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La semaine de Philippe Labro : Cent jours pour décider, un jour pour espérer

Joe Bide, le 46e président des Etats-Unis, a surpris les observateurs avec un début de mandat mené tambour battant. [Brendan Smialowski / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 5 MAI

Joe Biden a donc atteint, la semaine dernière, le 28 avril, ces fameux cent premiers jours. Les bilans de son action ont été nombreux, car le 46e président des Etats-Unis a surpris. On ne compte pas le nombre de «unes» de journaux et de magazines français qui lui ont été consacrés. Ce n’est pas injuste : il tient déjà plus de 35 de ses 60 promesses de campagne. Il relance l’économie et la restructuration de son pays à coups de milliards et de milliards de dollars. Il rétablit des mœurs politiques «normales». Il prend, vis-à-vis de la Chine et de la Russie, des positions fermes et intelligentes.

Son talon d’Achille, son obstacle périlleux, c’est le problème des migrants venus du Mexique et de toute l’Amérique latine qui, convaincus de sa mansuétude, se dirigent en masse vers une frontière toujours aussi poreuse. Les républicains l’attendent là-dessus. Biden sait que le tournant des «midterms», ces élections de mi-mandat en 2022, sera crucial. Aussi bien gouverne-t-il et décide-t-il à une vitesse que peu d’observateurs attendaient de lui.

Cette date de 2022 est aussi omniprésente dans notre vie politique. La présidentielle ! Ça n’arrête pas. Avec les sondages (trop de sondages ?), Macron, les alliances, les outrances, les spéculations, est-ce donc cela qui va occuper nos vies quotidiennes ? Bien évidemment, non. Nous sommes plutôt en attente des «réouvertures» du 19 mai prochain : salles de ciné, théâtres, terrasses, concerts. Une vie plus diverse, plus libre. Cette crise du Covid a définitivement modifié la marche de notre pays, a appauvri et affamé certains, a désespéré une génération de jeunes, a tué des parents et des amis. On aura beau un peu mieux respirer et jouir de cette ambiance de «réouverture», on n’en comptera pas moins les dégâts, voire les désastres. Et puis, le virus n’aura pas disparu. Faut-il se résigner à «vivre avec» ?

JEUDI 6 MAI

Je souhaite, ici, rendre hommage à un homme de qualité. Willy Kurant vient de disparaître. C’était un «chef opérateur», un directeur de la photographie. Quand une ou un comédien meurt, on a droit à des pages d’hommages et des rétrospectives. Quand un grand technicien s’en va, il ne bénéficie pas du même espace médiatique. Or, ce sont des artistes, eux aussi, ces gens qui savent créer la lumière sur un plateau, exploiter, en «extérieur», le soleil ou le gris afin de magnifier une séquence, une scène, un gros plan ou un plan général.

J’ai eu la chance que Willy soit le chef op de mon premier long-métrage, Tout peut arriver. Son expérience de cadreur d’actualités, sa maîtrise de la caméra (il la tenait à l’épaule, sans trembler) m’ont prodigieusement aidé. On retrouve son nom associé à Godard, Orson Welles, Gainsbourg, Pialat, Garrel. Je conserve le souvenir de cet homme de petite taille, au sourire d’enfant, à la pensée vive et au débit rapide, généreux et inventif.

VENDREDI 7 MAI

Nombreuses publications, ces jours-ci. Quelques œuvres insolites : Franz-Olivier Giesbert avec Rien qu’une bête (éd. Albin Michel) met son narrateur dans la peau d’un cochon voué à l’abattage. Laurent Chalumeau, avec Vice (éd. Grasset) s’avance dans un univers qui lui est familier, l’Amérique – celle des femmes qui se veulent libres, avec une «country music» omniprésente – avec, surtout, son style si singulier. Chalumeau a inventé un ton, une sorte de «parlé écrit» qui vous emporte. J’ai aussi reçu une BD originale, conçue et écrite par la journaliste Anne Nivat (reporter de guerre, prix Albert-Londres en 2000) qui, grâce au grand talent du dessinateur Horne et à la collaboration de Jean-Marc Thévenet, embarque le lecteur dans les guerres d’Irak et de Tchétchénie. Il y a une autobiographie déguisée là-dedans. Anne Nivat a vécu les guerres. Son héroïne, son double, dit : «Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur.» Le titre : Dans la gueule du loup (éd. Marabulles).

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