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La semaine de Philippe Labro : les désordres du monde, un ordre européen

[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

VENDREDI 3 JUILLET

Les soubresauts de l’actualité sont si nombreux – et si passionnants – que le chroniqueur choisit, une fois de plus, la discipline du bloc-notes.

ANGELA MERKEL. Elle fait la une de nombreux journaux. Femme remarquable ! Elle en est à son quatrième mandat de chancelière en Allemagne (cela fait bientôt quinze ans). Il s’achèvera en 2021. Certains souhaitent la voir rempiler, mais il semble que l’ancienne docteur en physique, venue de l’Est pour accomplir un étonnant parcours politique – supplanter les acteurs majeurs de son parti et battre un record de longévité – ait, cette fois, décidé d’arrêter. Il lui reste, entre autres tâches, à présider l’Union européenne pour les six mois qui viennent. On peut lui faire confiance pour assurer la relance économique et convaincre les pays réticents, les «frugaux». Elle possède plusieurs vertus cardinales dans l’art de gouverner : le sens du compromis, l’analyse de l’avenir, l’équilibre dans les mots, les formules, le pragmatisme. L’Europe peut se féliciter d’avoir une Merkel, en fin de crise du coronavirus et face au désarroi américain personnifié par un Trump, qui est en réalité l’exact contraire d’Angela. «Elle fait ce qu’elle dit et elle dit ce qu’elle fait», observe Alain Minc, dont le livre, «Mes» présidents (éd. Grasset), est à lire.

DONALD TRUMP. Lui, justement. Nous sommes à 122 jours de la présidentielle américaine. Le locataire de la Maison Blanche semble incapable de gérer la crise du coronavirus qui a fait, déjà, plus de 100 000 morts aux Etats-Unis. Joe Biden attend, discrètement, portant un masque, alors que Donald Trump le refuse, suivi par ses supporters, au Texas, en Arizona, en Floride (les Etats les plus touchés par la maladie). C’est le désordre. Je plains mes amis américains. Je veux croire qu’ils finiront par s’en sortir.

MUNICIPALES. Tout a été dit, ou pres­que. A quoi bon en rajouter, sinon à fouiller la question centrale de l’abstention ? J’ai du mal à croire que les Français se désintéressent autant que cela de la vie de leur commune, mais les politologues et les sondeurs disent que nous assistons, depuis déjà quelque temps, à une désaffection globale à l’égard du processus électoral classique. Je note que, avec le coup de bascule d’EELV, le vocabulaire du jour est dominé par deux mots : «bienveillance» et «chemin».

CHINE. Le pays est en train de mettre la jeunesse de Hong Kong à genoux. Le monde occidental aura beau protester, la Chine imposera sa loi sur la sécurité nationale. L’ancienne colonie britannique n’aura bientôt plus de statut spécial, et Hong Kong deviendra, sans doute, une autre colonie, celle de la Chine. Vive l’Europe, chers amis ! Et vive la démocratie, aussi faillible soit-elle ! Le mot «liberté» n’y est pas aboli.

LITTÉRATURE. Sans aucun rapport avec ce qui précède, viennent de paraître Lettres du mauvais temps (éd. La Table Ronde), la correspondance de Jean-Patrick Manchette. Emporté par la maladie en 1995, à 53 ans, Jean-Patrick Manchette est l’auteur d’une grande œuvre, au sein de laquelle je distingue et recommande au moins deux réussites du polar (c’était d’ailleurs tout sauf du polar, mais on l’a ainsi classé, sans doute par paresse). Paru dans la collection Folio, il y a Le petit bleu de la côte Ouest et La position du tireur couché. A une enseignante de lycée qui lui envoyait un questionnaire sur le métier d’écrivain, il fit une longue réponse. 

A la page 527 de ses Lettres, on peut lire : «L’audiovisuel a ses avantages. L’écrit en a un, spécifique, c’est que le déroulement de la lecture se fait à la vitesse voulue par le lecteur, qui peut s’arrêter quand il veut pour réfléchir.» Et puis ceci : «Un peuple sans écriture, un homme sans lecture, sont sans mémoire et plongés dans une ignorance qui a des conséquences presque immédiates. On se laisse berner. On croit à n’importe quoi.» C’est toujours bon de s’arrêter pour réfléchir. Je vous souhaite le plus bel été possible.

Retrouvez tous les éditos de Philippe Labro ICI

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