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Le parti républicain peut-il survivre à la prise d’assaut du Capitole du 6 janvier ?

[BRENDAN SMIALOWSKI / AFP]

Un rejet timide du trumpisme a commencé dans le parti d’Abraham Lincoln. Cette lutte interne est aussi déterminante pour l’avenir des Etats-Unis que la victoire des démocrates.

L’avenir du parti républicain dépend de la capacité des divers républicains à ne pas sombrer définitivement dans les divisions, et ainsi trouver une voie médiane pour tourner la page de l’ère Trump. Car une fracture interne couve au sein du parti, et ce depuis la victoire de Donald Trump aux primaires républicaines en 2016.

D’un côté, on trouve l’aile populiste, nationaliste et évangélique, galvanisée par un président milliardaire qui a su parfaitement user de la télévision et des réseaux sociaux. En face de cette vague de passion à droite, les néo-conservateurs (faucons en politique étrangère) et les modérés ont dû suivre afin de se faire élire. 

Aujourd’hui, les divergences ne portent pas sur tel ou tel traité, référendum, ou guerre - il s'agit d’une lutte entre trumpistes jusqu'au-boutistes et pragmatiques procéduriers. C’est une lutte morale.

Le premier camp, trumpiste « populiste », rejette toute la doxa conventionnelle: le réchauffement climatique (faux), les vaccins (dangereux), les masques (corvée), la régulation des armes à feu (prélude à une dictature), la coopération internationale (duperie), les guerres étrangères (pièges), l’avortement  assassinat voire génocide), les immigrés clandestins ( envahisseurs), la culture des minorités (intérêts spéciaux).

L'autre camp, celui des pragmatiques dits «modérés», a un problème: ses adeptes ne s'opposent pas à toute la doxa conventionnelle. Certains modérés voudront moins de coopération internationale sans pour autant l'éliminer, ou favoriseront le port du masque sans vouloir l'imposer, ou accepteront le changement climatique comme une désagréable réalité sans remède évident. Les classiques-modérés sont tous opposés à l’avortement, quoiqu’ils divergent sur la nécessité ou même la possibilité de l’interdire.

Seule différence de fond: les modérés sont fidèles à la responsabilité budgétaire, que Donald Trump a totalement abandonné en creusant 300 milliards de dollars de déficit supplémentaire avant même la pandémie; et souvent sont interventionnistes en affaires étrangères. Mais en définitive, c’est la démarche de Donald Trump qui clive au sein des Républicains.

Ainsi, les anti-Trump républicain ont un désavantage idéologique : dans une période de clivages forts, ils paraissent faibles et indécis. Les trumpistes ont dominé sans partage la période qui prend fin lors des résultats de l’élection présidentielle. En effet, les politiciens républicains modérés ont dû suivre ce mouvement pour se faire, et les récalcitrants se sont généralement fait évincer par des trumpistes dans des primaires acerbes en 2018 pour le scrutin de mi-mandat. Un élu modéré adoubé par Trump ne peut plus trop se rebeller. C’est un axiome qu’un adepte des transactions comme le président sortant comprend parfaitement.

Maintenant que Donald Trump, face au Rubicon factieux, l’a sinon franchi, du moins frôlé, les modérés ont soudain trouvé une certaine témérité. Forts à la Chambre des Représentants, ces modérés comptent même une dizaine de députés ayant voté en faveur de l’impeachment (en attendant que le Sénat agisse).

Le chef de file des Républicains au Sénat, Mitch McConnell du Kentucky, voudrait purger son parti de Trump, devenant de fait le chef des modérés ! Il avait déjà dit qu’il ne tolérerait pas de chahut parlementaire le 6 janvier. Le parti républicain de Géorgie, dont les élus fort conservateurs ont tout de même refusé de travestir les résultats électoraux défavorables. C’est de cet État que s’organise le retour d’un parti républicain « reaganien » : conservateur mais unificateur. Cependant, il en faut davantage pour qu'un mouvement républicain anti-Trump efficace naisse parmi eux.

En revanche, les trumpistes seraient prêts à suivre Trump plutôt que le parti. Déjà, les « Patriotes » flattés par le président sortant lors du discours devant la Maison-Blanche le 6 janvier, et qui ont marché sur le Capitole et l’ont investi violemment, suivent leur héros sans penser au parti républicain.

Les grands trumpistes institutionnels les plus agités, comme les Représentants comme Jim Jordan et Lauren Boebert (elle a fait campagne sur une promesse de porter un pistolet au Congrès, promesse tenue le 6 janvier), Ted Cruz et Paul Gosar (Sénateurs de l'Arizona qui ont contesté la validité des voix des grands électeurs lors du vote du 6 janvier), ne sont pas attachés au parti. Plus loin encore sur les franges extrêmes du parti, des personnages comme le général Michael Flynn, (éphémère directeur de la Sécurité nationale poursuivi pour liens illégaux avec la Russie poutinienne), laissent entendre qu’un parti du peuple est en train de naître : we are not Republicans, we are not Democrats, we are the People’s Party (nous ne sommes pas républicains, nous ne sommes pas démocrates, nous sommes le parti du peuple), dit Flynn. 

Si le parti républicain devait se scinder, ce ne serait pas la première fois. En 1912, l'ancien président Theodore Roosevelt, voulant se représenter, emporta l'aile gauche du parti sous l'étiquette Progressive Party. Plus d'un siècle plus tard, c'est de l'autre bord que la fracture pourrait éventuellement venir.

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