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Présidentielle américaine 2020 : «une inflation de candidats démocrates»

Vingt-trois démocrates sont d'ores et déjà en lice pour la primaire démocrate. [Ethan Miller, JOE RAEDLE, MARK WILSON, Drew Angerer, CHIP SOMODEVILLA, Steve Pope, Jamie ROSE, KENA BETANCUR, Don EMMERT, Saul L]

Jamais les Etats-Unis n'avaient connu autant de candidats à la présidentielle. Vingt-quatre hommes et femmes politiques se sont en effet lancés dans la course à l'investiture démocrate, un record.

En juin 2020, à l'issue de plusieurs mois de primaires, seul l'un d'entre eux sera choisi pour affronter Donald Trump lors de l'élection présidentielle. Alors, pourquoi sont-ils autant à vouloir faire mieux qu'Hilary Clinton en 2016 ? Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire en classe préparatoire et spécialiste de la politique américaine, nous expose les raisons, principalement liées à l'actuel locataire de la Maison Blanche. 

Pourquoi compte-t-on autant de candidats démocrates cette année ?

Cette inflation des candidats a deux raisons principales : d’abord, les Démocrates, dans leur ensemble, estiment que Donald Trump est prenable. Incontestablement, c’est le président le plus impopulaire dans les sondages : il n’a jamais franchi les 50% d’approbation, une première depuis que les sondages Gallup existent ! C’est quelque chose qui visiblement encourage les Démocrates.

Ensuite, Donald Trump a en quelque sorte révolutionné le système des primaires en 2016. Il a montré qu’un candidat sans aucune expérience politique, avec une campagne amateure menée sans conseiller prestigieux, avec une équipe réduite, fonctionnant à l’économie au moins pendant une partie des primaires, pouvait lui permettre de devenir le candidat républicain, puis le président des Etats-Unis.

Alors pourquoi pas ? Pourquoi un candidat démocrate, fut-il simple maire d’une bourgade de 100.000 habitants comme Pete Buttigieg n’y croirait pas ?

Donc, c'est uniquement en réaction à Donald Trump ? 

Le contexte actuel chez les Démocrates favorise aussi la prolifération des candidats. Pour ceux les plus âgés, comme Joe Biden (76 ans), c’est leur dernière chance de se porter candidat à la présidentielle. La génération intermédiaire, entre 55 et 70 ans, se dit en revanche que c’est le meilleur moment pour se lancer avant qu'il ne soit trop tard. Enfin, les plus jeunes estiment que les autres ont fait leur temps et que c’est à leur tour de représenter le parti.

Il faut dire aussi que les Démocrates n’ont toujours pas analysé la défaite d’Hilary Clinton en 2016. Certains estiment qu’elle n’a pas vraiment perdu puisqu’elle avait largement remporté le vote populaire. Les partisans de cette idée jugent donc qu’il faut rester sur la même ligne centriste, social-libérale mais très progressiste d’un point de vue sociétal pour l'emporter en 2020.

Le deuxième raisonnement c’est de dire, au contraire, qu’elle a perdu, en raison d’une très mauvaise campagne. Plus précisément, elle ne s’est pas du tout adressée à l'électorat populaire blanc dans les Etats du Nord, vote finalement aspiré par Donald Trump. Dans ce scénario, les candidats démocrates comme Bernie Sanders considèrent qu'il faut changer de cap, avec des propositions plus à gauche, notamment en matière d'économie.

Sans leader, ni ligne adoptée collectivement, les candidats se lancent de tous les côtés !

Mais peut-on en réalité avoir autant de candidats ? 

Non, tout simplement parce qu’aux Etats-Unis, c’est principalement le secteur privé qui finance les campagnes électorales. Entre juin 2019 – période à laquelle doit commencer les débats télévisés – et la première élection prévue en février 2020, il est évident qu'il y aura des Démocrates qui vont être obligés de renoncer. Les donateurs ne vont pas financer un candidat qui n’a aucune chance de gagner.

D'autant plus que, pour l'instant, les montants ne sont pas extraordinaires et le vivier de financement n’est pas extensible à l’infini. D'ici là, chacun va essayer de prouver que sa candidature est viable, ce qui rend les débats télévisés d'autant plus cruciaux.

Qu'est-ce qu'ils ont à gagner en se présentant ?

Certains, les plus jeunes notamment, jouent clairement le coup d'après : ils visent éventuellement un poste de premier ministre ou une place sur le ticket présidentiel, comme vice-président. C'est le cas pour Julian Castro, par exemple. 

D'autres se positionnent sur d'autres élections. La prolifération du nombre de représentants, c'est-à-dire des élus locaux pas forcément connus dans leur propre Etat, est frappante. C'est un bon moyen de se faire connaitre pour être élu gouverneur ou sénateur. On peut penser notamment à Tim Ryan dans l'Ohio, ou Seth Moulton dans le Massachussetts.

Il y a aussi ceux qui apparaissent comme excentrique, comme le milliardaire de la technologie, Andrew Yang, ou l'écrivaine Marianne Williamson. Comme Trump au début, ils sont là pour d'éventuelles retombées pour leur marque, pour gagner en popularité ou pour écrire un nouveau livre.

Mais ils ont quand même tous la même idée en tête : Trump l'a fait, alors pourquoi pas moi ? 

Si l'on en croit les sondages, Joe Biden creuse l'écart. C'est un concurrent sérieux pour Donald Trump ?

Prudence : il est important de rappeler que lors de toutes les dernières primaires américaines, le candidat en tête au tout début de la campagne est rarement celui qui est arrivé au bout. Ceci posé, si on se rappelle du parcours de Donald Trump pendant la campagne de 2015-2016, il a fait la course en tête du début jusqu’à la fin, donc tous les scénarios sont maintenant possibles.

Pour l'instant, Joe Biden possède un avantage énorme : contrairement à la plupart des candidats, tous les Américains connaissent son nom, puisqu'il a été vice-président pendant huit ans, sous les deux mandats de Barack Obama. Il mise pour l'instant sur cet héritage.

Mais, tôt ou tard, il va être confronté à toute une série de controverses portant sur sa carrière politique avant Obama. De plus, il a déjà 76 ans, il en aura 78 s'il accède à la Maison blanche. On a jamais vu ça aux Etats-Unis ! Au moindre pépin de santé, même anecdotique, ça fera partie du débat. Ça l'était déjà lors de la campagne d'Hilary Clinton. De ce point de vue là, c'est prendre un risque.

Et puis, choisir Joe Biden sur la base de ses bons résultats dans les sondages ne nous dit rien sur sa capacité à mener une campagne efficace face à Donald Trump.

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