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Tout comprendre à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine

Le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping se sont notamment entretenus fin juin, en marge du sommet du G20 à Osaka (Japon). Le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping se sont notamment entretenus fin juin, en marge du sommet du G20 à Osaka (Japon). [Brendan Smialowski / AFP]

Depuis mars 2018, Etats-Unis et Chine se livrent une guerre commerciale sans pitié, à coups de taxes sur les importations des produits des deux pays. Un conflit qui s'est déplacé ces dernières semaines sur le terrain technologique et monétaire, et dont l'issue reste incertaine.

Le déficit commercial américain comme origine

Elu sur le slogan «Make America great again» («Rendre à l'Amérique sa grandeur»), Donald Trump voit comme une anomalie l'abyssal déficit commercial - lorsque les importations sont supérieures aux exportations - des Etats-Unis, qui a atteint 566 milliards de dollars en 2017, dont 375 milliards avec la Chine. Afin de le réduire, le président américain annonce, le 8 mars 2018, la mise en place de taxes de 25 % sur les importations d'acier et de 10 % sur l'aluminium.

A la veille de leur entrée en vigueur, le 22 mars, le milliardaire républicain décide d'exempter provisoirement de ces droits de douane supplémentaires l'Union européenne et six autres pays. La Chine, premier producteur mondial des deux métaux, n'est pas concernée par cette exemption. Le même jour, Donald Trump menace d'instaurer d'autres taxes sur les importations de produits chinois, d'un montant pouvant atteindre 60 milliards de dollars par an. Avec ces mesures punitives, le président américain vise particulièrement l'immense déficit commercial qu'ont les Etats-Unis avec la Chine, qui est dû selon lui à la concurrence déloyale de Pékin et au «vol» de propriété intellectuelle américaine par les firmes chinoises.

Une escalade des taxes douanières

En représailles aux annonces de Donald Trump, la Chine dévoile le 23 mars 2018 une liste de 128 produits sur lesquels elle dit vouloir appliquer des droits des douanes de 15 % à 25 % en cas d'échec des négociations entre les deux pays. Une menace mise à exécution le 2 avril, sur des importations américaines d'une valeur de trois milliards de dollars. Le lendemain, le 3 avril, Washington riposte en publiant une liste de produits chinois qui pourraient être taxés en réponse «au transfert forcé de technologie américaine et de propriété intellectuelle», une annonce qui fait suite à la déclaration de Trump le 22 mars. Ces importations chinoises représentent approximativement 50 milliards de dollars. Pékin réplique le lendemain avec une liste visant des importations américaines du même montant.

Après une courte période d'apaisement, les Etats-Unis et la Chine basculent véritablement dans la guerre commerciale début juillet 2018. Les Etats-Unis mettent en place des taxes douanières sur 34 milliards de dollars d'importations chinoises, suivis par la Chine qui fait de même sur un montant équivalent de produits importés américains. Washington tire une nouvelle salve fin août 2018 (sur 16 milliards de dollars), puis une autre fin septembre (sur 200 milliards de dollars), auxquelles répond à chaque fois Pékin.

Après une trêve, la guerre commerciale reprend en mai dernier : les Etats-Unis portent de 10 % à 25 % les droits de douane sur 200 milliards de dollars d'importations chinoises. Puis, le 1er juin, la Chine augmente ses droits de douane sur 60 milliards de dollars d'importations américaines.

Alors que les négociations entre Washington et Pékin viennent de reprendre en face-à-face, Donald Trump prend tout le monde de court le 1er août, en remettant une pièce dans la machine de la guerre commerciale. Il annonce en effet la mise en place de droits de douane supplémentaires de 10 % sur les 300 milliards de dollars d'importations chinoises jusque-là épargnées, à compter du 1er septembre.

Ces nouveaux tarifs entrent bien en vigueur à la date prévue, mais ils sont finalement portés à 15 %, et concernent seulement une partie des 300 milliards de dollars de biens chinois importés évoqués par le président américain (certains médias parlent de 125 milliards). Les produits de grande consommation sont en effet exclus temporairement de cette hausse (ils seront taxés à partir du 15 décembre), le président américain reconnaissant vouloir éviter des hausses de prix avant la saison des achats de fin d'année. De plus, à compter du 1er octobre, les tarifs douaniers sur 250 milliards de dollars de produits chinois seront alourdis.

Pékin a déjà annoncé qu'il allait rétorquer à ces nouvelles sanctions en augmentant ses tarifs douaniers sur 75 milliards de dollars de biens américains (dont les voitures), dont une partie seulement doit entrer en vigueur le 1er septembre.

Une guerre commerciale qui s'est déplacée sur le terrain technologique...

En plus des hausses successives des droits de douane sur les importations américaines et chinoises, la guerre commerciale entre les deux superpuissances se traduit aussi désormais sur le terrain technologique. En mai dernier, Donald Trump signe un décret interdisant aux réseaux de télécommunications américains de se fournir en équipements auprès de sociétés étrangères jugées à risque. Une mesure qui cible particulièrement la Chine et son géant chinois des télécoms, Huawei.

En effet, le président américain voit l'entreprise chinoise comme une «menace» pour la sécurité des Etats-Unis. Il la soupçonne d'espionnage au profit de Pékin, à travers les équipements fournis aux sociétés étrangères. Le locataire de la Maison Blanche place dans le même temps Huawei sur une liste noire d'entreprises suspectes auxquelles les entreprises américaines ne peuvent vendre des produits technologiques, sauf autorisation spéciale.

Conséquence de cette décision, Google annonce quelques jours plus tard la suspension de ses relations commerciales avec Huawei, à qui il fournit notamment son système d'exploitation Android. Mais face aux inquiétudes des usagers et des entreprises, dont certaines dépendent de Huawei, Washington accorde finalement un sursis de 90 jours à la firme chinoise. Un délai qui devait expirer le 19 août, mais qui a été prolongé de 90 jours supplémentaires par Donald Trump.

Face à cette nouvelle attaque, sur le terrain numérique cette fois, la Chine a répondu fin mai, en annonçant qu'elle allait créer sa propre liste noire d'entreprises étrangères «non fiables». Première conséquence concrète de cette guerre technologique, les prochains modèles de smartphone haut de gamme de Huawei ne disposeront pas d'un système d'exploitation Android, et seront donc privés des applications Google (Maps, Gmail, YouTube...), a confirmé le géant américain le 30 août.

...et sur le terrain des monnaies

Pour répondre à l'offensive commerciale américaine du 1er août dernier, la Chine a ouvert un nouveau front, celui des monnaies. Le 5 août, elle laisse se déprecier sa devise, le yuan, qui franchit le seuil symbolique des 7 yuans pour un dollar, un plus bas depuis onze ans. Une façon pour Pékin de faire face aux droits de douane américains et de soutenir ses exportations. En effet, la valeur du yuan se réduisant, les produits chinois libellés en cette devise deviennent mécaniquement moins chers pour les acheteurs munis d'autres monnaies. Mais cette dévaluation augmente dans le même temps le risque de fuite des capitaux.

La réaction des Etats-Unis ne se fait pas attendre. Pour la première fois depuis 1994, le pays accuse la Chine de manipuler le cours de sa devise. Le Trésor américain indique par ailleurs qu'il compte demander au Fonds monétaire international (FMI) de mettre un terme à «l'avantage compétitif créé par les récentes décisions chinoises». Sans effet jusque-là, le yuan étant tombé le 26 août dernier à son plus bas niveau depuis 2008, à 7,1449 yuans pour un dollar.

Quelle issue ?

Alors que les milieux économiques craignent depuis des mois l'impact d'une escalade de la guerre commerciale sur la croissance mondiale, les dernières évolutions du conflit n'ont fait que renforcer leurs craintes. D'autant plus que le contexte n'est déjà pas idéal, avec les incertitudes liées au Brexit et une économie mondiale (en Chine et dans l'UE notamment) qui montre des signes de faiblesse. Ainsi, fin juillet, le FMI a une nouvelle fois abaissé ses prévisions de croissance mondiale, tablant sur 3,2 % en 2019 et 3,5 % en 2020, soit 0,1 point de moins sur chacune des deux années par rapport aux prévisions d’avril.

Malgré un contexte qui invite peu à l'optimisme, des signes d'espoir sont apparus récemment, montrant qu'une issue à la guerre commerciale est toujours possible. Lors du G7 à Biarritz fin août, Donald Trump, pressé par les autres dirigeants mondiaux d'assouplir sa position, a d'abord rejeté tout compromis, avant de surprendre tout le monde en annonçant qu'il avait reçu un appel de la Chine pour reprendre les négociations. Un coup de téléphone qui aurait été inventé par le président américain selon les informations de CNN, mais qui montre tout de même que celui-ci est toujours ouvert à un accord commercial avec la Chine. Par ailleurs, le milliardaire républicain a déclaré mi-août que la prochaine session de négociations entre Pékin et Washington, programmée début septembre, était «toujours prévue», malgré les nouvelles sanctions imposées par les Etats-Unis.

Pour mettre fin à la guerre commerciale, Donald Trump exige notamment que la Chine achète davantage de produits agricoles américains, mais également qu'elle arrête de subventionner ses entreprises publiques, notamment ses géants du web (appelés les BATX : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). L'ex-magnat de l'immobilier veut aussi que Pékin mette fin aux transferts de technologie imposés aux entreprises étrangères, ainsi qu'au «vol» de la propriété intellectuelle américaine.

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