En direct
A suivre

Brexit : à peine réélu, Boris Johnson ravive le spectre du «no deal»

Boris Johnson va présenter vendredi au Parlement une version révisée de la loi d'application de l'accord de Brexit, contenant une clause empêchant une prolongation de la période de transition post-divorce. Boris Johnson va présenter vendredi au Parlement une version révisée de la loi d'application de l'accord de Brexit, contenant une clause empêchant une prolongation de la période de transition post-divorce. [Ben STANSALL / AFP]

Après la victoire écrasante de Boris Johnson aux élections britanniques la semaine dernière, on pensait le scénario d'un Brexit sans accord écarté. Mais le Premier ministre conservateur a brutalement fait resurgir cette menace du «no deal», en annonçant ce mardi 17 décembre vouloir interdire toute extension au-delà de 2020 de la période de transition, censée permettre de négocier un accord commercial post-Brexit entre Londres et l'UE.

Cette période de transition, qui doit s'ouvrir une fois le Brexit mis en œuvre, vraisemblablement le 31 janvier, et durer jusqu'au 31 décembre 2020, figure dans l'accord de divorce trouvé entre le Royaume-Uni et l'UE. Dans les faits, cette phase - durant laquelle les Britanniques continueront d'appliquer les règles européennes mais n'auront plus leur mot à dire dans les décisions prises par les institutions de l'UE - est prolongeable une fois, d'un ou deux ans, donc possiblement jusqu'à fin 2022.

Mais il n'en est pas question pour Boris Johnson. «Notre programme indiquait clairement que nous n'étendrions pas la période de transition et la nouvelle loi d'application de l'accord de retrait interdira légalement au gouvernement d'accepter toute extension» au-delà de 2020, a expliqué ce mardi une source au 10, Downing Street. C'est donc une version révisée de cette loi d'application de l'accord de Brexit qui sera présentée ce vendredi au Parlement, désormais largement dominé par les Conservateurs (365 sièges sur 650), pour une adoption qui devrait s'achever après les fêtes de fin d'année.

Une annonce qui inquiète du côté de l'UE, comme du côté de l'opposition britannique. En effet, la plupart des experts sont d'accord pour dire que ce délai de onze mois, de fin janvier à fin décembre, est insuffisant pour mener à bien ces négociations complexes, qui doivent définir le cadre de la future relation entre Londres et l'UE, et permettre notamment de conclure un accord de libre-échange entre les deux parties. Pour se justifier, il citent un précédent connu, celui du CETA, le traité commercial signé entre l'UE et le Canada en 2016, dont Boris Johnson veut s'inspirer, qui a nécessité sept ans pour être finalisé.

«Tout reste à faire. Le 31 janvier 2020 ne sera que le point de départ de négociations plus poussées avec l'UE. Nous ne sommes qu'au début d'un long processus, beaucoup plus compliqué et à la durée incertaine. Le chantier est immense», estime Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique à l'université de Bourgogne. Bruxelles a ainsi jugé le calendrier proposé par «BoJo» «très court», tandis que Keir Starmer, député britannique en charge du Brexit au sein de l'opposition travailliste, a jugé sa décision «imprudente et irresponsable», estimant qu'elle allait mettre des emplois en danger.

Chute du cours de la livre sterling

Une absence d'accord commercial entre Londres et Bruxelles à l'issue de la période de transition ressemble en effet à un scénario catastrophe du point de vue économique. Dans ce cas-là, le Royaume-Uni sortirait de l'UE de façon brutale, c'est-à-dire que les relations commerciales entre les deux parties deviendraient tout d'un coup régies par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), bien moins avantageuses que le dispositif actuel, car des droits de douane seraient automatiquement instaurés pour la circulation des marchandises entre le Royaume et le continent. Une nouvelle sorte de «no deal», qui effraie particulièrement les milieux d'affaires, comme le prouve la chute brutale du cours de la livre sterling après l'annonce de Boris Johnson.

Mais le gouvernement britannique se veut rassurant. Michael Gove, le ministre en charge des préparatifs à un «no deal», a insisté sur le fait que le Royaume-Uni et l'UE s'étaient «engagés à faire en sorte que nous ayons un accord» d'ici à la fin de l'année 2020. D'un autre côté, il a malgré tout refusé d'exclure définitivement la possibilité d'un Brexit sans accord. Plus qu'un objectif, cette deadline pourrait être seulement une posture politique avant le début des discussions, selon Sam Lowe, du groupe de réflexion Centre for European Reform (CER). Selon lui, elle pourrait aider Boris Johnson à faire avaler à son parti des concessions accordées à l'UE, en montrant que «la perpective d'un 'no deal' est toujours là», a-t-il expliqué à la BBC.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités