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Le gène du désir masculin identifié

La libido des hommes est (aussi) un sujet scientifique. [Photo d'illustration / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP].

On savait que le désir sexuel que les hommes ressentent envers d'autres êtres humains est une affaire complexe. La littérature, la chanson, et les arts d'une manière générale, ont à cet égard, et depuis des lustres, fourni des preuves éloquentes. Mais la science s'est également penchée sur la libido des mâles et suggère que la génétique ne serait pas étrangère au sujet.

Et c'est ainsi qu'une étude, bien que réalisée sur des souris, publiée dans le numéro de septembre de la revue spécialisée Endocrinology, pourrait, selon ses auteurs, être déclinée chez l'homme, même si cela suppose des investigations complémentaires.

Les chercheurs, emmenés par le professeur de médecine Serdar Bulun, un gynécologue turc qui fait figure de sommité dans son domaine et qui exerce à la Feinberg School of Medicine, aux Etats-Unis, ont en effet identifié chez les souris mâles un gène en particulier, qui contrôle leur envie de se reproduire.

Son nom de code : Cyp19a1. Mais pour nous permettre de comprendre quel rôle-clé joue ce gène, il nous faut d'abord disséquer le rôle fondamental endossé par un autre acteur en présence, en l'occurrence la testostérone.

Cette hormone coule dans le corps de tous les mammifères, qu'ils soient petits, comme la souris, ou un peu plus grands, comme les êtres humains. Concrètement, la testostérone est surtout sécrétée par les gonades, c'est-à-dire les testicules chez les mâles, et les ovaires chez les femelles. 

Et si les scientifiques savaient déjà que c'est la testostérone qui stimule le désir sexuel chez les mammifères mâles, ils ne savaient jusqu'alors pas vraiment comment.

La testostérone comme énergie source, le gène Cyp19a1 comme interrupteur

Mais ça c'était avant. Car, grâce à des méthodes avancées de génie génétique, ils sont parvenus à retracer en détail chez la souris mâle le mécanisme suivant : lorsque l'un des rongeurs est mis en présence d'une femelle, une partie de la testostérone produite se transforme en une enzyme dédiée, l'oestradiol. Cette conversion a lieu dans les testicules et le cerveau via un processus enzymatique complexe appelé «aromatase».

Et le professeur Bulun en est convaincu : c'est bien l'aromatase qui est essentielle au désir masculin. Mais tout ce processus enzymatique ne serait rien sans un intermédiaire : le fameux gène Cyp19a1, que son équipe et lui ont identifié et qui code l'aromatase dans le cerveau.

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont fait l'expérience suivante : ils ont dans un premier groupe modifié des souris mâles pour éteindre le gène Cyp19a1 codant l'aromatase dans le cerveau, et dans un deuxième groupe ils ont réuni d'autres souris mâles chez lesquelles Cyp19a1 avait été rendu inactif, mais cette fois dans tout leur organisme. Les deux groupes ont ensuite été présentés à des souris femelles.

Résultat : dans le premier groupe, alors qu'en temps normal les souris mâles auraient poursuivi leurs congénères femelles dans le but d'assouvir leur pulsion sexuelle, les souris dénuées d'aromatase cérébrale ont montré une activité sexuelle réduite de l'ordre de 50 %.

De leur côté, dans le second groupe, les souris mâles qui avaient été totalement libérées d'aromatase dans l'ensemble de leur corps, se promenaient tranquillement sans prêter attention aux femelles. 

Fait à souligner : un pic de testostérone a été observé dans les deux groupes puisque la testostérone continuait d'être produite sauf qu'elle était soit partiellement, soit plus du tout convertie en oestradiol.

De là, les scientifiques se sont demandés si en administrant un peu plus de testostérone, cela pouvait faire renaître le désir sexuel des souris.

Ils ont tenté l'expérience dans le premier groupe, soit les mâles dépourvus d'aromatase cérébrale - nommés bArKo dans l'étude - et ont constaté que de cette façon la libido des souris n'avait pu qu'être partiellement restaurée.

En revanche, lorsqu'ils leur ont injecté de la testostérone accompagnée d'oestradiol, les mâles bArKo retrouvaient toute leur légendaire vitalité sexuelle pour s'accoupler avec les femelles.

Il n'y a donc plus de doute : c'est bien la testostérone qui, chez les souris mâles, met en route le désir sexuel, à travers l'aromatase, soit la conversion d'oestradiol dans laquelle le gène Cyp19a1 fait office de véritable interrupteur.

«Pour la première fois, nous avons démontré de manière concluante que la conversion de la testostérone en œstradiol dans le cerveau est essentielle pour maintenir une activité ou un désir sexuel complet chez les mâles. L'aromatase est le moteur !», conclut, enthousiaste, le professeur Bulun, qui n'exclut pas qu'à long terme cela puisse ouvrir la voie à de nouvelles thérapeutiques à même de soigner l'addiction sexuelle ou, a contrario, une libido défaillante.

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