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Affaire Khashoggi : qui sont les protagonistes ?

Deux semaines après la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en Turquie, la liste de ceux qui sont désormais mêlés à cette affaire est déjà longue[Sabah Newspaper / AFP]

Deux semaines après la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en Turquie, la liste de ceux qui sont désormais mêlés à cette affaire est déjà longue. 

Prince, présidents, médecin, agents de sécurité... Retour sur les protagonistes d'une affaire qui secoue le monde entier. 

Jamal Khashoggi, la victime

Son nom résonne désormais d'un bout à l'autre de la planète, son visage souriant est devenu familier. Jamal Khashoggi est né en 1958, à Médine (Arabie saoudite). Il est issu d'une famille turque, qui a des liens avec la dynastie Al Saoud depuis plusieurs décennies. Son grand-père était d'ailleurs le médecin personnel du grand-père de Mohammed Ben Salmane, le roi Ibn Saoud, comme le rapporte Christine Ockrent, auteure d'un livre sur le prince. 

Il décroche un bachelor en administration des affaires en 1982, à l'université d'Indiana (États-Unis) et revient s'installer dans son pays natal. Là, il obtient un poste de journaliste pour des médias saoudiens, puis devient correspondant à l'étranger. Sa couverture de la guerre en Afghanistan fait de lui un reporter célèbre. 

Devenu un journaliste d'envergure au début des années 2000, Jamal Khashoggi prend la tête de deux célèbres journaux saoudiens. Mais ses idées «trop progressistes» ne sont pas du goût de ministère de l'Information, qui le remercie en 2007. 

Pendant longtemps, il était étroitement lié à la famille royale saoudienne. Mais après avoir soutenu l'arrivée au pouvoir du prince Mohammad Ben Salman, Jamal Khashoggi déchante et critique ouvertement ses méthodes. Une volte-face qui l'avait contraint à s'exiler aux États-Unis en 2017, où il écrivait notamment pour le Washington Post.

Il a disparu le 2 octobre dernier, à 13h14 (heure locale), après avoir pénétré dans le consulat saoudien d'Istanbul (Turquie). Selon le site Middle East Eye, l'homme de 59 ans aurait été capturé par des hommes dès son entrée dans le bâtiment, puis décapité. 

Hatice Cengiz, la fiancée

C'est celle qui a donné l'alerte. Jamal Khashoggi et Hatice Cengiz avaient l'intention de se marier. Le jour des faits, le journaliste saoudien s'était rendu au consulat pour obtenir les documents de son divorce d'avec sa précédente compagne, essentiels pour qu'il puisse épouser sa fiancée turque. 

La victime lui avait demandé de l'attendre à l'extérieur, lui ordonnant d'alerter les autorités turques s'il tardait à sortir du bâtiment. Les minutes s'écoulent sans que Jamal Khashoggi ne donne le moindre signe de vie. Son portable sonne dans le vide. Hatice Cengiz déclare donc la disparition de son compagnon. 

Depuis la révélation de cette affaire, la jeune femme de 32 ans est la cible de certains médias, qui estiment qu'elle est le cerveau de cette «comédie sur l'enlèvement de Khashoggi». Récemment, une vidéo du média émirati Al-Dar Voice a brossé un portrait assassin de la fiancée du journaliste, l'accusant d'être membre du Mossad, l'agence de renseignement israélienne. 

Autre rumeur à son propos particulièrement populaire, propagée par un journaliste saoudien : elle serait en fait un homme politique égyptien travesti. 

Mohammed Ben Salman, Le prince saoudien

Le divorce était consommé entre le prince et le journaliste depuis quelques années. Et si Mohammed Ben Salman avait décidé de réduire Jamal Khashoggi au silence, pour toujours ?

C'est, en tout cas, la théorie du Washington Post. Le prince «aurait en fait ordonné et supervisé l'opération», soutient le journal. Et ils ne sont pas les seuls à le penser. «L'opération porte définitivement la marque de Mohammed Ben Salman. Vu la configuration du système politique saoudien, le donneur d'ordre c'est lui», a assuré l'universitaire Nabil Mouline au Monde

Une théorie d'autant plus plausible que les membres du commando sont tous liés, de près ou de loin, au prince. 

Mohammed al-Otaibi, le consul

Il serait un témoin clé. Selon la version du Middle East Eye, qui s'appuie sur des enregistrements, la victime est entrée dans le bureau de Mohammed al-Otaibi avant d'en être extrait manu militari, puis transporté vers le cabinet du consul. «Faites ça dehors, vous allez m'attirer des ennuis !», aurait demandé Mohammed al-Otaibi. «Si tu veux vivre à ton retour en Arabie saoudite, tais-toi», lui aurait rétorqué un membre du commando. Le consul aurait alors tourné le dos sans demander son reste. 

Rapidement mis en cause, Mohammed al-Otaibi a ouvert les portes de son consulat dès le 6 octobre dernier, pour prouver sa bonne foi. Il a poussé le vice jusqu'à ouvrir ses placards devant les caméras, pour montrer que Khashoggi n'était pas dissimulé dans les six étages de son bâtiment. 

Donald Trump, le président américain

Le dirigeant est dans une position délicate. D'un côté, il entretient des relations étroites avec le royaume sunnite, mais d'un autre, il est déterminé à «savoir ce qui se passe» et hausse le ton. Estimant ce vendredi pour la première fois que le journaliste était peut-être décédé, il a menacé l'Arabie saoudite de «très graves» conséquences si sa responsabilité était confirmée dans cette disparition. 

Recep Tayyip Erdogan, le président turc

Il suit cette affaire de très près. Recep Tayyip Erdogan veut faire la lumière sur la disparition de Jamal Khashoggi, pressant Riyad de prouver que le journaliste a bien quitté le consulat. Il s'est d'ores et déjà entretenu avec le prince saoudien.

«Nous demandons un éclaircissement convaincant de la part de l'Arabie saoudite, et ce qu'a offert le prince héritier n'est pas convaincant», a déclaré Yasin Aktay, membre du parti turc au pouvoir et ami de Jamal Khashoggi.

Le commando

Ils sont quatorze en tout. La plupart des membres du commando est montée à bord de deux jets privés le jour de la disparition de Jamal Khashoggi, officiellement pour récupérer des papiers administratifs. 

Le groupe serait composé de proches du prince saoudien. Parmi eux, l'un est un employé du bureau de Mohammed Ben Salman (Naif Hassan al-Airifi), deux sont attachés à la sécurité du souverain (Saif Saad al-Qahtani et Abdelaziz Mohammed al-Hawsawi), quatre sont membres de la garde royale (Thaar Ghaleb al-Harbi, Mohammed Saad al-Zahrani, Khalid Aedh al-Otaibi, Fahad Shabib al-Balawi), deux sont des militaires de l'armée saoudienne (Meshal Saad al-Bostani, Waleed Abdullah al-Sehri), et quatre sont issus du renseignement saoudien (Maher Abdulaziz Mutreb, Mustafa Mohammed al-Madani, Mansour Othman Abahussain, Badr Lafi al-Otaibi). 

L'un d'entre eux, l'officier de la Royal Air Force saoudienne Meshal Saad al-Bostani, est décédé ce jeudi 18 octobre, dans un accident qualifié de «suspect».

Pour le Middle East Eye, ils étaient déjà dans l'enceinte du consulat quand Khashoggi y est entré. C'est ce commando qu'il l'a traîné du bureau du consul vers le cabinet, l'a allongé sur une table et lui a injecter une substance mystérieuse pour le faire taire. 

Ils ont ensuite embarqué à bord des deux avions pour repartir en Arabie saoudite. D'après un responsable des services de renseignement américains, interrogé par le Washington Post, ils ont probablement voyagé avec des caisses, contenant les restes de Jamal Khashoggi. 

Salah al-Tubaigy, le médecin légiste

Membre du commando, il serait le bras armé de cette opération, l'homme qui a découpé le corps de Jamal Khashoggi avec des écouteurs fourrés dans les oreilles, alors que le captif était encore vivant. 

Pourtant, le parcours de Salah al-Tubaigy est exemplaire : il est responsable de la médecine légale au département de la sécurité générale d'Arabie saoudite, président de l'ordre saoudien des médecins légistes, et membre de l'association saoudienne de médecine légale. Un CV prestigieux, qui lui avait permis d'occuper des postes à responsabilités au ministère saoudien de l'Intérieur. Et qui lui a ainsi permis d'intégrer l'entourage du prince. 

Le médecin aurait exécuté sa sinistre besogne armé d'une scie à os, que le commando avait mis dans ses bagages. 

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