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Coronavirus : une station de ski autrichienne à l'origine de la contamination en Europe ?

En remontant des chaînes de contamination, plusieurs Etats européens ont établi que plusieurs cas étaient liés au Kitzloch, un bar bien connu du village autrichien d'Ischgl. [JAKOB GRUBER / APA / AFP].

Derrière la carte postale, un possible cataclysme sanitaire. Surnommée «l'Ibiza des Alpes», en raison des stars et personnalités qui s'y pressent, la station de ski autrichienne d'Ischgl, qui a pendant longtemps refusé de fermer ses portes, serait à l'origine de dizaines de cas de contamination au coronavirus, partout en Europe.

L'histoire démarre comme un film catastrophe. Elle est pourtant bien réelle comme le narre France 24 ou encore CNN.

Tout commence ainsi à la fin du mois de février dernier au «Kitzloch», un bar bien connu de cette station tyrolienne et qui, comme beaucoup d'autres établissements du coin, organise des soirées «d'après-ski» très populaires.

Tous les ingrédients réunis

Au milieu des vapeurs d'alcool et des serveurs chargés d'y faire l'animation, on y trouve du monde, beaucoup de monde.

Des dizaines de clients qui s'amusent, parfois très proches les uns des autres, formant une masse compacte. Un bouillon de culture idéal et redoutable.

C'est là qu'un barman y serait tombé le premier malade. Cet homme de 36 ans, identifié depuis comme un «super-spreader», ou «super-propagateur» en français, aurait propagé le coronavirus à une quinzaine de clients et collègues.

A partir de là tout s'enchaîne. Outre le nombre élevé de personnes qui se croisent au «Kitzloch», le risque de contamination y était particulièrement surélevé en raison des activités qui s'y déroulaient.

Comme l'explique Jan Pravsgaard Christensen, spécialiste des maladies infectieuses à l'Université de Copenhague cité par CNN, les clients y «échangeaient en effet leur salive» en jouant à une variante du beer-pong, un jeu prisé des jeunes, notamment lors de soirées étudiantes. Pour les novices, cela consiste à envoyer à tour de rôle la balle avec la bouche sur une table parsemée de verres de bière. Si la balle tombe à l'intérieur de l'un deux, dans son camp, il faut boire le gobelet d'une traite.  

A cela, s'ajoute le fait que tous les serveurs utilisaient le même sifflet de façon à pouvoir «se frayer un chemin à travers la foule». Toutes les conditions étaient donc réunies pour mettre le virus sur une véritable rampe de lancement.

Les alertes d'Etats européens s'enchaînent

L'Islande aura beau être le premier Etat européen à donner l'alerte quelques jours plus tard, le samedi 29 février, après le retour de 15 de ses vacanciers tous testés positifs au coronavirus après être allés skier à Ischgl, rien ne se passe du côté de Vienne : c'est le silence qui règne.

Pas de réaction non plus des autorités autrichiennes lorsque leurs homologues islandais prennent pourtant la décision, dès le 5 mars, d'inscrire la station sur la liste des zones à risque épidémique, au même titre que la Chine, la Corée du Sud, l'Italie ou l'Iran.

Il faut dire qu'Ischgl, niché dans la région tyrolienne du Paznaun, est un village renommé. Sa station de sports d’hiver est en effet fréquentée par la jet-set mondiale et des célébrités telles que Bill Clinton, Paris Hilton, ou encore Naomi Campbell s'y retrouvent souvent, voire chaque année. Près de 500.000 visiteurs au total à chaque saison dont beaucoup ne regardent pas à la dépense.

Plusieurs autres pays ont beau, eux aussi, remonter des chaînes de contamination menant toutes à Ischgl dans les jours qui viennent, ce n'est pourtant que le 10 mars que les autorités locales décident de fermer les bars avant de placer le village en quarantaine.

Mais comme redouté, le délai d’attente de cette prise de position a eu des conséquences sanitaires importantes et cela bien au-delà des frontières.

Une enquête ouverte

En effet, et alors que l'Autriche vient seulement d'ouvrir, lundi 23 mars, une enquête pour tâcher de faire toute la lumière sur cette affaire, la Norvège a, par exemple, déjà fait savoir que sur ses cas confirmés de coronavirus à la date du 20 mars (1742 cas), la moitié avait été contracté à l'étranger et que plus d'un tiers (549) était lié à l'Autriche. C'est trois fois plus que ceux en lien avec l'Italie, pourtant épicentre de l'épidémie.

En Allemagne, où au moins 300 contaminations proviendraient du pays voisin, ce n'est pas non plus l'Italie qui inquiète, ni même la Chine, mais bien le pays «frère», l'Autriche.

Et sur place non plus la situation est loin de prêter à l'optimisme. Un anesthésiste de l’Hôpital de Salzbourg, une ville située au nord-ouest de l'Autriche, était porteur du virus à son retour de vacances passées à Ischgl et s’est présenté à son travail.

Il aurait ainsi, et à lui seul, contaminé une centaine de collègues, tous placés en isolement, «privant le plus grand centre de soins de la région d’une main-d’œuvre critique en ces temps de crise», selon France 24.

Au-delà du terrain sanitaire, l'affaire pourrait même à présent avoir des retombées sur le plan politique. Le Standard, un journal autrichien, a en effet publié un éditorial au vitriol et qui a fait grand bruit dans le pays.

«L’avidité l’a emporté sur la responsabilité de veiller sur la bonne santé de la population locale et des touristes. On voulait encore profiter financièrement au maximum de cette manne», a-t-il fustigé. L'heure du règlement de comptes ne fait que commencer.

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