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Coronavirus : pourquoi le Portugal est-il relativement épargné comparé à son voisin espagnol ?

Le gouvernement portugais du Premier ministre Antonio Costa a décrété l'état d'urgence le 19 mars dernier, une première depuis le rétablissement de la démocratie en 1974. Le gouvernement portugais du Premier ministre Antonio Costa a décrété l'état d'urgence le 19 mars dernier, une première depuis le rétablissement de la démocratie en 1974. [CARLOS COSTA / AFP]

Pourtant voisin de l'Espagne, deuxième pays le plus touché par le coronavirus dans le monde, le Portugal est encore relativement épargné par la pandémie de Covid-19, avec 119 morts et quelque 6.000 cas enregistrés dans le pays. Un constat étonnant qui a plusieurs explications selon les experts.

La première est d'ordre géographique. Le Portugal est l'un des seuls pays européens à n'avoir qu'une seule frontière terrestre, en l'occurrence avec l'Espagne. Un élément qui rend plus aisé le contrôle des entrées dans le pays, d'autant plus que la fermeture aux touristes de sa frontière avec Madrid a été décrétée tôt, dès le 15 mars.

Selon les observateurs, l'anticipation du gouvernement portugais, qui a pris relativement vite des mesures pour freiner la contagion du Covid-19, peut également expliquer pourquoi le Portugal a 13 fois moins de morts comparés à sa population que l'Espagne (où 7.340 personnes sont décédées). En effet, dès le 13 mars, alors que le pays ne comptait qu'une centaine d'infections mais encore aucun mort ni cas grave, l'exécutif portugais a décrété l'état d'alerte, puis l'état d'urgence le 19 mars, «une première depuis la chute de la dictature en 1974», note Victor Pereira, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Pau et spécialiste du Portugal. 

Protéger le tourisme

Avec à la clé des mesures strictes, comme en France ou en Espagne, telles que la fermeture des écoles et des commerces non essentiels, ou encore le confinement obligatoire des personnes porteuses du coronavirus ou soupçonnées de l'être, le reste de la population étant elle aussi sommée de rester chez elle. «Les mesures de confinement se veulent strictes, avec des contrôles et des amendes appliquées, voire des peines de prison», explique Yves Léonard, enseignant à Sciences Po et spécialiste de l'histoire contemporaine du Portugal.

Mais pourquoi Lisbonne a-t-elle fait des choix forts si tôt ? La proximité géographique avec l'un des principaux pays affectés par le coronavirus, l'Espagne, répond Victor Pereira. Yves Léonard en a une autre, empreinte de realpolitik économique. Selon lui, le gouvernement, dirigé par le Premier ministre socialiste Antonio Costa, a vite compris que plus cette crise sanitaire durerait longtemps, plus l'impact sur le tourisme, un secteur essentiel pour l'économie portugaise, serait dramatique. Il a donc fait le choix de prendre des mesures radicales précocement, afin de «sortir au plus vite de cette situation de confinement», explique l'historien, et ainsi faire repartir le tourisme le plus tôt possible. 

Un président en auto-confinement

Par ailleurs, selon Yves Léonard, «les autorités portugaises connaissent l’état très approximatif de la plupart des hôpitaux publics du pays». «Le système de santé portugais a été affaibli par la crise économique de 2008 et la politique d’austérité menée à partir de 2011-2012», confirme Victor Pereira. Ainsi, cette volonté d'anticipation du Portugal vis-à-vis du coronavirus est selon Yves Léonard une manière d'éviter un scénario à l'italienne ou à l'espagnole, avec des services hospitaliers submergés par l'afflux de patients, que le système de santé portugais serait incapable de gérer. 

Victor Pereira soulève une autre décision, plus anecdotique, qui a aussi pu participer à ralentir la progression de l'épidémie au Portugal. Le 8 mars dernier, le président portugais, Marcelo Rebelo de Sousa, à la fonction seulement représentative mais très populaire là-bas, a décidé de lui-même se placer en quarantaine pour deux semaines, par simple précaution. «C’est un geste symbolique, mais qui a pu amener les Portugais à prendre conscience de la gravité de l’épidémie», juge Victor Pereira, d'autant plus que le chef d'Etat portugais «aime habituellement aller au contact des gens, serrer des mains et prendre des selfies avec eux», ajoute l'historien.

Mais attention à ne pas crier victoire trop vite, nuance Victor Pereira. «La question est désormais de savoir si l'hôpital public portugais, fragilisé par des années d'austérité, va pouvoir tenir le coup.» 

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