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Russie : une journaliste lève le voile sur la propagande dans les médias

Zhanna Agalakova a travaillé comme correspondante en France et aux Etats-Unis pour la chaîne de télévision publique russe Pervy Kanal. [Christophe ARCHAMBAULT / AFP]

Lors d'une conférence de presse organisée par Reporters sans frontières, la journaliste russe Zhanna Agalakova a témoigné des pratiques qui ont cours dans les médias sous influence du Kremlin.

Correspondante à Paris pour l'Europe de la chaîne de télévision publique Pervy Kanal, elle a démissionné le 3 mars, une semaine après l'invasion de l'Ukraine. «Je veux que la Russie m'entende, que les gens apprennent à distinguer la propagande (...), arrêtent d'être zombifiés», a-t-elle déclaré devant la presse.

La journaliste a expliqué avoir déjà dû faire «des compromis dans (sa) carrière» mais que l'invasion de l'Ukraine a été pour elle «une ligne rouge».

«Ces derniers jours, nous observons des remous à l'intérieur de ces médias de propagande», avec «un certain nombre de démissions, difficiles à chiffrer», a appuyé Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. 

«On ne voit pas la Russie»

Zhanna Agalakova a décrit en détail un système médiatique russe «qui transmet uniquement le point de vue du Kremlin». «Nos actualités ne montrent pas le pays, on ne voit pas la Russie. On ne voit que le premier homme du pays, ce qu'il a mangé, à qui il a serré la main, nous l'avons même vu torse nu. Mais on ne sait pas s'il est marié, s'il a des enfants», a-t-elle raconté, en évitant de prononcer le nom du président Vladimir Poutine.

Pour justifier son action en Ukraine, «le pouvoir a joué sur une corde extrêmement sensible pour les Russes» en prétendant lutter contre des groupes nazis. «Quand, en Russie, on entend le mot nazi, on n'a qu'une seule réaction: il faut détruire ça. C'est une manipulation, un énorme mensonge», a-t-elle souligné.

«Le pouvoir essaie d'étrangler les médias indépendants», a-t-elle ajouté, estimant que l'absence de presse libre mène au «suicide d'un pays».

«Gros mensonge»

Selon elle, les choses se sont compliquées en 2014, avec le début du conflit russo-ukrainien en Crimée et dans la région du Donbass.

A l'époque, elle était correspondante à New-York. «Je n'étais plus à l'abri de la propagande. Je ne devais parler que de choses négatives au sujet des Etats-Unis, comme par exemple des enfants adoptés maltraités», a-t-elle expliqué.

«Je n'ai pas menti, chaque fait était réel. Mais prenez des faits réels, mélangez-les et vous aboutirez à un gros mensonge», a-t-elle poursuivi.

Les journalistes «otages» de la situation

«De nombreux journalistes, producteurs ou personnes qui travaillent dans les médias pensent comme moi», a-t-elle jugé. «Mais ceux qui sont là-bas ont des familles, des parents âgés, des enfants, des maisons à payer. Ils sont otages de la situation», a-t-elle fait valoir.

Zhanna Agalakova a également critiqué la politique occidentale de sanctions qui «touchent surtout la classe moyenne» russe et «les personnes qui partagent les valeurs démocratiques». «Dans cette histoire, vous perdez vos alliés», a-t-elle jugé.

«Ce n'est pas souvent qu'une journaliste russe décide de parler. Je tiens à souligner le courage dont vous avez fait preuve aujourd'hui», a déclaré Christophe Deloire de RSF.

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