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Énergie : quels ont été les impacts du choc pétrolier de 1973 ?

En 1973, lors du premier grand choc pétrolier, de nombreuses stations d'essence étaient à sec. [AFP]

Ce mercredi 9 mars, Bruno Le Maire a annoncé que la crise énergétique liée au conflit ukrainien serait «comparable» au choc pétrolier de 1973. Pour savoir et comprendre quels ont été les impacts de cette crise pétrolière majeure évoquée par le ministre de l'Economie, retour sur une période synonyme de tournant économique et énergétique pour la France.

Guerre du kippour et déflation du dollar

Les économistes attribuent le choc pétrolier a plusieurs facteurs. D'une part, la dévalorisation du dollar, suite à la fin des accords de Bretton-Woods, monnaie référence pour le prix du baril. D'autre part, la courte guerre du Kippour, entraînant un jeu d'alliance défavorable aux pays occidentaux.

Pour rappel, le 6 octobre 1973, l'Égypte et la Syrie attaquent les frontières israéliennes, dans le but de récupérer des territoires perdus suite à leur défaite dans la guerre des Six jours de 1967 (respectivement le Sinaï et le plateau du Golan). Face à la détresse de leur allié hébreu, les États-Unis envoient du matériel militaire. En réponse, les membres de l'Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (Opaep) augmentent les prix du baril de 70 % et annoncent une réduction mensuelle de la production de 5 % par mois, avec pour revendications la fin du contrôle israélien sur ces territoires et la reconnaissance de l'État d'Israël.

Le prix explose, notamment en France

Entre octobre 1973 et janvier 1974, le prix du pétrole quadruple de 2,60 à 11,65 dollars, le baril. Ce choc d'offre pèse alors sur toutes les économies occidentales qui misaient sur le pétrole comme source d'énergie principale.

C'est le cas de la France, pour laquelle le pétrole représente 66,5 % du bilan énergétique en 1973 contre 30 % en 1960. Les sources d'énergie alternatives, comme le nucléaire 0u l'industrie marémotrice, n'ont pas la capacité de compenser l'absence d'hydrocarbures. 

Le choc pétrolier se fait sentir dans les stations essence, où le prix à la pompe augmente de 20 % du jour au lendemain. Un coup de massue pour les automobilistes, d'autant que les foyers sont largement équipés en voiture (75 % des ouvriers en possèdent début 1974, contre 8 % vingt ans plus tôt). La hausse des prix sera constante jusqu'au début des années 1980. En l'espace de sept ans, le coût d'un litre d'essence aura quasiment triplé (1,69 franc/l en 1973 contre 4,17 francs/l en 1980, selon l'Insee).

«On n'a pas de pétrole, mais on a des idées»

Le gouvernement français se met en quête de solutions pour limiter l'explosion du prix de l'essence et du gasoil. Désormais, la vitesse est limitée à 90 km/h sur toutes les routes de France. D'autres mesures de secours sont adoptées. D'abord, l'interdiction des enseignes lumineuses après 22 h et ensuite, la mise en place en 1976, de manière obligatoire, du changement d'heure. L'objectif est de faire des économies de charbon et de pétrole en adaptant la consommation des Français.

Avec la crise d'hydrocarbure, c'est l'heure d'un changement de mentalité. La priorité des années 1970 sera la lutte contre le gaspillage. C'est l'heure des slogans, comme le célèbre : «En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées», popularisé par Valérie Giscard d'Estaing, alors président de la République. D'autres déclarations célèbres ont survécu à l'Histoire, comme le fameux «pull-over» de Michel Crépeau, maire de La Rochelle, pour moins chauffer les bureaux. Jacques Chirac parlait également d'une «économie de gaspillage», contre laquelle il fallait «apprendre à économiser».

L'économie française est largement affectée par le choc pétrolier. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France entre en récession, avec un taux de croissance annuel de -1 % en 1975. Outre ceux des hydrocarbures, les prix grimpent pour tous les produits. Les étiquettes de paiement pouvaient être modifiées dans la journée même. C'est le début d'une crise industrielle massive, notamment pour le textile. Le chômage explose, passant de 3 % en 1974 à 6 % en 1980. Dans le même temps, l'inflation atteint des taux records : 13,7 % en 1974 et une moyenne supérieure à 10 % pendant les dix années qui suivront.

Le boom du nucléaire

Le choc pétrolier aura entraîné une grande restructuration du mix énergétique français. Par volonté de ne plus être dépendant de pays exportateurs, la France baisse sa part d'importation de pétrole brut (de 134,92 à 73,31 Mégatonnes équivalent pétrole, ou Mtep). En parallèle, la production d'électricité nucléaire brute produite s'envole de 3,84 à 108,20 Mtep entre 1973 et 2000, selon un document de la DGEMP (Direction Générale de l'Énergie et des Matières Premières), datant de 2005.

Pour l'explication, dès 1974, suite au choc pétrolier, le gouvernement lance le plan Pierre Messmer (alors Premier ministre) pour s'orienter vers le tout-nucléaire. Ce programme comprend la construction de treize réacteurs de 900 mégawatts (MW) en deux ans, au lieu des cinq prévus à l'origine. Par la suite, ce sont des réacteurs à 1.300 MW qui sont mis en service à partir de 1976. Pour aboutir, au début des années 2000, au fonctionnement de 58 réacteurs sur 19 centrales nucléaires.

Toutefois, la France n'a jamais abandonné sa dépendance vis-à-vis du pétrole, puisque selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, la France importe toujours 33,9 Mtep de pétrole brut en 2020. De même, le pétrole arrive en seconde position (28,60 %) du mix énergétique français en 2018, juste après le nucléaire (41,10 %).

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