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Au Brésil, une démocratie mise à mal

Depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, les violences envers les minorités ont augmenté. Depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, les violences envers les minorités ont augmenté. [MONEY SHARMA / AFP]

Depuis son élection en novembre 2018, le président brésilien Jair Bolsonaro ne cesse de choquer le monde entier par ses discours sexistes, racistes, homophobes. Les violences, qui augmentent de manière inquiétante, sont pourtant loin d’être nouvelles. La Coalition Solidarité Brésil, qui regroupe 17 associations françaises, tire la sonnette d’alarme sur la situation des droits humains au plus grand pays d'Amérique latine.

«Le Brésil résiste. Lutter n’est pas un crime.» C’est le nom de la campagne lancée par la Coalition Solidarité Brésil, qui publie pour la première fois un baromètre d’alerte sur la situation de la démocratie.

Si l’élection de Bolsonaro a pu être un facteur aggravant de l’augmentation des violences, ses origines seraient cependant bien plus anciennes. «Ces violences sont le fruit de dysfonctionnements structurels historiques, tels que la concentration des richesses et des ressources entre les mains d‘une minorité ou les discriminations liées au genre, à l’orientation sexuelle, à la classe sociale et à la couleur de peau héritées du colonialisme et de l’esclavage», explique la Coalition. 

Il y aurait tout de même eu un tournant en 2016, à la suite de la destitution de la Présidente de gauche Dilma Rousseff. Les attaques envers les minorités et envers la démocratie se sont multipliées depuis. 

Violences envers les minorités 

4.556 homicides de femmes ont été recensés en 2017, soit le nombre le plus élevé depuis dix ans. Si les violences envers les femmes tendent dangereusement à augmenter, elles sont d’autant plus importantes envers les femmes noires, autochtones, qui habitent dans les périphéries ou les zones rurales, ou appartenant à la communauté LGTBQI+.

Cette dernière a également fait les frais d’une explosion de la violence. Selon le rapport annuel du Groupe Gay Bahia, les assassinats homophobes ont augmenté de 113% entre 2016 et 2018. 320 personnes LGBTQI+ ont été assassinées au Brésil en 2018, et 713 cas d’agressions physiques ont été enregistrés.

Jair Bolsonaro a lui-même participé à la stigmatisation de personnes LGBTQI+, et a alimenté la méfiance et la haine envers elles, à grand renfort de phrases chocs. «Je préférerais que mon fils meure dans un accident plutôt que de le voir apparaître avec un moustachu», avait-il déclaré dans une interview pour le magazine Playboy.  

L’augmentation des violences peut aussi être liée à la politique sécuritaire défendue par le président brésilien, «basée sur la libéralisation du port et la possession des armes à feu, le durcissement des peines et l’incarcération de masse», rappelle la Coalition.

Pour lui, la répression est un moyen efficace de faire régner l'ordre au sein de la société. En août 2018, il avait déclaré, à propos des forces de l'ordre : «s'ils tuent 10, 20, 30 personnes, avec 10, 20, ou 30 balles dans la tête chacun, ils doivent être décorés, pas poursuivis». En 2019, les violences policières ont été particulièrement importantes dans l'État de Rio de Janeiro : de janvier à octobre, l'Institut de Sécurité publique a enregistré 1546 cas de morts par des agents de l'État, soit cinq décès par jour. 

La cause environnementale, bête noire du gouvernement brésilien

Les images de l’Amazonie qui brûle ont fait le tour du monde. 89.178 départs de feu ont été recensés en 2019, soit 30% de plus de l’année précédente. Une catastrophe environnementale bien loin des préoccupations de Jair Bolsonaro, qui refusait d'admettre que la forêt était en train de brûler. Proche du secteur agricole, qui cherche sans cesse à gagner des terres pour ses productions, le gouvernement brésilien ne cherche pas à protéger cette ressource. La déforestation a augmenté de 85% depuis l'arrivée au pouvoir de Bolsonaro, par rapport à 2018.

À cela s'ajoute l'augmentation des conflits sur l'appropriation des terres. Les violences envers les populations autochtones, qui se battent pour la préservation de leur territoire, continuent de progresser : 135 personnes ont été assassinées en 2018, soit 141% de plus qu'en 2016. 

Des risques croissants pour la démocratie 

Les trois secteurs qui influencent le plus la politique du président brésilien peuvent être résumés par la formule «BBB», pour Balles, Bible, et Boeuf (lobby de l'armement, église évangélique et industrie agricole). 

 Jair Bolsonaro mène une véritable guerre idéologique contre ses opposants de gauche. L’un des terrains privilégiés de cet affrontement : les universités. Il fait de la lutte contre le «marxisme culturel» une priorité. Le gouvernement a donc annoncé en mai 2019 des coupes dans le budget de l’enseignement supérieur, à hauteur de 5,1 milliards de reais (1,6 milliard d’euros). Il souhaite s’attaquer en priorité aux filières de philosophie, sciences sociales, et littérature, et implanter davantage d’écoles civiques-militaires. Des millions de brésiliens se sont mobilisés dans les rues pour dénoncer ces entraves à l’enseignement. 

Il s’attaque aussi de manière plus directe à ses opposants politiques, notamment aux personnes proches du Parti des Travailleurs. 320 fonctionnaires brésiliens ont été licenciés en raison de leur orientation politique en 2019. 

Pour la Coalition Solidarité Brésil, les rapports entre la société civile et le pouvoir ont considérablement changé depuis l'arrivée de Bolsonaro, «réduisant la relation entre l'État et les acteurs sociaux à un lieu d'affrontement et de résistance».

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