/Archives]
Le chancelier allemand (g) à côté d'un policier autrichien lors d'une visite à la frontière avec la Grèce, le 12 février 2017 à Mevgelija, en Macédoine [Robert ATANASOVSKI / AFP/Archives]

Pour l'Autriche et ses 8,7 millions d'habitants, le climat politique est aux antipodes de celui qui prévalait en 2000, lorsque la droite conservatrice de l'ÖVP avait, une première fois, fait alliance avec l'extrême droite de Jörg Haider. La coalition avait été la cible d'une réprobation internationale et l'UE avait maintenu durant plusieurs mois des sanctions contre Vienne.

Dix-huit ans après, dans un contexte où les droites identitaires ont le vent en poupe, «Kurz est une figure reconnue sur la scène internationale et les Autrichiens en sont fiers», analyse Patrick Moreau.

Le nouvel ambassadeur américain à Berlin a qualifié le chancelier de «rock star» tandis que les frondeurs du parti bavarois CSU, qui exigent d'Angela Merkel une politique de l'asile moins généreuse, affichent «leur communauté d'esprit» avec Vienne.

La popularité du gouvernement autrichien ne se dément pas non plus dans les sondages nationaux.

«La force du gouvernement est de présenter une image d'harmonie, au prix d'un intense marketing politique», notamment sur les réseaux sociaux, analyse le politologue Thomas Hofer.

Les querelles politiques étalées au grand jour avaient eu raison, aux législatives d'octobre, de la grande coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs, au pouvoir pendant près de 11 ans. «S'il y a des conflits entre l'ÖVP et le FPÖ, la consigne est de ne pas les montrer», poursuit M. Hofer.

«Maître de la diversion»

Lorsque le parti d'extrême droite du vice-chancelier Heinz Christian Strache s'est trouvé confronté, dès les premières semaines du nouvel exécutif, à une série de révélations embarrassantes sur la culture néonazie enracinée dans les cercles proches du FPÖ, aucun vent d'indignation n'a soufflé de la chancellerie.

Le chancelier autrichien Sebastian Kurz (d) et le Premier minitre hongrois Viktor Orban, lors d'une conférence de presse, le 30 janvier 2018 à Vienne [JOE KLAMAR / AFP/Archives]
Le chancelier autrichien Sebastian Kurz (d) et le Premier minitre hongrois Viktor Orban, lors d'une conférence de presse, le 30 janvier 2018 à Vienne [JOE KLAMAR / AFP/Archives]

Le profil lisse de Sebastian Kurz, sa pondération en toute circonstance, alimentent un procès en «opportunisme» au détriment des valeurs.

Comme lorsqu'il se rend à Budapest au lendemain de l'adoption au Parlement hongrois d'une loi très controversée sanctionnant l'aide apporté aux migrants par les ONG. Face au dirigeant national-conservateur Viktor Orban, il n'en dira pas un mot, préférant afficher son ambition de «bâtisseur de ponts» avec les pays d'Europe centrale.

«Kurz est un maître de la diversion», s'agace l'hebdomadaire libéral de gauche autrichien Falter, prenant l'exemple d'une conférence de presse convoquée à la dernière minute pour annoncer des fermetures de mosquées à un moment où le ministre de l'Intérieur FPÖ Herbert Kickl était au centre d'une tempête politique, accusé d'avoir pris des libertés avec la légalité pour asseoir son contrôle sur un service de renseignement stratégique, le Bureau pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme (BVT).

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