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Mort d’Elizabeth II : républicains, Irlandais, anciennes colonies… Pourquoi ne pleurent-ils pas le décès de la reine ?

Une manifestante tient une pancarte anti-monarchiste devant le Palais de Westminster, le 12 septembre 2022. [MARCO BERTORELLO / AFP]

Alors que les hommages à Elizabeth II continuent d'affluer des quatre coins du monde depuis la mort de la souveraine jeudi dernier, certaines voix dissonantes se font entendre. Focus sur ceux qui refusent de pleurer le décès de la reine d'Angleterre.

au royaume-uni, les républicains donnent de la voix

Une femme arrêtée à Edimbourg après avoir brandi une pancarte demandant l'abolition de la monarchie, une autre évacuée du palais de Westminster pour avoir tenu une affiche «not my king» («pas mon roi»), des huées pendant la proclamation de Charles III... L'intronisation du nouveau monarque a été émaillée d'incidents mineurs mais révélateurs de la persistance du combat républicain au Royaume-Uni.

Déjà lors du jubilé d'Elizabeth II, en juin dernier, des panneaux géants «Make Elizabeth the Last» («faites d'Elizabeth la dernière») avaient fleuri dans plusieurs grandes villes du pays. L'œuvre du collectif Republic, qui appelle à un «débat national sur l'avenir de la monarchie».

«La proclamation d'un nouveau roi est un affront à la démocratie, un moment qui s'oppose fermement aux valeurs auxquelles la plupart d'entre nous croient, des valeurs telles que l'égalité, la responsabilité et l'Etat de droit», explique un porte-parole de Republic dans un communiqué publié après la mort de la reine.

Bien que minoritaire dans le pays, le sentiment républicain semble progresser, notamment chez les plus jeunes. Avec l'avènement d'un roi âgé et moins populaire, la tendance pourrait s'accentuer. Selon un sondage YouGov datant de mai 2022, 27% des Britanniques se déclarent favorables à l’abolition de la monarchie.

en Irlande, le souvenir de la guerre encore vivace

Les images, choquantes pour certains, ont fait le tour des réseaux sociaux. A Derry, en Irlande du Nord, l'annonce de la mort de la reine a été suivie d'un concert de klaxons dans les rues de la ville. Des scènes de liesse, comparables à celles suivant une victoire sportive, qui tranchent avec le deuil scrupuleusement observé en Angleterre.

L'explication est à chercher dans le conflit nord-irlandais qui opposa les catholiques républicains favorables à l'indépendance et à la réunification de toute l'Irlande et les protestants unionistes, qui veulent rester rattachés à la couronne britannique. Le 30 janvier 1972, la ville de Derry a été le théâtre du massacre du «Bloody Sunday», lors duquel l’armée britannique a tué 14 militants indépendantistes au cours d’une manifestation pacifique défendant les droits des Irlandais catholiques. Ce souvenir reste vivace encore aujourd'hui et pour de nombreux nord-irlandais, la reine Elizabeth II symbolisait l'oppression britannique.

Des explosions de joie similaires ont aussi éclaté en République d'Irlande, pays qui a arraché son indépendance en 1922 après 800 ans de domination britannique. Dans le stade Tallaght de Dublin, des supporters du club Shamrock Rovers ont été filmés en train de chanter à l'unisson «Lizzie's in a box», «Lizzie est dans la boîte en français», allusion morbide au cercueil de la reine.

en Afrique, le poids de la colonisation

Du Kenya au Nigeria, en passant par l'Afrique du Sud, la mort de la reine Elizabeth II a suscité une avalanche de condoléances des chefs d'Etat africains louant une dirigeante «extraordinaire» et partageant les souvenirs de ses fréquentes visites sur le continent en 70 ans de règne.

Mais le décès de la monarque a également ravivé un débat sensible sur le passé colonial en Afrique anglophone, à l'heure où les pays européens sont sommés d'assumer leur histoire coloniale et de restituer les œuvres volées aux populations locales. 

Au Kenya, par exemple, beaucoup se souviennent de la répression sanglante de la révolte des Mau Mau par l'armée britannique (plus de 10.000 morts), qui s'est déroulée de 1952 à 1960 sous le règne d'Elizabeth II. 

Au Nigeria, certaines voix ont rappelé que la Grande-Bretagne avait soutenu l'armée nigériane pendant la guerre civile du Biafra entre 1967 et 1970. Plus d'un million de personnes avaient alors péri, principalement de faim et de maladie, pendant le conflit qui a suivi la déclaration d'indépendance des officiers de l'ethnie igbo dans le sud-est du pays.

«Si quelqu'un s'attend à ce que j'exprime autre chose que du mépris pour le monarque qui a supervisé un gouvernement qui a soutenu le génocide qui a massacré et déplacé la moitié de ma famille (...) vous rêvez», a déclaré Uju Anya, universitaire américaine d'origine nigériane sur Twitter, déclenchant un vif débat sur les réseaux sociaux.

A la naissance d’Elizabeth en 1926, l’Empire britannique s’étendait sur six continents. Au cours de son règne, qui a commencé en 1952, la plupart des pays parmi les 56 qui composent le Commonwealth ont obtenu leur indépendance, dont beaucoup de nations du continent africain comme le Ghana, le Kenya ou le Nigeria.

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