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Portugal : le PS en position de force pour remporter les législatives

Arrivé au pouvoir en 2015, le Premier ministre socialiste portugais Antonio Costa a toutes les chances d'être reconduit, à l'occasion des législatives du 6 octobre. [PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP].

Les électeurs portugais sont appelés aux urnes ce dimanche 6 octobre afin d'élire leurs députés à l'occasion des élections législatives. Fort d'un bilan économique favorable, le Parti socialiste semble bien parti pour remporter le scrutin, permettant au Premier ministre sortant, Antonio Costa, d'être reconduit à la tête du pays.

Sur les six derniers sondages analysés et compilés cette semaine par le média en ligne Observador, tous placaient en effet le parti socialiste portugais en tête des élections, avec des intentions de vote oscillant entre 36 et 39 %, soit loin devant le centre-droit du Parti social-démocrate (PSD) de l'ancien maire de Porto, Rui Rio, crédité, lui, de 25 à 30 % des suffrages.

Des résultats qui, s'ils se confirmaient, permettraient aux socialistes de se renforcer au sein de l'Assemblée de la République (chambre unique du Parlement portugais, ndlr), sans toutefois atteindre la majorité absolue, ce qui, dans ce cas, obligerait Antonio Costa à renouer des alliances auprès des autres formations de gauche.

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Le Parlement portugais sortant [I.de Véricourt/V.Lefai / AFP]

Une très probable victoire donc pour les socialistes mais qui pourrait laisser l'ancien maire de Lisbonne d'origine indienne quelque peu sur sa faim alors que ces dernières semaines il n'a eu de cesse de nourrir à demi-mot le rêve se s'affranchir de ses partenaires du Bloc de gauche et du Parti communiste, grâce auxquels il a pourtant pu arriver au pouvoir en 2015, à la faveur d'une alliance inédite.

Une redressement économique à contre-courant 

Dans un pays plombé par la crise financière de 2008, et celle des dettes souveraines de 2010, les socialistes et leurs alliés de la gauche radicale avaient à l'époque promis de «tourner la page de l'austérité».

En 2015, alors que le chômage atteint en moyenne 12,6 % - après un pic de 17 % en 2013 - la nouvelle équipe au pouvoir, profitant d'un début de reprise entamée sous le précédent gouvernement de droite, fait le pari d'une politique de relance.

Détricotant les coupes qui avaient été mises en place, Antonio Costa et son ministre des Finances Mario Centeno, aujourd'hui patron de l'Eurogroupe, se fixent pour objectif de rétablir le pouvoir d'achat et augmentent notamment les salaires dans la fonction publique ou les retraites.

Le gouvernement profite dans le même temps d'une explosion du tourisme, notamment en raison du contexte terroriste, de nombreux voyageurs se détournant des pays du Maghreb. Un secteur extrêmement important pour l'économie portugaise et qui pèse aujourd'hui 12,2 % du produit intérieur brut (PIB).

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[Principaux indicatifs économiques du Portugal / AFP]

La politique qui, depuis 2009, permet aux retraités européens de bénéficier sous conditions d'un statut particulier et d'être exonérés d'impôt sur le revenu est encouragée, contribuant à redynamiser le marché immobilier. Pour renflouer plusieurs fleurons de son économie, le Portugal continue aussi d'ouvrir son économie aux capitaux chinois, quitte à alimenter les craintes de perte de souveraineté face aux appétits de Pékin.

L'une dans l'autre, toutes ces décisions contribuent à rétablir la croissance à 3,5 % du PIB en 2017 et 2,4 % en 2018, ses plus hauts niveaux depuis l'année 2000, tandis que le chômage s'est réduit de moitié pour revenir aujourd'hui à son niveau d'avant crise (6,4 % en juillet).

Un pays hermétique aux populismes

Outre ce bilan économique favorable, les socialistes portugais bénéficient aussi d'un contexte social et historique particuliers.

Là aussi à rebours de nombreux Etats européens, où une vague de partis eurosceptiques et populistes se sont imposés ces dernières années comme lors des élections européennes de mai 2019, l’extrême droite n’existe presque pas au Portugal. 

Dans un pays toujours très marqué par le poids des quarante-huit années de dictature militaire puis celle de «l'Estado Novo» de Antonio de Oliveira Salazar - soit combinées la plus longue dictature d'Europe occidentale avec le régime des colonels en Grèce - les populismes sont honnis, ce qui profite aux partis traditionnels et donc au parti socialiste.

Si le Portugal reste un pays toujours très catholique et aux fortes traditions, le mariage pour tous y a pourtant été autorisé en 2010, soit deux ans avant la France, et les couples de même sexe peuvent y adopter des enfants depuis 2015. Avec la Suède et le Canada, le pays est considéré comme le plus gay-friendly au monde.

Devenu véritable laboratoire en termes de société, les politiques innovantes menées ces dernières années, notamment en matière de drogue sont maintenant observées par le monde entier.

Des faiblesses structurelles persistantes

Reste que si le Portugal prend des airs de terre promise, tout n'est pas pour autant plus facile là-bas.

Le boom du marché immobilier et des logements Airbnb chassent les classes moyennes, qui n’ont plus d'autre choix que de quitter les centres-villes.

Concernant le tourisme, s'il a contribué à la baisse du chômage, il fournit des emplois peu qualifiés et précaires. En 2018, 22 % des salariés portugais étaient ainsi en contrat à durée déterminée (CDD), selon Eurostat, contre 14,1 % dans l’Union européenne (UE). Une situation d'instabilité qui frappe particulièrement les jeunes : 64,5 % d’entre eux ont ainsi un contrat temporaire, contre 43,3 % dans l’UE. C'est 10 points de plus qu’il y a dix ans.

Alors que la campagne électorale bat encore son plein, la question environnementale pourrait également polariser les débats.

En cause : un petit village de la région de Boticas, au nord du Portugal qui se bat contre l’établissement d’un site d’extraction de lithium dans une réserve naturelle classée à l’Unesco.

Les terres de la région regorgent de ce minerai essentiel pour les batteries, et ses réserves, probablement les plus importantes d’Europe, pourraient rapporter des milliards à l’État.

Le gouvernement socialiste entend bien profiter de cette manne et souhaite accorder des licences d’exploitation au plus vite. Les écologistes, bien sûr, s’y opposent. 

Si les socialistes sont assurés de l'emporter, le vote donnera une idée du rapport de forces sur la bataille pour le «pétrole blanc», qui divise le pays, et ils devront apporter des réponses en matière de logements et d'emplois durables.

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