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La Française Catherine Dulac reçoit 3 millions de dollars pour avoir découvert les neurones de l'instinct parental

La neurobiologiste française Catherine Dulac vit aux Etats-Unis depuis vingt-cinq ans. La neurobiologiste française Catherine Dulac vit aux Etats-Unis depuis vingt-cinq ans. [KRIS SNIBBE / HARVARD UNIVERSITY / AFP].

La neurobiologiste française Catherine Dulac, installée depuis plus de vingt-cinq ans aux Etats-Unis et travaillant pour la prestigieuse université d'Harvard, vient d'être récompensée d'un prix scientifique doté de trois millions de dollars (environ 2,5 millions d'euros environ, NDLR) pour avoir découvert les neurones de l'instinct parental.

Catherine Dulac en est convaincue, si cette découverte scientifique - jugée comme majeure par ses pairs - s'est faite sur des souris, elle pourrait déboucher, à terme, sur une meilleure compréhension de l'instinct parental chez ses contemporains : les humains.

Concrètement, cette professeur et directrice de laboratoire à Harvard et à l'institut médical Howard Hughes, a réussi à identifier les circuits de neurones du cerveau qui, instinctivement, dictent à une souris femelle de prendre soin des souriceaux, et au mâle de les attaquer, selon les circonstances (le comportement infanticidaire est typique des mâles).

Mais, surtout, la contribution majeure de Catherine Dulac est d'avoir montré que mâles et femelles ont chacun en eux les circuits comportementaux des deux sexes : la différence est que leurs hormones activent l'un ou l'autre des circuits, comme un interrupteur.

Parfois, c'est l'autre circuit qui s'active, conduisant par exemple une mère stressée à tuer ses petits ou, encore plus spectaculaire, un mâle à s'occuper de sa progéniture lorsqu'il devient père.

«On pense que ce qu'on a trouvé peut s'étendre à d'autres espèces» dont les humains, a déclaré à l'Agence France-Presse (AFP) la scientifique française de 57 ans. «Il y a un instinct, et l'instinct, c'est justement le fonctionnement de ces neurones, qui sont - je parie - dans le cerveau de tous les mammifères et disent à l'animal, quand il y a des signaux sur la présence de nouveaux-nés : 'Tu dois t'en occuper', poursuit-elle.

Ces travaux de recherche fondamentale, bien que limités à la souris comme Catherine Dulac le souligne vigoureusement, intéressent évidemment tous ceux qui travaillent sur les questions transgenres, puisque, comme le dit la neurobiologiste, «en chacun, le câblage masculin et féminin existe - du moins chez les souris -».

Une figure «neutre» appréciée par la communauté transgenre

De ce fait, familles ou alliés de personnes transgenres l'interpellent régulièrement pour la remercier. «Je suis une scientifique, je regarde les données, je suis neutre», dit-elle, mais elle admet : «Ca me touche énormément». «Là on se dit : j'ai été utile». 

Une utilité et des travaux désormais reconnus qui permettent à Catherine Dulac de voir son nom inscrit sur la liste des récipiendaires du Breakthrough Prize, un prix créé par des entrepreneurs de la Silicon Valley, berceau de haute-technologie américaine.

Six scientifiques pour cette cuvée 2020 récompensés en sciences de la vie, physique fondamentale et mathématiques, et qui tous recevront trois millions de dollars chacun pour des travaux considérés comme des «percées» (le sens de «breakthrough» en anglais). Cette somme est le triple de celle du prix Nobel.  

Quant à Catherine Dulac, elle donnera une partie du prix à des causes liées notamment à la santé et l'éducation des femmes. Une consécration pour cette femme de sciences originaire de Montpellier, passée par Normale Sup, et qui, au départ, était partie aux Etats-Unis après son doctorat avec la ferme intention de revenir ensuite en France.

«Mais mon post-doc a très bien marché, et j'ai eu des opportunités pour avoir mon propre labo aux Etats-Unis, et je n'ai eu aucune opportunité d'avoir mon propre labo en France. Là je me suis vraiment heurtée à une espèce de comportement paternaliste à la con, si je puis m'exprimer ainsi, où les gens disaient : 'Oh vous êtes beaucoup trop jeune pour avoir votre propre budget, vous n'avez pas assez d'expérience pour être indépendante'».

C'est ainsi que Catherine Dulac a choisi Harvard et fait sa vie là-bas, obtenant in fine la double nationalité. Elle estime que les Etats-Unis ont des années d'avance sur la France pour promouvoir activement l'égalité hommes-femmes, mais régulièrement, dans les conférences, elle raconte être sous-estimée, ou prise de haut, dans des conversations, par des collègues hommes.

«C'est agaçant, on ne s'attend pas à ce que moi, j'aie quelque chose d'intéressant à dire», relève la professeure Dulac, soupirant face à ce qui ressemble fort à un instinct de ses collègues mâles.

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