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Jeunesse, précocité des mesures, faible densité… Pourquoi l’Afrique s'en sort bien face au coronavirus

Un continent jeune, peu dense, habitué des épidémies... Tous ces ingrédients ont sans doute permis à l'Afrique de bien résister face au coronavirus. Un continent jeune, peu dense, habitué des épidémies... Tous ces ingrédients ont sans doute permis à l'Afrique de bien résister face au coronavirus. [Patrick Meinhardt / AFP]

Le 18 mars dernier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) appelait l'Afrique à «se préparer au pire» face à la pandémie de coronavirus. Deux mois plus tard, le cataclysme redouté n'a pas eu lieu, le continent ne déplorant que quelque 2.800 morts et 85.000 cas confirmés (respectivement 0,9 % et 1,8 % du total mondial). Parmi les pistes avancées pour expliquer cette exception africaine, la précocité des mesures prises pour ralentir l'épidémie, la jeunesse des habitants ou encore la faible densité de population.

Après le premier cas détecté sur le continent le 14 février en Egypte, de nombreux pays africains ont rapidement pris leurs dispositions. «Il y a eu des mesures de confinement prises assez tôt qui ont ralenti la courbe. La plupart des pays ont mis en place ces mesures à peine le premier cas détecté», souligne Michel Yao, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à Brazzaville (République du Congo), interrogé par l'AFP.

«En France, on a mis 52 jours après le premier cas pour prendre des mesures. Il y avait alors 4.500 cas. En Côte d'Ivoire, 5 jours après le premier cas, on a fermé les écoles et les frontières. Une semaine plus tard, c'était le couvre-feu», appuie le Dr Jean-Marie Milleliri, épidémiologiste et spécialiste de santé publique tropicale à Abidjan. Même réactivité en Afrique du Sud, où un confinement strict a été décrété fin mars, avant même l'annonce des premiers décès liés au Covid-19. Début avril, alors que le nombre de cas confirmés sur le continent n'était que de 6.200, 32 pays africains sur 55 avaient déjà fermé leurs frontières terrestres, aériennes et maritimes.

L'autre grande explication avancée à la faible propagation du coronavirus en Afrique est la jeunesse de la population : environ 60 % des Africains ont moins de 25 ans, avec un âge médian qui tourne autour de 19 ans (il est de 43 ans en Europe). Les plus de 65 ans ne représentaient en 2015 que 3,5 % de la population selon l'ONU. Face à un virus qui affecte principalement les personnes âgées (environ 70 % des victimes du Covid-19 en France ont plus de 75 ans), cette démographie particulière est sans conteste un gros avantage.

Une population déjà immunisée ?

«De plus, la densité de population est plus faible en Afrique, limitant ainsi la propagation du virus, de même que la faible mobilité des populations africaines par comparaison aux populations occidentales», explique au Cameroun Yap Boum II, épidémiologiste de Médecins sans frontières (MSF). Des arguments que partage l'OMS. Avec 43 habitants au km2 en moyenne (avec des zones beaucoup plus denses, notamment en Egypte, en Tunisie, au Maroc, au Rwanda ou dans certaines mégapoles comme Lagos au Nigeria), la densité de population sur le continent africain est 2,5 fois plus faible que celle de l'Union européenne par exemple (109). 

Par ailleurs, certains spécialistes affirment que les Africains bénéficient d'une certaine immunité liée à leur exposition à de nombreux virus, bactéries et parasites. «Il y a un possible effet d'immunité acquise compte tenu de la pression infectieuse globale. Il y a beaucoup de maladies en Afrique, donc les populations sont possiblement mieux immunisées que les populations européennes sur des pathogènes comme le coronavirus», estime le Dr Milleliri. L'effet protecteur de certains traitements ou vaccins contre d'autres maladies, comme le BCG, vaccin contre la tuberculose, ou la chloroquine, utilisée contre le paludisme, a également été avancé, sans pour autant avoir été prouvé par des études scientifiques.

La «longue histoire de lutte contre les épidémies», évoquée mi-avril par Michael Ryan, directeur des programmes d’urgence de l’OMS, a de toute façon aidé l'Afrique à résister au coronavirus. «Nous avons pu adapter les processus déjà en place pour d'autre épidémies comme Ebola assez rapidement, d'autant plus que le personnel médical était déjà formé à la gestion de ce type de crises», explique à France 24 le Dr Mary Stephen, responsable technique au bureau régional de l'OMS pour l'Afrique. La population également était déjà familière des gestes barrières, tels que le port du masque ou le lavage régulier des mains.

Le virus loin d'être KO

Reste la question - comme partout d'ailleurs - de la véracité des chiffres officiels fournis par les Etats africains : sont-ils sous-estimés, à cause du faible nombre de tests disponibles (9 pour 10.000 habitants, contre 200 en Italie selon l'OMS) ? Oui, admet John Nkengasong, chef du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies. «Beaucoup de cas n’ont pas été diagnostiqués», confie-t-il au Monde. Malgré tout, le constat d'un continent africain relativement épargné par le coronavirus tient toujours. «On n'observe pas de débordement des structures de santé dans les 45 pays africains où l’on travaille», souligne au Monde Isabelle Defourny, directrice des opérations de Médecins sans frontières (MSF).

Mais le continent ne veut pas crier victoire trop vite. La bataille contre le virus est en effet loin d'être gagnée, comme le montre l'inquiétante progression du nombre de cas en Afrique de l'Est, dans certains Etats d'Afrique de l'Ouest, mais surtout en Afrique du Sud, qui a entamé son déconfinement au début du mois. Le pays, le plus touché d'Afrique subsaharienne, a recensé dimanche 1.160 nouvelles infections, soit le bilan quotidien le plus élevé depuis l'enregistrement du premier cas en mars, selon le ministère de la Santé, portant le total de contaminations à plus de 15.000 (pour 263 morts). L'épidémie en Afrique est sur «une courbe ascendante», a alerté le Dr Margaret Harris, porte-parole de l'OMS, lors d'un point presse la semaine dernière.

Le continent pourrait même devoir se battre avec l'épidémie pendant longtemps, prévoit l'agence de santé onusienne. Selon cette dernière, le taux de transmission plus faible suggère «une épidémie plus prolongée sur quelques années». Et dont le bilan pourrait être lourd. D'après une étude publiée vendredi, 83.000 à 190.000 personnes en Afrique pourraient mourir du Covid-19 au cours de la première année et jusqu'à plus de 200 millions pourraient être infectées, la plupart avec peu ou pas de symptômes.

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