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Iran et Irak : une histoire de deux dissidences citoyennes

Depuis un an environ, des milliers de citoyens ordinaires, sans lien avec des milices, manifestent obstinément et massivement contre leur gouvernement, en Iran comme en Irak. Depuis un an environ, des milliers de citoyens ordinaires, sans lien avec des milices, manifestent obstinément et massivement contre leur gouvernement, en Iran comme en Irak. [AHMAD AL-RUBAYE / AFP]

Depuis un an environ, des milliers de citoyens ordinaires, sans lien avec des milices, manifestent obstinément et massivement contre leur gouvernement, en Iran comme en Irak. «Dehors, corrompus, élections», voilà les slogans.

Si l'on se réfère aux évènements en Algérie et au Liban, le parallèle entre les mouvements populaires est évident dans son rejet de la totalité des institutions et des personnes qui l'incarnent. Peu importe à ces citoyens irakiens et iraniens, devenus des dissidents de masse, le fait que leurs parlements aient été élus, car les partis politiques sont intégralement décriés, les députés conspués. Le dépôt d'un bulletin dans une urne devient une farce dans une société traversée de milices semi-officielles et de clientélismes en tout genre -- particulièrement confessionnels. Les députés participent de cette grosse combine, et ceux qui s'y opposent sont marginalisés ou menacés.

Comment se fait-il alors que l'Irak comme l'Iran semblent être des bastions d'anti-américanisme et d'anti-sionisme, et constituent des cibles de l'ire américaine ? Les citoyens en colère seraient-ils dégoûtés par les ennemis occidentaux de l'extérieur ? En fait, il n'en est rien ou presque. Certes, les Irakiens en général n'apprécient pas tellement les Américains qui ont contrôlé leur pays pendant presque six ans sans apporter la paix. Mais le mouvement des citoyens ne cible pas les États-Unis, et en ce qui concerne Israël ni ces Irakiens ni ces Iraniens n'y prêtent attention. Les régimes, tant à Bagdad qu'à Téhéran, font tout pour accuser Américains et Israéliens (parfois aussi les Britanniques en ce qui concerne Téhéran), de tous les maux, et accusent les citoyens d'être des suppôts de ces étrangers. 

Depuis le 27 décembre, jour des tirs de milices contre une installation pétrolière américaine en Irak tuant un Américain, Washington a engagé l'épreuve de force avec Téhéran, voire avec Bagdad, un terrible bras de fer. Téhéran parle d'ingérence américaine pour discréditer la contestation, et voici que Washington vient de donner une apparence de réalité à cette accusation ! Une apparence seulement, qui ne doit pas faire oublier que les nouveaux manifestants, ceux que l'on voit en vidéo conspuer les États-Unis et Israël, ne sont absolument pas les mêmes manifestants de début décembre et avant.

Il y a dans cette région du monde un double drame: les citoyens contre les régimes, les régimes contre Washington. Est-ce que ce bras de fer Washington-Téhéran va permettre aux citoyens anti-régime de relever la tête ? Ou bien y aura-t-il un sursaut patriotique anti-américain ? Telle est la question que l'on a dû se poser à Washington. Trump rappelle par Tweet que les Irakiens en ont assez de l'influence de Téhéran, et par conséquent il mise sur les citoyens contre leur régime. Mais l'on a l'impression qu'il instrumentalise «les Irakiens» bien plus qu'il ne répond à leurs appels, et qu'il attend leur soutien pour justifier sa liquidation du général Qassem Soleimani. Les régimes mutuellement compatibles de Bagdad et Téhéran peuvent, quant à eux, nier leur dissidence citoyenne pendant un moment pour faire face à l'ennemi extérieur. Attendons-nous à de forts soubresauts internes dans ces deux pays, derrière les brumes d'une possible guerre. 

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