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Brexit : la suspension du Parlement décidée par Boris Johnson cristallise les oppositions

Un manifestant, portant un masque représentant Boris Johnson, proteste face à Downing Street à Londres, devant une fausse pierre tombale gravée des mots «RIP British Democracy», le 28 août dernier. Un manifestant, portant un masque représentant Boris Johnson, proteste face à Downing Street à Londres, devant une fausse pierre tombale gravée des mots «RIP British Democracy», le 28 août dernier. [DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP]

Une crise politique historique. La décision de Boris Johnson de suspendre le Parlement pendant plus d'un mois provoque des remous au Royaume-Uni. De nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer un «coup d'Etat», destiné selon eux à empêcher les députés de s'opposer à un Brexit sans accord, le 31 octobre. La rentrée parlementaire, ce mardi 3 septembre, promet d'être houleuse.

Les partis d'opposition, menés par les Travaillistes, prévoient de présenter dès mardi une proposition de loi vouée à empêcher un «no deal» le 31 octobre, qui pourrait consister à forcer Boris Johnson à demander à l'UE un nouveau report du Brexit, déjà repoussé deux fois. Le but étant de faire passer le texte avant la suspension du Parlement, qui doit démarrer dès la deuxième semaine de septembre et s'achever le 14 octobre.

Alors que plusieurs députés conservateurs - donc du même camp que le Premier ministre - ont prévu de voter avec l'opposition, Boris Johnson a durci le ton, en les menaçant tout simplement d'exclusion du parti, a-t-on appris ce lundi 2 septembre. Pour l'ancien ministre de la Justice David Gauke, conservateur rebelle, il s'agit d'une stratégie pour «purger» de la formation ceux qui sont opposés au gouvernement sur le Brexit, et ensuite provoquer des élections générales anticipées. Deux responsables tory, dont Ruth Davidson, cheffe des Conservateurs écossais, ont déjà démissionné de leur poste.

La convocation d'un scrutin anticipé est l'objectif avoué des Travaillistes. Le chef du Labour, Jeremy Corbyn, l'a confié ce lundi 2 septembre : il veut des élections générales une fois la législation bloquant un «no deal» adoptée. Il a également déclaré qu'une motion de censure contre le gouvernement, qui pourrait aussi mener à des élections, était toujours sur la table. Mais pour l'ex-Premier ministre travailliste Tony Blair, l'organisation d'élections serait un «piège» pour le Labour, à cause de l'impopularité de Jeremy Corbyn, l'ancien dirigeant se disant en revanche favorable à un second référendum.

Recours en justice, manifestations et pétition

La fronde contre la suspension du Parlement s'organise donc sur le plan législatif, mais pas que. Les opposants explorent toutes les voies possibles pour contrecarrer cette décision, notamment judiciaire. Trois recours en justice ont en effet été déposés pour tenter de bloquer cette mesure.

Mardi 3 septembre, la plus haute instance civile d'Ecosse étudiera la demande de 75 députés pro-européens, déjà rejetée une fois vendredi 30 août. Un autre recours, introduit au nom d'un militant des droits de l'Homme nord-irlandais, Raymond McCord, doit également être examiné mardi par la Haute Cour d'Irlande du Nord. Enfin, une action en justice intentée par la militante anti-Brexit Gina Miller, à laquelle s'est joint l'ex-Premier ministre conservateur John Major, sera examinée jeudi 5 septembre à Londres.

Les opposants à un Brexit sans accord veulent également tenter de faire plier le gouvernement par la rue. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi manifesté samedi 31 août dans une trentaine de villes du Royaume-Uni (dont Londres, Manchester, Edimbourg ou Belfast) pour dénoncer le «coup d'Etat» du Premier ministre, après avoir déjà défilé mercredi 28 août. De nouveaux rassemblements sont prévus ce mardi 3 septembre, pour la rentrée parlementaire. Le mouvement «Momentum», proche de Jeremy Corbyn, a de son côté appelé le 31 août dernier à «bloquer les routes et les ponts», en signe de protestation.

Une pétition a par ailleurs été lancée sur le site officiel du Parlement britannique, qui a recueilli plus de 1,7 million de signatures. Elle devra donc faire l'objet d'un débat parlementaire, comme c'est la règle au Royaume-Uni pour toute pétition atteignant au minimum 100.000 signatures.

Une opposition d'ampleur, qui s'explique par le caractère «choquant» de la manœuvre de Boris Johnson selon Olivier Marty, enseignant en questions européennes à Sciences Po. «Il prive le Parlement de son droit d'expression sur un enjeu primordial, dans un pays ayant inventé le parlementarisme, en jouant la stratégie du peuple contre les élus», analyse le spécialiste du Royaume-Uni. Certains membres du Parti conservateur soutiennent malgré tout la démarche du locataire de Downing Street, tels que Jacob Rees-Mogg, l'europhobe ministre chargé des Relations avec le Parlement, pour qui «cette indignation est bidon».

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