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Isabelle Autissier, présidente de WWF France : «Nous n'avons plus que dix ans pour agir sur le climat»

Isabelle Autissier, présidente de WWF France Isabelle Autissier, présidente de la branche française de l'ONG environnementale WWF, à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) le 1er novembre dernier, à quelques jours du départ de la Route du Rhum. [LOIC VENANCE / AFP]

La 24e conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP24) démarre officiellement ce lundi 3 décembre à Katowice en Pologne. A cette occasion, Isabelle Autissier, présidente de la branche française de l'ONG environnementale WWF, alerte sur l'urgence climatique à laquelle la planète doit faire face, tout en insistant sur la conscience accrue du réchauffement climatique parmi la population.

Quels progrès ont été faits sur le plan climatique depuis l’adoption de l’accord de Paris en décembre 2015 ?

Au niveau mondial, nous ne sommes pas dans les clous de l’accord de Paris. Malgré tout, les pays vont devoir rehausser leurs ambitions de réduction des gaz à effet de serre, car celles qui sont sur la table nous amènent à 3°C de réchauffement, au lieu des 2°C, voire 1,5°C, visés. Quelques petits Etats, en Amérique latine et sur des îles, ont déjà revu leurs promesses à la hausse, alors qu’ils ont peu de moyens.

Ce peu de progrès s’explique par le manque d’efforts des Etats. Côté Union européenne, Chine et Canada, on est en bonne voie, grâce à la mise en place de mesures environnementales. Mais il y a un point noir : les pays qui font de la résistance, comme les Etats-Unis, le Brésil ou la Turquie. Ils sont souvent liés au populisme et à des pouvoirs forts, qui ne se préoccupent pas de leur population et sont élus grâce à un réseau de fake news. C’est un problème démocratique plus général. Il faut que les Etats se protègent de ces fausses informations, notamment sur le climat.

Pourquoi les Etats n'avancent-ils pas davantage sur la question climatique ?

Pour un certain nombre de dirigeants, la croissance signifie encore plus d’autoroutes, plus de voitures, plus d’énergie dépensée. Il faut changer de logiciel. Les emplois ne sont pas liés au gaspillage énergétique, mais au contraire au fait de développer des énergies renouvelables sur notre sol et pas ailleurs. C’est une logique que beaucoup d’Etats ont du mal à mettre en pratique.

Par exemple, on sait que l’agriculture paysanne de qualité sans pesticides crée plus d’emplois, nourrit mieux les gens et a une empreinte carbone moindre que l’agriculture industrielle. A WWF, nous militons pour que le budget de la France soit passé au crible tous les ans, de façon à ce qu’il ne dépasse pas une certaine empreinte carbone, comme ce qui se fait avec les 3 % de déficit. Ce devrait être un marqueur obligatoire de notre budget.

Est-il encore possible de maintenir le réchauffement climatique sous les 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, comme prévu dans l’accord de Paris ?

Le problème, c’est que notre fenêtre de tir se réduit petit à petit. Il y a vingt ans, on avait trente ans devant nous. Maintenant, il nous en reste une dizaine. Or, dix ans pour faire bouger des économies extrêmement complexes, avec des investissements qui courent parfois sur cinquante ans, c’est peu. Si l’on triple nos engagements, on peut encore le faire.

Par ailleurs, certains parlent de la séquestration du carbone comme d’un moyen pour limiter le réchauffement climatique. Mais pour l’instant personne ne maîtrise cette technique. Et peut-être même que le remède pourrait être pire que le mal. Il ne faut pas croire que l’on va pouvoir dans les années à venir inventer un mécanisme miracle permettant de décarboner la planète.

Du côté de la société, comment la conscience environnementale évolue-t-elle ?

Contrairement aux Etats, je remarque que la société civile, les entreprises et les collectivités locales avancent très bien sur les enjeux climatiques. Les gens ont pris conscience des dégâts potentiels du réchauffement et se sont mis au travail.

Il n’y a jamais eu d’idées diffusées plus vite aux 20e et 21e siècles que celles relatives à l’environnement, à l’écologie et au climat. Aujourd'hui, tout le monde a conscience du réchauffement climatique, en parle et a vu ses conséquences. En France, je sens que les choses bougent vraiment depuis la rentrée. Le changement climatique n’est plus seulement une histoire d’écolos et de scientifiques, c’est devenu la préoccupation de tout le monde.

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