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Symbole assassiné, la journaliste russe Anna Politkovskaïa revit au théâtre à Paris

Anna Politkovskaïa, la journaliste russe assassinée, devenue un symbole de la lutte pour la liberté de la presse, le 6 octobre 2008 à Paris [OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP/Archives] Anna Politkovskaïa, la journaliste russe assassinée, devenue un symbole de la lutte pour la liberté de la presse, le 6 octobre 2008 à Paris [OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP/Archives]

Douze ans après l'assassinat d'Anna Politkovskaïa, la journaliste russe devenue un symbole de la lutte pour la liberté de la presse ressuscite au théâtre à l'heure où est dénoncé plus que jamais le meurtre impuni de reporters.

«Quand on voit que des gouvernements n'hésitent pas à faire empoisonner (des journalistes) à l'extérieur de leur frontières ou à les démembrer, il faut bien sûr réveiller les mentalités», explique à l'AFP Robert Bensimon, metteur en scène d'«Anna Politkovskaïa, 12 ans déjà... voulons-nous vraiment savoir?».

La pièce, qui joue à partir de mercredi au théâtre Déjazet à Paris, coïncide quelques semaines après le choc du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, «étranglé» et «démembré» dans son consulat en Turquie.

M. Bensimon redonne en quelque sorte la parole à la journaliste d'investigation qui aurait eu 60 ans cette année, si elle n'avait pas été abattue par balles le 7 octobre 2006 dans sa cage d'escalier à Moscou. Depuis, l'Unesco a condamné les assassinats de 1.010 journalistes et professionnels des médias.

«C'est un spectacle de révolte contre la passivité dans laquelle on est tous pris», souligne le metteur en scène français, au moment où l'ONU vient de décréter le 2 novembre «Journée internationale contre l'impunité pour les crimes contre les journalistes».

La justice «endormie» ?

Commis le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine, le meurtre d'Anna Politkovskaïa - critique infatigable des exactions commises en Tchétchénie par l'armée russe- avait suscité l'émotion, notamment dans les pays occidentaux, où elle jouissait d'une notoriété plus forte qu'en Russie.

Lom-Ali Gaïtoukaïev, reconnu coupable d'avoir organisé l'assassinat, est mort l'an passé dans la colonie pénitentiaire où il purgeait une peine de prison à perpétuité.

Dans la pièce, «Anna», jouée par Corine Thézier, dialogue avec un «lecteur français" (Pierre Carteret), introduit par M. Bensimon lui-même.

«J'aurais tellement voulu vous rencontrer», lui disent les deux hommes.

«Si ma vie n'a pas suffi, que ma mort s'y mette. Servez-vous de moi, de mon nom si on s'en souvient encore. S'ils n'ont pas craint la justice, c'est qu'elle est endormie, réveillez-la», répond le personnage d'Anna.

«C'est le pari de la pièce : les vivants un peu orphelins que nous sommes dialoguent avec la morte», explique M. Bensimon, qui met en scène également un flûtiste et un violoncelliste jouant des morceaux de Rachmaninoff, Tchaïkovski, Prokofiev et autres.

«Etourdissante de droiture»

L'Italien Stefano Massini et le Suédois Lars Norén avaient déjà écrit des pièces sur la journaliste assassinée, dont le nom orne une dizaine de lieux publics en France.

Depuis son meurtre, l'idée d'écrire un texte sur elle a habité Bensimon pour qui il s'agit d'une personne «étourdissante de droiture, de courage».

«Elle prenait à cœur le calvaire que vivait à l’époque la population civile tchétchène et essayait d’aider des gens bien au-delà de ses devoirs de journaliste», confie à l'AFP l'écrivaine Galia Ackerman, sa traductrice et son amie jusqu'à sa mort.

Dans la pièce, on reconstruit le bureau d'Anna au bi-hebdomadaire Novaïa Gazeta pour lequel elle travaillait.

Mme Ackerman se souvient qu'Anna Politkovskaïa lui avait raconté le jour où, dans une base militaire russe en Tchétchénie où elle enquêtait, elle avait été mise dans un puits pendant plus de 24 heures, avant de subir un simulacre d’exécution.

«Je lui ai demandé comment a-t-elle pris un tel risque? Elle m’a répondu : 'Galia, j’écris sur la population civile, mais je ne suis en rien meilleure que ces gens dont je décris la tragédie'».

Même lorsqu'elle est tombée amoureuse d'un Norvégien, selon l'historienne, elle n'a pas voulu quitter la Russie, estimant que sa place était «avec les gens qu’elle défendait».

«Je raconte les faits, les histoires des personnes niées et l'histoire des personnes sur lesquelles on pose le pied et on marche», clame le personnage dans la pièce.

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