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Coronavirus : pourquoi personne n'est-il d’accord sur la date à laquelle pourrait être disponible un vaccin ?

Il y a actuellement dans le monde une centaine de projets de vaccin contre le coronavirus en cours, dont une dizaine sont en phase d'essais cliniques. Il y a actuellement dans le monde une centaine de projets de vaccin contre le coronavirus en cours, dont une dizaine sont en phase d'essais cliniques.[NICOLAS ASFOURI / AFP]

A l'automne selon l'université d'Oxford, d'ici à la fin de l'année d'après Donald Trump, dans au moins un an prévient l'Agence européenne des médicaments (EMA), dans 18 à 24 mois promet Sanofi... On le voit, personne n'est d'accord sur la date à laquelle un vaccin contre le coronavirus pourrait être disponible. La différence dans les prévisions est même immense, variant de quelques mois à plusieurs années.

Un grand écart qui s'explique en premier lieu par la variété des techniques utilisées pour aboutir à un vaccin. Sur la centaine de projets en cours à travers le monde, dont une dizaine sont en phase d'essais cliniques, tous n'utilisent pas la même méthode (acides nucléiques, protéines recombinantes, vecteurs viraux, virus inactivés...). Et chacune a son propre calendrier de développement.

Même si, selon Judith Mueller, médecin épidémiologiste à l'Institut Pasteur et à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), «on s'oriente plutôt vers certains types de vaccins, basés sur des vecteurs viraux, d'ADN ou d'ARN, c'est-à-dire des acides nucléiques, afin de pouvoir produire rapidement en grande quantité». En effet, plusieurs des équipes les plus avancées sur la recherche d'un vaccin, comme les biotechs américaines Moderna Therapeutics et Inovio Pharmaceuticals, ou encore le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer, en partenariat avec la société de biotechnologie allemande BioNTech, utilisent ces techniques. Sauf que celles-ci sont très récentes. «Aucun vaccin autorisé chez l'humain aujourd'hui n'est basé sur de l'ADN ou de l'ARN», souligne Judith Mueller. Difficile dans ce cas-là d'estimer une date de disponibilité, puisqu'il n'y a aucun précédent.

Un protocole sanitaire à respecter (ou pas)

Si certains prévoient un vaccin d'ici à plusieurs mois - comme l'université d'Oxford, qui a procédé l'an dernier à un essai sur une précédente forme de coronavirus -, quand le ministre de la Santé allemand Jens Spahn avertit que cela pourrait prendre «des années», c'est aussi que les questions réglementaires ne sont pas encore tranchées. Pour être autorisé et mis sur le marché, un vaccin doit respecter un protocole sanitaire long et complexe, constitué de trois phases distinctes, correspondant à des tests sur de plus en plus de personnes. A l'heure actuelle, seuls trois projets sont arrivés en phase II, deux chinois et un américain (celui de Moderna).

Mais au vu de l'urgence de la situation épidémique dans le monde (plus de 280.000 morts et quelque 4 millions de cas d'infection), les équipes de recherche veulent aller plus vite et pouvoir raccourcir la procédure réglementaire, «une décision délicate» selon Judith Mueller. C'est ce qu'il s'est passé au moment de l'épidémie d'Ebola en 2018 en République démocratique du Congo (RDC), souligne Michèle Legeas, enseignante-chercheuse à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). «L'urgence sanitaire était telle qu'on est passé par-dessus une partie des phases d'essais cliniques», note-t-elle, alors qu'il faut compter en règle générale «dix ans» entre les tests pré-cliniques et la mise sur le marché.

Dans le cas de la pandémie actuelle de Covid-19, «les autorités sanitaires vont-elles décider d'autoriser des produits aux potentiels effets indésirables non détectés, ou bien vont-elles juger que le risque est trop important et imposer qu'il y ait une véritable phase III de tests, menés à grande échelle ?», se demande cette spécialiste de l'analyse et de la gestion des situations à risque sanitaire. «C'est cela qui fait le décalage entre les projections sur la date d'un vaccin.» Ainsi, selon elle, on peut imaginer avoir «dans quelques mois plusieurs candidats vaccins sérieux», et tout dépendra ensuite de la décision des autorités sanitaires internationales, telles l'Agence européenne des médicaments (EMA) et la Food and Drug Administration (FDA) américaine. «Si les candidats vaccins d'aujourd'hui ont de bons résultats et que les procédures réglementaires peuvent être adaptées, c'est peut-être jouable d'avoir un vaccin dans un an», pronostique Judith Mueller. «Mais cela risque d'être un vaccin destiné à des groupes à risques, pas forcément à une distribution à toute la population.» 

Une durée de fabrication incertaine

Car il faudra attendre selon elle encore «plusieurs mois» ensuite avant que le vaccin soit disponible pour tous, partout dans le monde. Un délai qui dépendra de la durée nécessaire pour fabriquer le vaccin, qui ne sera pas la même en fonction de son type. Si c'est un vaccin basé sur de l'ADN ou de l'ARN, «la production pourra être mise à l'échelle beaucoup plus rapidement qu'avec d'autres vaccins», indique Judith Mueller. Mais il faut aussi regarder «la manière dont le vaccin devra être injecté aux gens», ajoute Michèle Legeas. En effet, selon que le vaccin sera unidose ou demandera l'administration de plusieurs doses (comme celui de la grippe A en 2009, à deux injections), la durée de fabrication pourrait s'en retrouver affectée.

Dans tous les cas, «difficile d'imaginer un laboratoire avoir, seul, les capacités de production suffisantes pour ce vaccin», estime l'économiste de la santé Nathalie Coutinet, enseignante-chercheuse à l'Université Sorbonne Paris Nord, compte tenu du nombre de pays intéressés - seuls une quinzaine d'Etats dans le monde n'ont fait état d'aucun cas de coronavirus sur leur territoire. Un souci d'échelle qui explique selon elle l'alliance entre les deux géants pharmaceutiques Sanofi et GSK dans le développement d'un sérum. La date de disponibilité d'un éventuel vaccin dépend donc de beaucoup trop de paramètres pour être estimée précisément. D'autant plus que, comme le souligne Judith Mueller, l'un d'eux est impossible à prévoir : «la part de chance dans la recherche.»

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