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Tout savoir sur le très critiqué accord de libre-échange UE-Mercosur

Les agriculteurs français et européens craignent que l'accord UE-Mercosur les place face à la concurrence déloyale des producteurs latino-américains. Les agriculteurs français et européens craignent que l'accord UE-Mercosur les place face à la concurrence déloyale des producteurs latino-américains. [NELSON ALMEIDA / AFP]

L'Union européenne et le Mercosur, un bloc regroupant quatre pays d'Amérique latine (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), ont conclu vendredi 28 juin un vaste accord de libre-échange, qualifié d' «historique» par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Voici les informations-clés à retenir sur ce traité, actuellement sous le feu des critiques en France.

plus de 90 % des droits de douane supprimés

Même si le contenu précis de l'accord reste secret, ses grandes lignes ont déjà été dévoilées. Il prévoit la suppression de 91 % des droits de douane imposés par le Mercosur sur les produits européens (ce qui représente 4 milliards d'euros d'économies par an selon la Commission européenne). Et, en sens inverse, l'UE s'est engagée à éliminer 92 % des taxes actuellement appliquées sur les biens sud-américains qui arrivent sur son sol.

Dans le détail, les droits de douane du Mercosur seront progressivement éliminés sur les voitures, les pièces détachées, les équipements industriels, la chimie, l'habillement, les produits pharmaceutiques, le vin ou encore le chocolat. En échange, l'UE a accepté d'ouvrir son marché agricole aux produits sud-américains, par le biais de quotas.

Cela signifie que le Mercosur pourra exporter chaque année vers l'Europe 99 000 tonnes de viande bovine à un droit de douane réduit à 7,5 %, et bénéficier d'un quota supplémentaire de 180 000 tonnes pour le sucre et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles.

cible des critiques en france

Depuis l'annonce de la conclusion de cet accord de libre-échange - qui était en négociations depuis vingt ans -, les critiques pleuvent contre le texte en France. Et, une fois n'est pas coutume, les écologistes comme les agriculteurs sont sur la même ligne. En effet, les premiers redoutent notamment qu'il accroisse la déforestation de l'Amazonie, le président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro voulant «livrer son pays à l'agrobusiness» selon le député européen Yannick Jadot (EELV).

Du côté des agriculteurs, français comme européens, on craint que l'accord ne les fragilise encore plus, eux qui éprouvent déjà des difficultés et dépendent grandement des subventions européennes. Les éleveurs pointent notamment la concurrence déloyale des «usines à viande» latino-américaines.

Quant aux politiques, ceux-ci fustigent eux aussi le texte. Les critiques viennent de tous les bords, et même de la majorité. Ce qui a poussé la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye à assurer mardi 2 juillet que la France n'était «pour l'instant pas prêt[e] à ratifier» l'accord. «On va le regarder dans le détail et en fonction de ce détail, nous allons décider», a-t-elle déclaré, alors qu'Emmanuel Macron avait auparavant salué un «bon» accord.

Un parcours législatif semé d'embûches

Avant de pouvoir entrer en application, l'accord UE-Mercosur va devoir passer plusieurs étapes législatives, qui rendent sa ratification incertaine. Il va d'abord être soumis à l’approbation des Etats membres dans le cadre du Conseil de l’UE. L'usage veut que l'unanimité des 28 (27 après le départ du Royaume-Uni) soit nécessaire. Un premier obstacle non négligeable, sachant que la France n'est pas encore convaincue par le texte.

Puis, le traité sera soumis au vote du Parlement européen, ce qui laisse présager une bataille acharnée au sein de l'institution. En effet, les Verts, opposés à l'accord, vont vouloir peser dans les discussions, eux qui ont remporté 75 sièges lors des dernières élections européennes (ce qui en fait la quatrième force du nouvel hémicycle). Le compromis devra enfin être approuvé dans chaque Etat membre de l'UE. Ainsi, il passera dans la plupart des cas devant les parlements nationaux, avec des débats politiques à la clé.

Le traité va également devoir être approuvé dans les quatre Etats du Mercosur. Un pari loin d'être gagné. Au Brésil, le président Jair Bolsonaro ne dispose pas d'une majorité au congrès. Quant à l'Argentine, une élection présidentielle est prévue fin octobre dans le pays, dont l’actuel président Mauricio Macri n’est pas favori. Et l'opposition a déjà prévenu qu'elle ne voterait pas l'accord.

Pas le premier grand accord de libre-échange conclu par l'UE

L'accord UE-Mercosur vient compléter deux autres traités de libre-échange récemment conclus par l'UE, qui apparaissent comme une réponse à la politique protectionniste des Etats-Unis de Donald Trump.

Il y a d'abord eu le CETA, signé en octobre 2016 entre l'UE et le Canada et approuvé en février 2017 par le Parlement européen. Il doit encore être ratifié par chaque Parlement des 28 pays de l'UE pour entrer en application. En France, il sera examiné par l'Assemblée nationale le 17 juillet prochain. Les députés socialistes, opposés à cet accord, ont déjà fait savoir qu'ils comptaient suggérer au gouvernement un référendum sur le CETA.

Un accord de libre-échange entre l'UE et le Japon - appelé JEFTA - est de son côté entré en vigueur en février dernier. Il avait été conclu en juillet 2018 et avait été voté par le Parlement européen en décembre. Il constituait au moment de sa signature l'accord de libre-échange le plus important jamais scellé par l'UE, puisqu'il concerne plus de 630 millions de personnes et près d'un tiers du PIB mondial.

Il doit maintenant partager cette place avec l'accord UE-Mercosur, qui touche plus de monde (770 millions de personnes) mais représente moins d'argent (un quart du PIB mondial).

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