Vendre des restes humains sur Internet, croyez-le ou non, c'est possible. Ce commerce, banni depuis 2016 sur la plateforme de vente en ligne Ebay, a depuis pris racine sur les réseaux sociaux, en particulier Instagram.
Au milieu des vidéos de chats et des photos d'influenceurs, des milliers de posts proposent ainsi à la vente des morceaux de squelette humain bien réels, principalement des crânes restaurés et décorés, parfois même sculptés et articulés. Il suffit d'une rapide recherche sur Instagram pour confirmer cette mode à la frontière du morbide et du taxidermisme.
Suivi par près de 4.000 personnes, le compte de Dolen Carag, basé en Belgique, propose depuis 2016 des crânes sculptés de tout style. Dans une autre catégorie, plus de 30.000 abonnés suivent le compte de la boutique «Curiosities from the 5th Corner», de l'anglais Henry Scragg, qui propose des pièces à 750 livres, soit 800 euros, comme une lampe où une boîte crânienne a remplacé l'abat-jour.
Deux chercheurs en archéologie, Damien Huffer de l'université de Stockholm, et Shawn Graham de l'université Carleton d'Ottawa, ont surveillé de près ce marché parallèle entre 2013 et 2016. En cherchant et en analysant plusieurs milliers de publications et de commentaires vantant les mérites de ces pièces de collection sur Instagram, ils ont découvert «un véritable réseau de collectionneurs et de revendeurs, spécialistes ou généralistes, interconnectés».
Un marché qui rapporte
Un utilisateur n'a qu'à poster la photo d'un crâne, par exemple, pour le mettre sur le marché, sans même indiquer son prix : la transaction et le paiement se négocient par messages privés. Quelques hashtags comme #realhumanskull ou #skullcarving (en français «véritable crâne humain» ou «sculpture sur crâne») permettent de retrouver ces produits hors du commun.
Les conclusions du rapport des deux chercheurs, publié en 2017, révèle un commerce en forte croissance : en 2013, le montant total des ventes s'élevaient à 5.200 dollars (4.700 euros). En 2016, ce chiffre était passé à 57.000 dollars (51.000 euros). Avec des pièces entre 640 et 1.000 euros, jusqu'à 18 000 euros l'unité, le montant total doit être probablement beaucoup plus élevé, selon les spécialistes.
Compte tenu de l'engouement, la plate-forme de commerce en ligne eBay a depuis interdit la vente de restes humains en 2016, à l'exception des cheveux, parfois nécessaires à la fabrication de perruques. Or, contrairement aux autres marchés illicites sur Instagram - services sexuels, animaux exotiques, armes à feu, drogue et médicaments -, il n'est pas explicitement illégal d’y échanger des restes humains.
Le marché est d'autant plus florissant que peu d'Etats aux Etats-Unis disposent d'une législation claire en la matière, comme le rapporte le site anglais Wired. En France, la loi stipule que le corps humain est inviolable. Le Code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende «toute atteinte à l'intégrité d'un cadavre, par quelque moyen que ce soit».