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Irak : le Parlement accepte la démission du gouvernement, le pays en deuil

Le Premier ministre irakien démissionnaire, Adel Abdel Mahdi, le 23 octobre 2019 à Bagdad [AHMAD AL-RUBAYE / AFP/Archives] Le Premier ministre irakien démissionnaire, Adel Abdel Mahdi, le 23 octobre 2019 à Bagdad [AHMAD AL-RUBAYE / AFP/Archives]

Le Parlement a accepté dimanche la démission du gouvernement d'Adel Abdel Mahdi dans un Irak en deuil, y compris dans les régions sunnites jusqu'ici à l'écart de la contestation, alors que les violences ont fait un nouveau mort à Bagdad.

L'Assemblée, qui s'est réunie en ce premier jour de la semaine, a annoncé qu'elle allait demander au président de la République Barham Saleh de nommer un nouveau Premier ministre. En attendant, M. Abdel Mahdi (77 ans), un indépendant sans base partisane ni populaire nommé il y a 13 mois, reste à son poste pour gérer les affaires courantes.

Dans le même temps, la mobilisation populaire contre le pouvoir et son parrain iranien se poursuit, dans le sud chiite mais aussi dans le nord sunnite, jusqu'ici resté à l'écart, après un déchaînement de violence ces derniers jours.

Policier condamné à mort

Dimanche, pour la première fois en deux mois de manifestations endeuillées par plus de 420 morts et près de 20.000 blessés, un officier de police a été condamné à mort pour avoir tué deux manifestants à Kout, au sud de Bagdad.

Irak : manifestations anti-gouvernement [Gal ROMA / AFP]
Irak : manifestations anti-gouvernement

Les autorités, qui accusent depuis le 1er octobre «des tireurs non identifiés» de viser indifféremment manifestants et forces de sécurité, ont reconnu par endroits un «usage excessif de la force».

Elles ont aussi limogé en quelques heures un militaire qu'elles avaient dépêché pour «restaurer l'ordre» à Nassiriya, la ville d'origine de M. Abdel Mahdi mais qui y a ouvert les portes du chaos jeudi. Le calme est revenu samedi soir dans cette ville, après sa reprise en main par les dignitaires tribaux qui ont fait sortir leurs combattants en armes.

Dimanche, les tribus de la ville sainte chiite de Najaf, elle aussi entrée dans une spirale de violences avec l'incendie mercredi soir du consulat d'Iran, tentaient d'intercéder pour que les tirs cessent.

Là, aux abords du mausolée d'une figure tutélaire d'un parti chiite, des hommes en civil ont tiré sur les manifestants qui avaient incendié une partie du bâtiment.

Des Irakiens portent le cercueil d'un jeune manifestant tué la veille, le 1er décembre 2019 sur la place Tahrir, dans le centre de Bagdad [SABAH ARAR / AFP]
Des Irakiens portent le cercueil d'un jeune manifestant tué la veille, le 1er décembre 2019 sur la place Tahrir, dans le centre de Bagdad

Après la mort depuis jeudi d'une vingtaine de personnes, pour beaucoup sous les tirs de ces hommes, les habitants redoutent que la situation ne dégénère plus encore.

La démission du gouvernement n'est qu'une «première étape», ont répété à l'envi les manifestants dimanche sur les places de Bagdad et des grandes villes du sud.

Abdel Mahdi, Parlement, partis, Iran... 

Un manifestant irakien brandit le drapeau national, dans la ville sainte de Najaf, le 1er décembre 2019 [Haidar HAMDANI / AFP]
Un manifestant irakien brandit le drapeau national, dans la ville sainte de Najaf, le 1er décembre 2019

«Qu'Abdel Mahdi dégage, le Parlement aussi, et les partis et l'Iran», a énuméré un jeune manifestant dans la capitale alors que, pour la rue, c'est tout le système politique installé par les Etats-Unis après la chute de Saddam Hussein en 2003 et désormais sous mainmise iranienne qu'il faut changer.

Elle réclame aussi le renouvellement complet d'une classe politique qui a déjà fait s'envoler dans les vapeurs de la corruption l'équivalent de deux fois le PIB de l'un des pays les plus riches en pétrole au monde.

Alors que les cercles politiques ont déjà fuité des noms, comme des ballons d'essai, tous sont rejetés sur la place Tahrir de Bagdad. «Nos martyrs ne sont pas tombés pour les partis, mais pour la patrie», s'est emporté un protestataire.

Alors que M. Abdel Mahdi est le premier chef de gouvernement à se retirer avant la fin de son mandat, l'Irak, dont la Constitution ne prévoit pas la possibilité d'une démission, entre dans l'inconnu.

Au Parlement, le plus éclaté de l'Irak post-Saddam Hussein, le député Sarkawt Shams Eddine a raconté qu'il n'y avait eu aucun vote : «le chef du Parlement a demandé si quelqu'un objectait à la démission du Premier ministre et personne ne l'a fait».

Dans les rues, les défilés se sont transformés en processions funéraires, y compris à Mossoul, grande ville sunnite du nord, où des centaines d'étudiants vêtus de noir se sont rassemblés.

Un manifestant irakien blessé est extirpé d'un tuk-tuk, le 29 novembre 2019 à Bagdad [AHMAD AL-RUBAYE / AFP]
Un manifestant irakien blessé est extirpé d'un tuk-tuk, le 29 novembre 2019 à Bagdad

Les provinces sunnites, reprises au groupe Etat islamique (EI) il y a deux ans, s'étaient tenues à l'écart du mouvement jusqu'ici. Si leurs habitants se plaignent des mêmes maux que dans le sud, ils redoutent d'être taxés de nostalgiques de Saddam Hussein ou de l'EI, accusations déjà portées ailleurs contre les manifestants par leurs détracteurs.

Après deux mois de contestation, Zahra Ahmed, étudiante à Mossoul, estime toutefois que «c'est le minimum» à faire «pour les martyrs de Nassiriya et Najaf», deux villes du sud où près de 70 manifestants ont été tués ces trois derniers jours.

«Tout l'Irak est présent, maintenant le gouvernement doit répondre aux revendications», a renchéri Hussein Khidhir, étudiant en sciences de l'Education.

Vendredi, une autre province sunnite, Salaheddine, avait déclaré trois jours de deuil. Dimanche, huit provinces du sud chiite ont observé ce deuil.

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