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OK, 88, Pepe the Frog... Quels sont les signes de ralliement des suprémacistes blancs ?

Le signe «OK» avec les doigts forme les lettres «W» et «P», c'est-à-dire les intiales de «White Power». Le signe «OK» avec les doigts forme les lettres «W» et «P», c'est-à-dire les intiales de «White Power».[John Rudoff / AFP]

Aux Etats-Unis, un employé d'un parc d'attractions a récemment été licencié après avoir fait le geste «OK» avec ses doigts sur une photo avec une enfant métisse. Un signe qui est en effet associé au suprémacisme blanc. S'il est le plus connu, c'est loin d'être le seul symbole de cette idéologie raciste.

OK

Il vient d'entrer dans la liste des symboles haineux établie par l'ONG américaine Anti-Defamation League (ADL, «Ligue anti-diffamation» en français), qui en compte plus de 200. Le «OK» avec la main est sans aucun doute le signe suprémaciste le plus connu. En faisant ce geste, les doigts forment un «W» et un «P», les initiales de «White Power». La présidente du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen a fait polémique en mai dernier, en faisant ce signe sur un selfie avec un militant d'extrême droite estonien.

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(©ADL)

Elle s'était défendue, d'abord en disant ignorer la signification du «OK», puis en affirmant sur France Inter qu'il s'agissait d'un «gigantesque trollage effectué par un forum très connu qui s’appelle 4Chan». Une explication qui tiendrait en effet la route. L'ADL, tout comme de nombreux médias américains, raconte que c'est en 2017 que des internautes du forum de discussions 4chan ont lancé «l’opération O-KKK» (pour Ku Klux Klan), consistant à «inonder Twitter et les autres réseaux sociaux... en prétendant que le signe OK fait avec la main est un symbole de la suprématie blanche».

Un canular qui a extrêmement bien fonctionné, puisque les médias et les associations antiracistes ont par la suite largement relayé cette information. Mais à force d'être utilisé par les personnalités d'extrême droite pour se moquer de ceux qui surinterprètent ce geste, ce signe est désormais utilisé au premier degré par certains suprémacistes. A l'image de Brenton Tarrant, l'auteur des tueries des mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le 15 mars dernier, qui a fait le signe «OK» lors d'une audience au tribunal après les attentats.

88

Comme le «OK», «88» figure dans la liste des symboles de haine de l'ADL. Ce chiffre est en effet une référence directe à Adolf Hitler. En effet, la huitième lettre de l'alphabet est le «H». Derrière «88» se cache donc «HH», les initiales de la phrase «Heil Hitler». Une phrase interdite en Allemagne, car utilisée à l'époque pour saluer le «Führer», le tout acccompagné du salut nazi. Aujourd'hui, ce signe est utilisé par tous les suprémacistes blancs, pas seulement par les néo-Nazis, précise l'ADL. Notamment en tatouage, dans un nom de groupe ou une adresse mail, ou même comme salutation ou approbation sur les réseaux sociaux.

Ce nombre est fréquemment utilisé avec un autre, le 14. Il s'agit d'une référence aux «14 mots», «le slogan suprémaciste le plus populaire du monde», explique l'ADL : «Nous devons assurer la défense de notre peuple et un avenir aux enfants blancs». Cette phrase est de David Lane, un suprémaciste blanc américain mort en 2007 et dont les écrits ont eu une influence considérable sur le mouvement «White Power».

Parmi les autres chiffres associés au suprémacisme figure le 18. Même logique que pour le 88. Le «1» représente la première lettre de l'alphabet (le «A»), le «8» la huitième lettre (le «H»), ce qui donne les initiales «AH», pour Adolf Hitler. En 2014, la marque Ariel avait ainsi dû retirer deux paquets de lessive des rayons des supermarchés en Allemagne, à cause des nombres 18 et 88 qui figuraient en gros sur leur emballage qui indiquaient le nombre de lavages. Des allusions néo-nazies involontaires selon Procter & Gamble, l'entreprise propriétaire d'Ariel.

Pepe the frog

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(©DR)

«Pepe the Frog» («Pepe la Grenouille» en français), ou l'histoire d'un détournement. A l'origine simple personnage d'une bande dessinée lors de sa naissance en 2005 sous le crayon de Matt Furie, la grenouille verte est devenue un célèbre «mème» sur internet en 2008, à son arrivée sur les forums 4chan, 8chan et Reddit. Elle apparaît alors le plus souvent avec une bulle, dans laquelle on peut lire «Je me sens bien mec», ou «Je me sens mal mec».

Mais rapidement, elle est détournée de son image de gentil batracien - de bonne ou de mauvaise humeur selon les jours - par l' «alt-right» (l'extrême droite) américaine, dont elle devient un emblème. On la voit alors avec la moustache d'Hitler, des croix gammées, avec un habit du Ku Klux Klan, ou encore dire la phrase «Je tue des Juifs mec». Un mouvement qui s'accélère lors de la campagne présidentielle de 2016 aux Etats-Unis, Donald Trump lui-même utilisant une image de Pepe the Frog dans un tweet en octobre 2015, où celle-ci prend les traits du futur président américain.

Le créateur de la grenouille, Matt Furie, a bien tenté de sauver son personnage des griffes de l'ultradroite en octobre 2016, en lançant le hashtag #savepepe («sauvez Pepe»), et en publiant une tribune dans le Time. «Je revendique Pepe. Il n’a jamais eu rien à voir avec la haine», y écrit-il. Mais rien n'y fait, et celui-ci décide donc en mai 2017 de tuer symboliquement Pepe the Frog. Dans une courte bande dessinée, elle apparaît dans un cercueil, entourée de ses amis en deuil.

Mais la célèbre grenouille a récemment fait un retour en force. Les manifestants pro-démocratie à Hong Kong - qui ne connaissent pas son passé sulfureux - se sont en effet emparés de son image, comme symbole de la résistance face à Pékin. «C’est une bonne nouvelle ! Pepe pour le peuple !», se serait rejoui son créateur Matt Furie dans un mail.

La pilule rouge

Ce symbole n'est pas uniquement partagé par les suprémacistes, mais l'est aussi par les misogynes et autres masculinistes, tels que les «Incels» (la communauté d'hommes qui se retrouvent sur internet pour insulter les femmes). La pilule rouge («red pill» en anglais) est une référence au film de science-fiction Matrix, dans lequel le héros, Neo (joué par Keanu Reeves), doit choisir entre avaler la pilule bleue, qui lui fera reprendre le cours normal de sa vie, et la pilule rouge, qui lui permettra de découvrir ce qu'il y a dans la Matrice et de voir la réalité du monde en face (Neo choisira la rouge).

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(©Capture d'écran YouTube / Freestyler 365)

La pilule rouge a, comme de nombreux autres symboles racistes, fait l'objet d'un détournement. Comme l'explique Le Monde, «elle s’est imposée comme la métaphore de l’entrée dans un discours alternatif, celui que les médias tairaient, celui qui dérangerait, par opposition à la pilule bleue, qui serait celui de l’acceptation paresseuse». Une référence complotiste largement utilisée sur les forums, notamment sur Reddit, qui dispose de sa propre section «The Red Pill». Concrètement, pour les suprémacistes, la pilule rouge fait référence à la croyance qu'il existe un «génocide blanc» et une «guerre des races» - pour les masculinistes, c'est la conviction que les femmes sont en position de domination sur les hommes.

Cette théorie peut parfois avoir des effets tragiques. En effet, l'auteur de la fusillade de la synagogue de Poway, près de San Diego (Californie) en avril 2019 (qui a fait un mort et trois blessés), avait évoqué juste avant l'attaque, dans un texte publié sur 8chan, le mouvement «red pill».

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