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Alexandra Goujon, spécialiste de l'Ukraine : «Volodymyr Zelensky a fait le pari du dialogue»

Le président Zelensky, fraichement élu, doit faire face à Vladimir Poutine à Paris Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, fraichement élu, doit faire face à Vladimir Poutine à Paris. [HO / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP]

Le dialogue comme principal espoir. Après cinq ans d'un conflit qui oppose l'Ukraine à des rebelles pro-russes soutenus par Vladimir Poutine, un sommet «format Normandie» est organisé ce 9 décembre à Paris pour tenter de faire avancer les pourparlers. France, Allemagne, Ukraine et Russie vont donc essayer de trouver un terrain d'entente, mais cela ne sera pas évident, selon Alexandra Goujon, maître de conférences à l'université Bourgogne-Franche Comté et spécialiste de l'Ukraine.

Est-ce qu'une paix est envisageable dans le moyen terme ?

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a en tout cas affirmé que ce sommet était important, qu’il y aurait des avancées mais qu’il ne fallait pas penser que la paix allait être immédiate. Cela fait cinq ans que dure le conflit et il y a toujours des bombardements quotidiens et des morts régulièrement. On peut donc penser que cette seule rencontre ne va pas entraîner un cessez-le-feu durable, même si c’est avec cette intention que le président Zelensky se rend à Paris aujourd’hui.

L'élection de Volodymyr Zelensky en début d'année 2019 a-t-elle changé la situation ?

La situation évolue en matière de politique intérieure. C’est-à-dire que Volodymyr Zelensky a fait le pari du dialogue, qui avait été rompu par le président précédent. Il y a une bonne volonté qui est montrée, c’est une certitude. Après, si l’on voit la manière dont le séparatisme est utilisé, y compris par la Russie, dans la région post-soviétique, on peut supposer que de l’autre côté, la bonne volonté est un petit peu moins présente. Le président ukrainien disait lui-même que c’était la première fois qu’il allait rencontrer en chair et en os Vladimir Poutine, et que c’était pour lui une manière d’évaluer si la Russie voulait réellement la paix, ce dont il n’était pas forcément convaincu.

Est-ce que Vladimir Poutine pourrait avoir une raison de reculer ?

C’est difficile à estimer car, lorsque les choses deviennent plus complexes, la Russie se défausse, elle se met de côté. Elle est très exigeante puisque les avancées ne peuvent se produire qu’avec un sommet Normandie, à quatre, et en même temps, elle dit qu’elle n’est pas partie prenante au conflit, que c’est une guerre intérieure. Lorsqu’un certain nombre de discussions tendues sont présentes, les Russes assurent que les Ukrainiens doivent négocier avec les responsables des territoires séparatistes. Or, aujourd’hui, on sait que ces territoires sont alimentés financièrement et en armes par la Russie.

En Ukraine, certains craignent une «capitulation». Est-ce que cette peur est justifiée selon vous ?

Ce mot de capitulation est très fort, et correspond à la division qui existe en Ukraine sur la manière de régler ce conflit. La peur peut être justifiée parce que des Ukrainiens connaissent le rapport de force qu’il peut y avoir entre leur pays et la Russie. La crainte c’est qu’il y ait trop de concessions de faites, même si Volodymyr Zelensky n’a cessé de rappeler que les lignes rouges dessinées par les opposants sont des lignes rouges qu’il s’est fixé à lui-même. Mais il a eu besoin de rassurer puisque certains plaident aussi que l’on ne peut pas parler avec Vladimir Poutine. Le président ukrainien est plutôt dans la position de se dire qu’il faut tenter, même si les chances sont faibles. 

Est-ce qu'Angela Merkel et Emmanuel Macron ont une véritable influence sur ce dossier ?

La France est au conseil de sécurité des Nations unies, l’Allemagne joue un rôle dans l’ouverture d’un gazoduc dans le nord de l’Europe. Ils sont influents aussi parce qu’il y a une politique de sanctions de la part de l’Union Européenne à l’égard de la Russie. Ils peuvent donc peser sur la situation, car Vladimir Poutine cherche à faire lever ces sanctions. Cela complique beaucoup de relations car les Russes utilisent la question des sanctions pour s’affirmer sur d’autres terrains. Mais en même temps, la France et l’Allemagne cherchent à avancer sur ce dossier qui les occupe beaucoup. Il ne faut pas oublier que le conflit en Ukraine, c’est 13 000 morts, donc l’une des guerres les plus meurtrières depuis l’ex-Yougoslavie. 

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