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Invasion du capitole : où en est l’enquête un an après ?

Près de 2.000 personnes auraient participé de près ou de loin à l'attaque du Capitole, selon le FBI. [ROBERTO SCHMIDT / AFP]

Une enquête tentaculaire. Près d'un an après l'assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump, les investigations se poursuivent et remontent jusqu'au plus haut niveau de l'Etat.

Près de 2.000 personnes impliquées dans l'attaque

Le 6 janvier 2021, Donald Trump, battu dans les urnes deux mois plus tôt par Joe Biden, prononce un discours à Washington durant lequel il refuse de reconnaître sa défaite. Il affirme, comme il le fait depuis des semaines, que l'élection lui a été «volée» et appelle ses supporters à «marcher vers le Capitole» et à «se battre comme des diables». Quelques heures plus tard, plusieurs centaines de personnes pénètrent violemment dans le Capitole, siège du parlement américain, au moment où les élus certifient la victoire de Joe Biden. Le bilan fait état de cinq morts, dont quatre manifestants et un policier, et de plus d'une centaine de blessés.

Les investigations des agents fédéraux, qui ont notamment analysé les vidéos de l'attaque et épluché les réseaux sociaux, ont permis d'arrêter et d'inculper plus de 725 partisans de Donald Trump qui étaient entrés dans le bâtiment. La police fédérale évoquait initialement 800 participants mais estime désormais qu'au moins 2.000 personnes ont été impliquées dans le siège du Capitole.

Des profils variés

Les assaillants sont principalement des hommes, blancs et d'une moyenne d'âge de 39 ans. Ils sont originaires de tout le pays et ont des profils socio-économiques variés : avocat, paysagiste, agent immobilier, petit patron, ancien militaire...

Parmi eux, il y a aussi des militants d'extrême droite comme ceux du groupe «Proud Boys», des conspirationnistes de la mouvance QAnon, mais aussi des partisans ordinaires de Donald Trump, convaincus par leur leader que l'élection a été truquée par les démocrates. 

des petits délits...

La majorité des personnes mises en cause n'ont pas commis de violences et sont poursuivies pour des délits mineurs, comme violation d'une interdiction d'entrée ou troubles à l'ordre public. Quelque 165 personnes ont conclu des accords de plaider-coupable et une cinquantaine de peines ont déjà été prononcées. Un jeune homme, qui a reconnu avoir volé une bière dans le bureau de la cheffe démocrate Nancy Pelosi, a par exemple écopé de 20 jours de prison.

Jacob Chansley, 34 ans, surnommé le «chaman» et reconnaissable à ses cornes de bisons, a lui été condamné à trois ans et demi de rétention. Devenu l'emblème de l'émeute, il a plaidé coupable «d'entrave» à la certification des résultats de l'élection. S'il n'a pas commis de violence, il est entré dans le Capitole armé d'un drapeau fixé sur un manche à bout pointu et a laissé un message menaçant le vice-président Mike Pence.

...Et des peines lourdes déjà prononcées

Les peines les plus lourdes sont réservées aux quelque 225 personnes accusées d'avoir commis des violences, notamment contre les agents de police du Capitole. Robert Scott Palmer, 54 ans, a ainsi été condamné en décembre à cinq ans de prison pour avoir lancé des planches et un extincteur, entre autres, sur les policiers.

Une quarantaine de personnes sont également poursuivies pour «association de malfaiteurs» et sont soupçonnées d'avoir planifié l'attaque. Ce chef d'accusation vise surtout les membres des groupuscules d'extrême droite Proud Boys, Oath Keepers et Three Percenters. Donald Trump, qui s'est toujours refusé à condamner leur idéologie, leur avait recommandé de se mettre «en retrait» et de se «tenir prêts» lors d'un débat télévisé face à Joe Biden, en septembre 2020.

Ces accusés, dont certains sont en détention préventive, devraient être jugés par des jurés populaires. Le premier procès pourrait se tenir dès février. L'un des membres des Proud Boys vient toutefois de passer un accord avec les procureurs, avec qui il va coopérer, en échange d'une peine allégée.

l'étau se resserre autour de Donald Trump

Reste la question de ceux qui, absents des lieux, ont incité à l'assaut. A ce sujet, une commission d'enquête a été créée à la Chambre des représentants pour faire la lumière sur le rôle de Donald Trump et celui de ses proches. Elle a déjà recommandé l’inculpation de l’ex-chef de la stratégie du président, Steve Bannon, et du chef de cabinet Mark Meadows, en raison de leur refus de coopérer à l'enquête. Ce dernier a néanmoins consenti à fournir des milliers de documents officiels, dont des courriels et des SMS.

Parmi ces documents, un exposé Powerpoint de 38 pages, qui a circulé à la Maison-Blanche avant l'attaque, décrit une stratégie à suivre afin que Donald Trump garde le pouvoir. L'auteur, qui n'est pas encore identifié, se base sur les allégations - jamais étayées - de fraudes électorales et assure que le vice-Président Mike Pence peut bloquer la certification du résultat de la présidentielle. Une manoeuvre douteuse à laquelle Mike Pence s’est refusé, malgré l'insistance de Donald Trump.

Autre élément qui intrigue les enquêteurs, la présence d'un «centre de commandement» basé à l'hôtel Willard, près de la Maison Blanche, où l’avocat Rudolph Giuliani et Steve Bannon ont organisé la communication sur les réseaux sociaux, les appels à la mobilisation contre une prétendue fraude et les pressions sur les élus.

Liz Cheney, l'une des rares républicaines à siéger dans la commission d'enquête, a affirmé sur la chaîne ABC disposer d'un «témoignage de première main» indiquant que Donald Trump a suivi l'attaque du Capitole à la télévision, depuis la Maison Blanche. L'élue ajoute que plusieurs personnalités, dont Ivanka Trump, fille de l'ancien président, lui ont demandé à plusieurs reprises de faire cesser les violences, en vain.

Ce n'est que plusieurs heures après l'assaut qu'il s'est résolu à appeler les assaillants à «rentrer chez eux», sans condamner l'intrusion et tout en maintenant que l'élection «était frauduleuse». Le 19 décembre, sur Twitter, Donald Trump avait donné rendez-vous à ses partisans pour une manifestation à Washington le 6 janvier, en concluant : «Soyez là, ce sera sauvage !».

Si sa responsabilité morale et politique ne fait pas de doute, sa responsabilité pénale doit encore être établie. Pour l'heure, la commission parlementaire n'a pas contraint l'ancien président à témoigner. «Ce serait vu comme une opération politique de la part de ce qui a été son opposition. Pour autant, il n'est pas protégé par la Constitution», précise pour CNEWS.fr Jean-Eric Branaa, maître de conférence à Paris 2 Panthéon Assas et spécialiste de la politique américaine.

Le rapport de la commission d'enquête sera remis à l'été prochain. Le ministre de la Justice pourrait alors diligenter des poursuites. Les premières auditions publiques, retransmises à la télévision, auront lieu dans les prochains mois.

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