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Le Japon annule l'exposition d'une statue sud-coréenne représentant une «femme de réconfort»

A cause de cette statue, représentant les esclaves sexuelles coréennes pendant la période coloniale, les organisateurs de l'exposition ont reçu des menaces d'attentats. [KIM SEO KYUNG , KIM EUN SUNG]

Au Japon, une exposition présentant une statue sud-coréene symbolisant les «femmes de réconfort», soit les esclaves sexuelles de l'armée impériale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, a été fermée au public samedi.

Alors qu'elle devait durer deux mois et demi, l'exposition, inclue dans un important festival artistique, la Triennale d'Aichi, dans le centre de l'archipel, a donc été annulée trois jours seulement après son ouverture par ses organisateurs. Intitulée «Après la liberté?», elle regroupait plusieurs œuvres d'art controversées auparavant censurées ou toujours susceptibles de l'être, au Japon comme ailleurs.

L'oeuvre ici visée représente une jeune femme aux pieds nus, vêtue de la hanbok, la robe traditionnelle coréenne, assise, les mains posées sur les jambes. Cet art engagé symbolise à la fois les souffrances endurées par les femmes dites de «réconfort», ou ianfu en japonais, enrôlées de force dans les bordels de l'armée impériale nippone pendant la Seconde Guerre mondiale, et leur lutte pour obtenir les excuses officielles et des dédommagements de la part de Tokyo.

La plupart des historiens estiment à environ 200.000 le nombre de Coréennes, Chinoises et Philippines, obligées de travailler dans des bordels militaires de campagne japonais pendant la Seconde guerre mondiale. Les rescapées ne sont pas nombreuses : la chaise vide qui accompagne la statue symbolise d'ailleurs les milliers de victimes mortes depuis la fin de la guerre. 

Des menaces d'attentat

Le gouverneur d'Aichi, Hideaki Omura, qui dirige le comité d'organisation du festival, a justifié sa décision par souci de sécurité. Il a en effet indiqué que les organisateurs avaient reçu un grand nombre de menaces par téléphone, email ou fax. L'un des fax reçus portait même la mention: «Je vais aller au musée avec un bidon d'essence». Une référence probable selon lui au récent attentat meurtrier du studio d'animation Kyoto Animation ravagé par les flammes, qui a fait 35 morts le mois dernier. 

Cette décision intervient à un moment où les relations diplomatiques entre le Japon et la Corée du Sud n'ont jamais été aussi tendues. Les relations entre les deux pays ont longtemps été détériorées par d'épineuses querelles historiques et mémorielles, héritées de la période où la Corée était une colonie japonaise.

L'épicentre de tensions diplomatiques

Au centre du conflit, la question des esclaves sexuelles empoisonne les relations bilatérales depuis des décennies, nombre de Sud-Coréens y voyant le symbole de tous les abus et violences commis par le Japon entre 1910 et 1945. Les tensions sont d'autant plus exacerbées depuis que Séoul et Tokyo se sont infligés vendredi des restrictions commerciales réciproques

Ces dernières années, des militants ont érigé des dizaines de statues semblables à celle d'Aichi dans des lieux publics à travers le monde. Ces œuvres provoquent la fureur des autorités japonaises, qui se sont aussi indigné du fait que des tribunaux sud-coréens exigent d'entreprises japonaises qu'elles dédommagent des Sud-Coréens qui avaient été forcés de travailler dans leurs usines durant l'occupation japonaise.

dm_img_paysage_avant_crop_statue_jung_yeon-je_afp_5d4837319317a.jpgJUNG YEON-JE / AFP

En 2016, l'une d'elles installées à Séoul près de l'ambassade japonaise avait fait couler beaucoup d'encre entre les deux voisins ennemis et relancé le débat d'une compensation. Tokyo continue de contester avec fermeté, estimant que ces contentieux ont été réglés par le traité de 1965 qui avait permis la reprise des relations diplomatiques bilatérales et qui incluait des réparations.

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