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Le coronavirus a-t-il changé la consistance du beurre canadien ?

Depuis plusieurs semaines, les Canadiens se plaignent d'un beurre devenu trop dur, difficile à tartiner.[Pixabay/Rodeopix]

Les tartines canadiennes sont en péril. Depuis plusieurs semaines au Canada, les plaintes concernant la consistance du beurre se multiplient. Trop dur, il ne fond pas comme auparavant et s'étale très mal au moment du petit-déjeuner. Un «Buttergate» a priori anodin, voire risible, mais qui pourrait en fait cacher un véritable problème... imputable au coronavirus.

«Il y a quelque chose qui cloche avec notre approvisionnement en beurre, écrivait la cuisinière Julie Van Rosendaal sur Twitter, au début du mois de février. Vous avez remarqué qu'il n'est plus mou à température ambiante ?»

Au vu des nombreuses réactions suscitées par ce tweet, cette auteure de livres de recettes a su qu'elle mettait le doigt sur quelque chose. Elle s'est donc exprimée quelques semaines plus tard, dans une tribune publiée par le quotidien canadien The Globe and Mail, accusant le coronavirus d'être à l'origine de ce «Buttergate».

Le raisonnement de Julie Van Rosendaal est plutôt simple. Elle estime qu'avec la pandémie, les confinements et le télétravail, les Canadiens ont davantage cuisiné, faisant augmenter la consommation de beurre. Sur ce point, les chiffres des représentants des producteurs laitiers du pays, rapportés par la BBC, semblent lui donner raison puisqu'ils montrent une hausse de 12% de la demande de beurre en 2020.

Aussi, la cuisinière avance que, pour tenir la distance, les éleveurs ont cherché à améliorer leur rendement en modifiant l'alimentation du bétail. Et, surtout, en leur administrant davantage d'huile de palme. Cette dernière sert de complément alimentaire pour vaches depuis des décennies. Elle est connue pour augmenter leur production de lait et sa teneur en matières grasses.

Une hausse de la proportion de graisses saturées

Or, selon Sylvain Charlebois, directeur scientifique du Laboratoire de recherche en sciences analytiques agroalimentaires à l'université Dalhousie, cette hausse de «la proportion de graisses saturées dans le lait par rapport aux graisses non saturées [...] augmenterait le point de fusion du beurre». Ce qui pourrait expliquer qu'il ne ramollisse pas à température ambiante.

Dans un article de blog publié sur le site du Journal de Québec, il écrit que, selon les estimations, «environ 30% des producteurs laitiers canadiens adoptent cette pratique pour respecter leurs quotas de production lucratifs».

Cette pratique n'a en soi rien d'illégal mais, au-delà de la difficulté à savourer leurs tartines, certains Canadiens soulignent l'impact environnemental d'une telle méthode. Elle suppose d'utiliser en quantité une huile fabriquée «à l'autre bout du monde» et dont la production est, depuis des années, citée parmi les causes de la déforestation. Ce, notamment en Indonésie et en Malaisie, selon un rapport  de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Les propriétés nutritionnelles de l'huile de palme sont également interrogées et les consommateurs craignent une dégradation de la qualité du lait. De leur côté, les Producteurs laitiers du Canada assurent qu'«aucun effet indésirable n'a été identifié» concernant l'utilisation de ce genre de compléments alimentaires à destination des vaches.

En ce qui concerne la consistance du beurre, le Conseil des industriels laitiers du Québec indique qu'aucune étude concrète ne permet pour l'instant de confirmer le phénomène, bien que ces «changements de propriétés» aient été portés à son attention. Des recherches sont donc en cours pour tenter d'élucider ce «Buttergate»... et sauver les tartines canadiennes.

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