Accusée d'avoir diffusé des images évoquant l'esclavage, Donata Meirelles, directrice mode du célèbre magazine Vogue au Brésil, a abandonné son poste.
Le cliché à l'origine du scandale a été pris lors du cinquantième anniversaire de Donata Meirelles. Tout sourire, vêtue d'une robe rose, elle est assise sur un fauteuil en rotin blanc, et flanquée de deux femmes noires habillées en blanc.
Un symbole de suprémacisme blanc ?
Des tenues qui, pour certains, ne sont pas sans rappeler celles des esclaves brésiliennes. «Les femmes noires ont été utilisées comme des objets pour créer une scène exotique», a estimé Stephanie Ribeiro, auteure de la rubrique «#BlackGirlMagic» de la version brésilienne du magazine Marie Claire. «Ça rappelle le colonialisme et présente cette époque de façon romantique. Elle recréait l'image selon laquelle les Blancs sont supérieurs et les Noirs sont déshumanisés», a-t-elle poursuivi.
Une comparaison illustrée par une utilisatrice d'Instagram, qui a juxtaposé une photo d'archive et celle de la désormais ex-directrice mode. «Une femme de la famille Costa Carvalho assise avec deux esclaves», indique-t-elle. «La première date de 1860. La deuxième est de 2019».
Le lendemain de la fête qui s'est tenue à Bahia (est du Brésil), Donata Meirelles a livré sa version des faits face au scandale. Elle a expliqué sur Instagram que le fauteuil en question était en fait un objet lié au candomblé, l'une des religions afro-brésiliennes pratiquées dans le pays, et que les femmes portaient des tenues traditionnelles. «Malgré tout, si cela a pu donner une autre impression, j'en suis désolée», s'est-elle excusée.
Elle a quitté son poste mercredi 13 février. «Vogue Brésil regrette profondément ce qui est arrivé et espère que le débat que cela a provoqué sera une expérience enrichissante», a écrit le magazine dans un communiqué publié sur Instagram.
Pour rappel, le Brésil est le dernier pays d'Amérique à avoir aboli l'esclavage noir le 13 mai 1888. Mais même si la population afro-brésilienne et métisse s'élèvait à 51,3% en 2010, le racisme reste un problème récurrent. «La société [brésilienne] est raciste et le sera toujours», avait déclaré Antonio Carlos Rodrigues l'année dernière, emprisonné à tort à la place du coupable qui avait «la même couleur de peau» que lui.
Un fossé visible même dans la presse féminine : c'est seulement trente-six ans après son lancement que Vogue Brésil a mis une femme noire en couverture. C'était en janvier 2011, pour l'édition spéciale «Black is beautiful», avec Emanuela De Paula.