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RDC : des élections pour l'histoire ou le chaos

Un bureau de vote est photographié à Bukavu, en République démocratique du Congo, le 29 décembre 2018 [Fredrik Lerneryd / AFP] Un bureau de vote est photographié à Bukavu, en République démocratique du Congo, le 29 décembre 2018 [Fredrik Lerneryd / AFP]

Historiques ou chaotiques ? Après deux ans de retard et trois reports, les élections ont lieu ce dimanche en République démocratique du Congo pour désigner le successeur du président Joseph Kabila.

Les bureaux de vote ouvrent à 06h00 heure locale (04h00 GMT) dans l'Est (Kisangani, Goma, Lubumbashi), puis une heure après dans l'Ouest et à Kinshasa, capitale du plus grand pays d'Afrique sub-saharienne, à cheval sur deux fuseaux horaires (2,3 millions de kilomètres carrés). Les 40 millions d'électeurs enregistrés peuvent voter jusqu'à 17h00 (15h00 GMT dans l'Est et 16h00 GMT à Kinshasa). Les résultats provisoires seront annoncés le 6 janvier, avant d'inévitables contentieux devant la Cour constitutionnelle.

Trois hommes sont candidats à la succession du président Kabila à la tête de la RDC, pays marqué par un contraste violent entre ses richesses minérales (cobalt, cuivre, coltan, diamant, or...), le génie de ses artistes et «sapeurs» - et la pauvreté des deux-tiers de ses habitants. Pour conserver le pouvoir et le contrôle du pays, M. Kabila et sa majorité misent sur le «dauphin», l'ex-ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, sous sanctions de l'Union européenne qui l'accuse de violations des droits de l'homme.

Le candidat du pouvoir a face à lui l'opposition divisée entre Félix Tshisekedi et Martin Fayulu lors de cette élection présidentielle qui se joue en un seul tour depuis 2011. Des sondages donnent le «dauphin» perdant et prédisent la victoire de M. Fayulu. Des élections législatives et provinciales ont lieu en même temps que la présidentielle.

Pour ces élections, Kinshasa a refusé toute aide logistique des Nations unies, présentes depuis 20 ans au Congo, de même que toute mission d'observation occidentale. Quant au représentant de l'UE en RDC, il a pris l'avion pour Bruxelles samedi soir, après avoir été sommé de quitter le pays jeudi par les autorités.

Au pouvoir depuis 2001, le président Kabila a pris une décision rare en Afrique centrale : ne pas briguer un troisième mandat, interdit par la Constitution. M. Kabila s'est décidé avec du retard, puisque son deuxième mandat avait pris fin dès décembre 2016, et que les élections ont été reportées trois fois depuis. Sa décision n'a pas automatiquement propulsé le géant instable de l'Afrique centrale sur la voie d'une «première transmission pacifique du pouvoir» que font mine d'espérer les diplomates.

Un scrutin à haute tension

Signe de tensions et d'inquiétudes le jour du vote, le pouvoir a annoncé la fermeture de ses frontières terrestres, lacustres et fluviales avec ses neuf voisins, de Brazzaville à l'Angola en passant par le Rwanda. En revanche, à 00h00 GMT, Internet n'était pas coupé, comme c'est le cas à la veille des journées de fortes tensions. La campagne a été rattrapée par la violence, avec une dizaine de morts selon une association de défense des droits de l'homme, ce que nie le pouvoir.

Samedi soir, les deux candidats de l'opposition ont refusé de signer un document destiné à prévenir les violences, en claquant la porte d'une médiation conduite par des observateurs africains. De fait, les élections interviennent dans un pays à la croisée des chemins. Les armées étrangères (Rwanda, Ouganda...) n'interviennent plus directement en RDC comme pendant les deux guerres du Congo entre 1996 et 2003, qui se sont soldées par des centaines de milliers de morts.

Les candidats à la présidence ne s'appuient plus sur une milice, comme l'ex-chef de guerre Jean-Pierre Bemba à l'époque du troisième tour sanglant (des centaines de morts) dans les rues de Kinshasa face à l'armée de Kabila après les premières élections de 2006.

Pourtant, la RDC reste l'un des pays les plus instables du continent, avec des centaines de groupes armés encore actifs dans l'Est. Leurs exactions menacent les civils, à commencer par les femmes violées et soignées dans la clinique du gynécologue Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.

Des votants en moins

Des centaines de milliers de réfugiés et de déplacés internes ne pourront pas voter après avoir fui les conflits civils au Kasaï (centre), Tanganyika, Ituri... Les ONG affirment nourrir des millions de Congolais. Depuis des mois, la capitale de toutes les douleurs se trouve à Beni, dans le Nord-Kivu, victime des massacres de civils attribués aux milices des ADF et d'une épidémie d'Ebola.

Les élections ont d'ailleurs été reportées à Beni et dans la ville voisine de Butembo, de même qu'à Yumbi (Ouest) théâtre de très récentes violences communautaires. Bilan : plus de 1,2 million d'électeurs en moins sur 40 millions d'inscrits.

L'opposition accuse le pouvoir de mettre à l'écart ses bastions anti-Kabila, après avoir dénoncé pendant des mois la procédure de vote : la «machine à voter».

Jusqu'au bout, cet écran tactile aura nourri la polémique. S'agit-il d'une simple imprimante ou d'un vote électronique? Seront-elles installées dans les 80.000 bureaux de vote? La réponse risque de nourrir de nouvelles tensions dès ce dimanche.

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