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Royaume-Uni : l'opposition travailliste cherche son leader... et sa voie

Rebecca Long Bailey, qui incarne la continuité de Jeremy Corbyn, fait partie des favorites dans la course à la succession du chef du Labour. Rebecca Long Bailey, qui incarne la continuité de Jeremy Corbyn, fait partie des favorites dans la course à la succession du chef du Labour.[Oli SCARFF / AFP]

Au Royaume-Uni, la course à la succession de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste est officiellement lancée depuis ce mardi 7 janvier. Mais plus qu'un leader, c'est sa future ligne politique que se cherche la principale formation d'opposition britannique, tiraillée entre les centristes et les radicaux, à l'occasion de cette élection.

Le lourd revers du parti lors des élections législatives anticipées de mi-décembre - 203 sièges sur 650, pire défaite depuis 1935 - a en effet totalement rebattu les cartes au sein du Labour. Les partisans d'une ligne modérée veulent en profiter pour remettre la main sur la formation, dirigée depuis 2015 par le très à gauche Jeremy Corbyn. Et ils peuvent compter sur un soutien de poids : Tony Blair, ancien Premier ministre de 1997 à 2007 , qui a appelé mi-décembre le parti à «se renouveler» pour tourner la page du «socialisme quasi-révolutionnaire» de Jeremy Corbyn, contraint après les dernières élections d'annoncer son départ.

Cependant, celui qui fait figure de favori du camp centriste pour de cette nouvelle élection, Keir Starmer, responsable du Brexit au sein du Labour, se garde bien d'être aussi direct. «Les militants du Labour sont en effet très pro-Jeremy Corbyn», souligne Pauline Schnapper, professeure de civilisation britannique contemporaine à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, «même s'ils restent marqués par la défaite monumentale» du scrutin du 12 décembre dernier.

Des critiques parfois prudentes sur le bilan de Jeremy Corbyn

Ce qui explique la prudence de Keir Starmer, 57 ans, qui a déclaré jusqu'à présent ne pas vouloir tourner le dos au «radicalisme» de Jeremy Corbyn, une orientation ayant permis au parti de voir son nombre d'adhérents grimper, pour atteindre aujourd'hui les 500.000. Des militants qui voteront du 21 février au 2 avril, avant que le nom du successeur de Jeremy Corbyn ne soit annoncé le samedi 4 avril.

Keir Starmer préfère concentrer ses critiques non pas sur la ligne politique du parti sous Corbyn - même s'il critique sa stratégie sur le Brexit -, mais plutôt sur certaines de ses erreurs lors de la dernière campagne, comme le trop grand nombre de promesses présentes dans son programme. Keir Starmer a jugé ainsi ce dernier «surchargé», rejoignant sur cette ligne une autre candidate, Emily Thornberry, en charge des Affaires étrangères au Labour, qui a fustigé le fait qu'il «contenait trop de choses».

Mais d'autres candidats, comme Jess Philipps ou Lisa Nandy, prennent moins de pincettes. Les deux jeunes députées, âgées respectivement de 38 et 40 ans, appellent en effet le parti à changer pour survivre. «Si nous ne changeons pas de cap, nous mourrons et nous le mériterons», a ainsi déclaré la seconde, tandis que la première a qualifié d'«invraisemblable» la promesse de Jeremy Corbyn de fournir gratuitement à tous un internet très haut débit et a attaqué sa proposition de renationalisation d'anciens services publics (télécoms, rail, eau...).

une héritière de la ligne radicale de jeremy corbyn en lice

De l'autre côté du spectre politique figure la sixième et dernière candidate travailliste à être entrée dans la course : Rebecca Long Bailey, 40 ans, représentante du camp des radicaux. «Elle est dans la continuité de Jeremy Corbyn. Pour elle, la défaite du Labour lors des dernières élections n'est pas due au programme ou à la personnalité de son leader, mais au fait qu'il ait été la cible d'attaques dans les médias», explique Pauline Schnapper.

Dans une interview à ITV, la responsable des questions liées aux entreprises et à l'énergie au sein du Labour a ainsi déclaré qu'elle mettait «un 10 sur 10» à Jeremy Corbyn, qui était selon elle «la bonne personne (...) pour mener le parti» lors des dernières élections. Plutôt qu'un rejet de leur politique, elle juge que la défaite des Travaillistes s'explique par l'échec de leur stratégie lors de la campagne et à «l'absence d'un récit cohérent». Un statut d'héritière naturelle de Jeremy Corbyn qui pourrait lui être bénéfique, comme lui causer du tort. Une autre de ses caractéristiques devrait en revanche être un atout pour elle : le fait que ce soit une femme, le parti n'ayant jamais eu de femme à sa tête en 120 ans d'histoire, alors que les appels pour effacer cet anachronisme se multiplient outre-Manche. 

Le débat sur la ligne politique du parti risque en tout cas de phagocyter la campagne, et de faire de l'ombre à d'autres sujets, notamment le Brexit. Selon Pauline Schnapper, «les candidats n'ont de toute façon pas intérêt à parler du retrait de l'UE, car les électeurs n'ont plus vraiment envie d'en entendre parler». La messe semble en effet dite : l'accord de divorce de Boris Johnson devrait être adopté par la Chambre des communes ce jeudi 9 janvier, et le Royaume-Uni sortir de l'UE le 31 janvier. Le seul débat sur le Brexit qui pourrait agiter la campagne pourrait seulement concerner la seconde phase des négociations, destinée à définir la relation future entre Londres et l'Union.

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