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Emmanuel Macron et l'Algérie, une relation en dents de scie

Entre gestes d'apaisement et déclarations chocs, Emmanuel Macron entretient depuis cinq ans une relation mouvementée avec l'Algérie, où il est attendu ce jeudi pour une visite de trois jours.

Premier président français né après la guerre d'Algérie (1954-1962), Emmanuel Macron s'était donné pour mission de réconcilier les mémoires française et algérienne pour bâtir une relation nouvelle. Cinq ans après, le bilan du chef de l'Etat est mitigé.

Le premier voyage d'Emmanuel Macron à Alger remonte à février 2017. Alors candidat à l'élection présidentielle, il avait provoqué la polémique en qualifiant la colonisation française de «crime contre l'humanité». Une phrase qui avait ulcéré la droite et de l'extrême droite en France et qui le suit encore aujourd'hui.

De retour en Algérie en décembre 2017, quelques mois après son élection, le président avait affiché fermement son intention de tourner la page du passé. «Qu’est-ce que vous venez m’embrouiller avec ça ? Votre génération doit regarder l’avenir», avait-il répondu à un jeune venu l'interpeller sur la colonisation. «C’est une histoire nouvelle qui s’écrit», avait-il annoncé, appelant Français et Algériens à ne pas rester «otages» de l'histoire conflictuelle entre la métropole et son ancienne colonie.

des actes symboliques mais pas de repentance

S'en est suivi une série de gestes mémoriels, comme la reconnaissance de la responsabilité de l'armée française dans la mort du mathématicien Maurice Audin et de l'avocat nationaliste Ali Boumendjel, ou encore la restitution des restes de 24 résistants algériens, tués au XIXe siècle au moment de la conquête française (1830-1871).

Pour favoriser «la réconciliation entre les peuples français et algérien», Emmanuel Macron a aussi confié à l'historien Benjamin Stora la rédaction d'un rapport sur les «questions mémorielles» liées à la présence française en Algérie. L'universitaire y formule un certain nombre de propositions, comme celle de créer une commission «Mémoire et Vérité» chargée d'impulser des initiatives communes entre la France et l'Algérie.

Malgré la volonté manifeste d'Emmanuel Macron d'apaiser les relations, les initiatives venues de France sont toujours fraîchement accueillies en Algérie. Les autorités ont ainsi qualifié le rapport Stora de «non-objectif», estimant qu'il «occulte les revendications légitimes de l'Algérie, en particulier la reconnaissance officielle par la France des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, perpétrés durant les 130 années de l'occupation». L'auteur du rapport préconisait en effet que la France «emprunte d'autres chemins» que celui des «excuses».

de nouvelles tensions en 2021

Les relations franco-algériennes ont connu un nouveau coup de froid en septembre 2021. Dans un échange avec des jeunes binationaux relaté par Le Monde, Emmanuel Macron s'est attaqué sans détour au «système politico-militaire» algérien, qu'il accuse de s'être construit sur une «rente mémorielle».

Le président est allé jusqu'à questionner l'existence d'une «nation algérienne» avant la colonisation française. Ces propos rapportés dans la presse ont provoqué la réaction immédiate d'Alger qui a rappelé son ambassadeur pendant trois mois et dénoncé une «ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures».

La brouille est intervenue dans un contexte diplomatique déjà tendu. Quelques jours plus tôt, le gouvernement français avait annoncé la réduction du nombre de visas accordés aux ressortissants du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, au motif que ces pays ne délivraient pas les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des étrangers expulsés de France.

un nouveau souffle en 2022 ?

Les relations se sont progressivement réchauffées depuis. Fin avril, le président algérien a félicité son homologue pour sa réélection et l'a invité à se rendre en Algérie. En juin, les deux dirigeants ont exprimé leur volonté d'«approfondir» les liens entre les deux pays.

Dans une lettre au président Tebboune, remise en main propre par Benjamin Stora pour le 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, Emmanuel Macron a souligné cet été sa volonté de «poursuivre sa démarche de reconnaissance de la vérité et de réconciliation des mémoires des peuples algérien et français».

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune l'a pris au mot en proposant un «travail de mémoire» commun sur toute la période de la colonisation française, et non sur la seule guerre d'Algérie.

Reste à savoir si ce travail de mémoire franco-algérien peut suffire à tourner la page, alors qu'Emmanuel Macron se refuse toujours à formuler les excuses attendues par Alger. 

Ces questions mémorielles seront nécessairement au programme de la visite d'Emmanuel Macron ce jeudi mais ne seront pas «l'objectif principal», a fait savoir l'Elysée, qui promet un voyage «tourné vers l'avenir».

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