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Bolivie : 5 questions qui se posent après la démission d'Evo Morales

Le Parlement bolivien doit siéger ce mardi pour nommer le remplaçant par intérim d'Evo Morales, qui devrait être Jeanine Añez, la deuxième vice-présidente du Sénat, membre d'un parti d'opposition. [DANIEL WALKER / AFP]

Une situation extrêmement confuse. La Bolivie est plongée dans l'inconnue depuis la démission dimanche du président socialiste Evo Morales, poussé vers la sortie après trois semaines de manifestations déclenchées par sa réélection controversée.

Qui dirige désormais la Bolivie ?

La réponse est : personne. Evo Morales n'est en effet pas le seul responsable politique à avoir démissionné. Ses successeurs directs prévus par la Constitution dans l'hypothèse d'un départ du chef de l'Etat aussi : le vice-président Alvaro Garcia, la présidente et le vice-président du Sénat ainsi que le président de la Chambre des députés. Ainsi, le pouvoir est pour l'instant vacant.

Mais la deuxième vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez, une sénatrice membre du parti d'opposition Unidad Democratica, a revendiqué le droit de devenir présidente par intérim. Le Parlement, où les partisans d'Evo Morales sont majoritaires, doit siéger ce mardi pour entériner les démissions et nommer le remplaçant par intérim d'Evo Morales. «C'est l'objectif (de devenir présidente par intérim), j'espère que nous allons y arriver», a déclaré mardi aux médias Jeanine Añez, 52 ans, en arrivant au Parlement.

Des élections vont-elles avoir lieu ?

C'est en tout cas le souhait de Jeanine Añez. «Nous allons convoquer des élections avec des personnalités qualifiées qui vont conduire le processus électoral afin de refléter ce que veulent tous les Boliviens», a-t-elle déclaré. «Nous avons déjà un calendrier. Je crois que la population demande en criant que nous ayons un président élu le 22 janvier», a ajouté l'opposante, le 22 janvier étant la date prévue, avant la crise politique, de la prise de fonctions du prochain président de la Bolivie. Selon la Constitution, une nouvelle élection présidentielle doit être convoquée dans les 90 jours suivant la démission du chef de l'Etat.

Mais la question qui se pose désormais est : qui va se présenter ? Du côté de l'opposition, on peut imaginer que le centriste Carlos Mesa, qui a dirigé la Bolivie de 2003 à 2005 et est arrivé en deuxième position de la présidentielle du 20 octobre - un scrutin marqué par des soupçons de fraude -, y aille. Mais «du côté du MAS [Mouvement vers le socialisme, le parti d'Evo Morales], on ne voit pas qui peut se présenter, Evo Morales n'ayant fait émerger personne pour le remplacer, même de façon transitoire», explique Christine Delfour, professeure à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée et spécialiste de la Bolivie. Selon cette dernière, «le risque est que l'on ait une élection seulement avec les partis de l'opposition, ce qui peut être un facteur d'instabilité car il est difficile d'imaginer la population accepter cela».

Où est Evo Morales ?

Le désormais ex-président est arrivé ce mardi vers 18h heure française (11h heure locale) au Mexique, où il a obtenu l'asile politique. Il a annoncé lui-même son départ sur son compte Twitter lundi. «Frères et sœurs, je pars pour le Mexique. Ça me fait mal d'abandonner le pays pour des raisons politiques, mais je serai toujours attentif. Je reviendrai bientôt avec plus de force et d'énergie», avait-il déclaré. Une information confirmée peu après par le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, qui avait publié sur Twitter une photo du leader socialiste dans l'avion, avec un drapeau mexicain sur lui.

«Sa vie et son intégrité physique sont menacées», avait déclaré lundi le ministre. «Il nous a demandé verbalement et de façon formelle de lui accorder l’asile politique dans notre pays», avait-il ajouté. Mexico le lui avait déjà proposé la veille. Selon Evo Morales, sa vie était menacée s'il restait en Bolivie. Il a raconté sur Twitter que «des groupes vandales des putschistes» avaient «pillé et tenté de mettre le feu à [sa] maison à Villa Victoria», puis avaient «fait irruption chez [lui] dans le quartier de Magisterio à Cochabamba».

Quelle est la situation sécuritaire en bolivie ?

Malgré la démission d'Evo Morales, qu'exigeaient la rue depuis trois semaines, les manifestations violentes se poursuivent en Bolivie, du côté de l'opposition mais surtout semble-t-il du côté des partisans de l'ancien président indigène, qui protestent contre son départ. De petites casernes de la police ont été pillées et brûlées lundi dans plusieurs villes, tandis qu'un groupe de plusieurs centaines de partisans d'Evo Morales marchait vers La Paz depuis la ville voisine d'El Alto, arborant des «whipalas», le drapeau symbole des peuples indigènes, et scandant «Maintenant oui, une guerre civile !».

Preuve de ce climat de tension, la police, «dépassée» par la situation selon son chef à La Paz, a demandé l'aide de l'armée bolivienne, qui l'a acceptée lundi. «Cela fait partie d'une culture de violence particulière à la Bolivie, car il y a dans le pays un clivage ethnique très fort», indique Christine Delfour, entre d'un côté les Amérindiens (qui représentent 62 % des 11,3 millions de Boliviens) et de l'autre les Blancs et les Métis. Ainsi, ces violences politiques ont également un caractère ethnique. «On observe une résurgence du racisme en Bolivie, notamment des Blancs envers les Indiens», estime Christine Delfour. Un racisme qui s'exprime notamment à travers le «wiphala», drapeau devenu l’emblème de «l’Etat plurinational de Bolivie» en 2009, qui est décroché, brûlé et découpé par des opposants à Evo Morales - devenu le premier président indigène de la Bolivie en 2006 - depuis son départ.

Quelles sont les réactions à l'étranger ?

Elles sont disparates. Côté européen, la France a appelé «au calme et à la retenue toutes les autorités de transition» dans le pays, a déclaré mardi la secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin. Celle-ci a également appelé à la convocation d'élections «le plus rapidement possible». Paris est sur la même ligne que l'Union européenne, qui a, par la voix de sa cheffe de la diplomatie Federica Mogherini, appelé lundi à la «modération» et à la «responsabilité» de l'ensemble des parties afin de parvenir à de nouvelles élections «crédibles». L'Espagne a quant à elle critiqué le rôle de l'armée et de la police boliviennes dans le départ d'Evo Morales.

Du côté des Etats-Unis, Donald Trump s'est félicité lundi de la démission forcée d'Evo Morales, saluant «le peuple bolivien pour avoir demandé la liberté». «Ces événements envoient un signal fort aux régimes illégitimes du Venezuela et du Nicaragua, que la démocratie et la volonté du peuple triompheront toujours», a-t-il ajouté. Ce qui a provoqué une réaction belliqueuse du président vénézuélien Nicolas Maduro, qui a affirmé être «prêt pour la bagarre».

Peu de temps avant, Nicolas Maduro avait condamné un «coup d'Etat» en Bolivie, à l'instar de nombreux autres responsables de la gauche latino-américaine, comme le président cubain Miguel Diaz-Canel, son homologue nicaraguayen Daniel Ortega, le président élu argentin Alberto Fernandez, l'ancien chef d'Etat brésilien Lula ou encore Marcelo Ebrard, ministre des Affaires étrangères du Mexique, un pays dirigé par le président de gauche Andres Manuel Lopez Obrador (dit «AMLO»). La Russie s'est jointe à ces critiques, dénonçant la «vague de violences déclenchée par l'opposition», au cours d'événements «rappelant le scénario d'un coup d'Etat». La légende du foot argentin Diego Maradona a lui aussi critiqué «un coup d'Etat orchestré en Bolivie».

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