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Espionnage : comment une célèbre bijoutière a pu infiltrer l'OTAN pour le compte de la Russie

Créatrice puis employée d'un réputé club très fermé, «le Lions », l'espionne gravit pas à pas les marches de la mondanité jusqu'à côtoyer certains officiers de l'alliance transatlantique [Twitter @bellingcat]

Une enquête réalisée par le collectif d'investigation Bellingcat, en collaboration avec les journaux Der Spiegel, La Repubblica et The Insider a dévoilé le 25 août dernier l'invraisemblable histoire d'une bijoutière napolitaine, qui en réalité s'est avérée être un agent infiltré dans l'OTAN, pour le compte de la direction générale des renseignements russes (GRU).

Une espionne pas comme les autres. «Maria Adela Kuhfeldt Rivera», une supposée bijoutière russo-péruvienne, installée à Naples (Italie), a été demasquée à la suite d'une longue enquête du Bellingcat et des rédactions de Der Spiegel, La Repubblica et The Insider. La créatrice de bijoux opérait en réalité pour les renseignements militaires russes depuis une dizaine d'années.

Tout commence dans un club tres réputé

Arrivée en 2015 dans la cité parthénopéenne, la jeune femme ouvre une bijouterie de luxe appelée «Serein», puis grimpe rapidement dans la société napolitaine avant de s'engager dans le secrétariat d'un célèbre club de la ville.

Créatrice de bijoux puis employée d'un réputé club très fermé, «le Lions», l'espionne gravit pas à pas les marches de la mondanité jusqu'à côtoyer certains officiers de l'alliance transatlantique (OTAN) qui fréquentent le lieu et avec qui elle entretient des relations tumultueuses.

Devenue intimement proche de plusieurs hauts gradés, Maria Adela est invitée à de nombreux événements organisés par l'Alliance ou encore l'armée américaine et est aménée à se rendre au domicile de ces derniers pour leur rendre visite.

En multiplant les déplacements, la jeune femme, multiplie les contacts. Malte, Paris, Rome et puis le dernier en date avant de disparaître complétement des radars : Bahreïn au Moyen-Orient. Elle y fait, d'ailleurs, la rencontre quelques années plutôt du Premier ministre de l'époque, le prince Khalifa bin Salman Al Khalifa à qui elle avait «offert» des boutons de manchette.

Les reseaux sociaux comme tremplin

L'ascension de l'agent n'aurait jamais été possible sans les réseaux sociaux. En effet, entre Facebook et Instagram, Maria Adela Kuhfeldt Rivera a réussi à se construire une toute nouvelle identité : faux mariage, animal de compagnie, sortie nocturne ou encore shopping, tout était maîtrisé pour qu'elle soit perçue comme «madame tout le monde».

Mais pas que. L'enquête révèle également le caractère singulier de cette clandestine du GRU : elle était dotée d'un passeport russe. Or, habituellement, les espions dissimulent leurs liens avec le pays pour lequel ils travaillent. Selon l'identité de couverture qui lui a été créée, elle travaillait comme «spécialiste principale» à l'Université d'État de Moscou et vivait à une adresse à Moscou dès 2010. 

Un premier faux pas au pérou 

Les doutes ont comméncé à émerger le 8 août 2005 lorsque le bureau de l'état civil du district d'Independencia à Lima, au Pérou, reçoit une demande d'inscription d'un nouveau citoyen péruvien dans la base de données nationale des citoyens du pays. La citoyenne potentielle déclare s'appeler «Maria Adela Kuhfeldt Rivera» et ses avocats présentent un acte de naissance, daté du 1er septembre 1978, du registre d'état civil de la ville balnéaire de Callao, avant d'y joindre deux semaines plus tard un second document attestant le baptème de la femme à l'église du Cristo Liberador.

Seul hic, le révérant censé l'avoir baptisée, sollicité pour vérifier l'authenticité des documents, ne la connaît pas. En effet, le prêtre n'aurait même pas eu à vérifier les registres paroissiaux pour signaler que le document était faux. Pour cause, il avait eu l'honneur d'être le fondateur de ce lieu de culte fondé en 1987, soit neuf ans après le supposé baptême de la russo-péruvienne.

couverture découverte ou mission accomplie ?

C'est en 2018 que la fictive «Maria Adela» s'évapore. Elle quitte l'Italie, pour ne jamais revenir. Aucune de ses connaissances interrogées par le Bellingcat n'ont été informées de ce départ. Cependant, deux mois après, elle publie un dernier message énigmatique, sur sa page Facebook où elle fait allusion au fait d'avoir souffert d'un cancer.

Une couverture découverte ou une mission simplement arrivée à terme. Une chose est sûre, ce message a été considéré comme une manière d'entériner cette vie. 

Après de nombreuses investigations et données «solides», grâce notamment à la reconnaissance faciale, Bellingcat a finalement pu révéler l'identité de l'espionne russe, prénommée en réalité Olga Kolobova, citoyenne russe née en 1982. Elle est la fille d'un directeur de la faculté militaire de l'Université de l'Oural à Ekaterinbourg, également ancien colonel des forces armées et qui a notamment servi en Angola, en Irak ou encore en Syrie.

Ce n'est pas pas la première fois que des espions russes infiltrent ou tentent d'infiltrer des administrations. En juin dernier, les services secrets néerlandais indiquaient avoir empêché un espion russe d'accéder en tant que stagiaire à la Cour pénale internationale (CPI). 

Ce dernier s'était en effet soigneusement construit une identité pendant plusieurs années en s'inventant une vie jusque dans les moindres détails et devait entamer une «période d'essai de six mois à la Cour pénale internationale en tant qu'analyste junior à la section des examens préliminaires».

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