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Élection présidentielle au Brésil : quels sont les enjeux du scrutin ?

Le président sortant Jair Bolsonaro est donné battu à l'élection présidentielle de ce dimanche Le président sortant Jair Bolsonaro est donné battu à l'élection présidentielle de ce dimanche. [MIGUEL SCHINCARIOL / AFP]

Les Brésiliens sont appelés aux urnes ce dimanche 2 octobre pour élire leur nouveau président. Un scrutin qui polarise particulièrement la société brésilienne, car il voit s’affronter le président d’extrême droite sortant, Jair Bolsonaro, et son rival de gauche Lula.

Une élection historique. Ce dimanche 2 octobre, les Brésiliens sont appelés aux urnes pour l’élection présidentielle et les législatives.

Un scrutin très particulier, puisque deux candidats diamétralement opposés s’affrontent : d’un côté, le président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro ; de l’autre, l’ancien président de gauche ultra-populaire, Luiz Inácio Lula da Silva, plus connu sous le surnom Lula (2003-2011). Un véritable duel politique, dont CNEWS vous explique les enjeux.

Un pays très polarisé politiquement

L’élection présidentielle de 2022, tout comme la précédente en 2018, est marquée par une profonde polarisation du spectre politique, qui ne met en avant que les deux candidats de l’extrême droite et de la gauche, Jair Bolsonaro et Lula. Une grande polarisation héritée de ces dernières années de déboires politico-judiciaires, avec la déchéance du Parti des Travailleurs, qui a perdu la confiance du peuple à cause de scandales de corruption, l’incarcération de Lula puis son retour en politique. Depuis la sortie de prison de Lula en 2019, les passes d’armes entre les deux candidats se sont succédé, recentrant tout le débat politique sur leur affrontement, malgré la présence, au total, de 11 candidats à la présidentielle.

Selon le dernier sondage de l’institut statistique Datafolha, à trois jours de l’élection, l’ancien leader de gauche est crédité de 48 % des intentions de vote, contre 34 % pour Jair Bolsonaro. Le candidat de la potentielle «troisième voie», Ciro Gomes, du Parti démocratique travailliste, plafonne à 7 %.

La polarisation est aussi très forte au sein de la population brésilienne, et le scrutin marqué par une grande violence. Il y a quelques semaines, un sympathisant du Parti des Travailleurs (PT), le parti de Lula, a été tué de 15 coups de hache par un pro-Bolsonaro, lors d’une dispute à propos de politique. «L’état d’esprit des Brésiliens est surtout marqué par la peur de la polarisation de la classe politique. Le vote est obligatoire, donc on ne sait pas si ce climat de peur va avoir une incidence sur la participation électorale, mais le fait est qu’il y a ce sentiment d’inquiétude», analyse Jean-Jacques Kourliandsky, membre de la Fondation Jean-Jaurès et directeur de l’Observatoire de l’Amérique latine, et chercheur associé à l’IRIS. Un sentiment de peur amplifié par les récentes lois favorisant le port d’armes au Brésil, prises sous le mandat de Jair Bolsonaro. «Cette campagne électorale a été l’une des plus violentes qu’ait connu le Brésil», selon le chercheur.

L’élection va se jouer dans quelques États

Avec 48 % des intentions de vote, Lula pourrait, selon plusieurs sondeurs, gagner l’élection dès le premier tour, mais la partie n'est pas gagnée pour autant. S'il dispose d’une solide base électorale parmi les classes populaires, cela ne lui suffira pas à remporter le scrutin. 

«Lors de son élection en 2002, Lula avait bénéficié du soutien d’une partie des classes moyennes, ce qu’il essaye de reproduire aujourd'hui en droitisant sa campagne. Les États du Sud, São Paulo, Rio et Mina Gerais, sont les États qui font la différence car ce sont non seulement là où se trouvent les populations les plus riches, mais ce sont également les États les plus peuplés. L’élection va certainement se jouer dans ces trois États», explique Jean-Jacques Kourliansky.

Si Jair Bolsonaro avait réussi à séduire ces mêmes classes populaires pour être élu en 2018, il n’est pas garanti qu’elles se joignent à lui pour cette élection de 2022. «Il y a un certain nombre de personnes originaires des classes moyennes, notamment dans le Sud du pays, qui sont anti-PT, mais qui ont pris leurs distances avec Jair Bolsonaro, considérant qu’il avait fait perdre l’image de respectabilité qu’avait gagné de Brésil après la dictature militaire», souligne l’expert de l’Amérique latine.

Les classes moyennes sont donc l’électorat à séduire pour l’un ou l’autre des candidats, et ceux qui vont faire pencher la balance.  

La sortie de la faim, attente majeure des brésiliens

La lutte contre la faim est au cœur de la campagne présidentielle. Selon une étude du Réseau brésilien de recherche sur la sécurité alimentaire, 33,1 millions de personnes souffrent de la faim au Brésil. Le pays est réapparu en 2021 sur la «Carte de la faim» du Programme alimentaire mondial (PAM), avec 28,9 % de la population vivant en «insécurité alimentaire modérée ou grave». 

C’est l’un des axes sur lesquels Lula attaque son adversaire Jair Bolsonaro, puisque la lutte contre la faim avait été l’une des réussites des deux mandats consécutifs du leader du Parti des Travailleurs de 2003 à 2010. Grâce à un boom économique et des programmes sociaux historiques, 30 millions de personnes sont sorties de la pauvreté sous les gouvernements de Lula. «Le Brésil est retombé dans une situation qu’il n’avait pas connue depuis une quarantaine d’années. Il y a une attente sociale, mais qui sont des attentes sociales élémentaires, c’est-à-dire simplement de pouvoir manger», ajoute Jean-Jacques Kourliansky.

DES élections législatives et gouvernatoriales à ne pas oublier

Si l’essentiel du débat s’est focalisé sur le duel en vue d'élire le président, les Brésiliens sont aussi appelés aux urnes ce dimanche pour élire leurs députés, gouverneurs et sénateurs. L’importance du Parlement est considérable et les projections sont loins d'être aussi tranchées et favorables à la gauche que pour la présidentielle. 

«Selon les pronostics des sondeurs au Brésil, le PT n’a jamais fait mieux qu’une centaine d’élus sur les 513 députés. On sait que pour les prochaines élections, il y aura moins de 100 députés. En ce qui concerne l’élection des gouverneurs, le Brésil étant un état fédéral, il semblerait que le PT puisse obtenir au mieux 2 ou 3 gouverneurs sur 27. Il y aura donc des contre-pouvoirs qui vont freiner le programme du gouvernement de Lula s’il est élu», rappelle le chercheur de la Fondation Jean-Jaurès.

Depuis la fin des mandats de Lula, en 2011, et avec tous les scandales de corruption auxquels son parti a été confronté, le PT a perdu un grand parti de son ancrage et de son pouvoir au niveau local. Les résultats des élections des gouverneurs et du Parlement seront donc tout aussi importants que celui de l'élection présidentielle

Risque d'accident démocratique

Tout au long de son mandat, Jair Bolsonaro a partagé son envie de rester au pouvoir coûte que coûte, et ce même si les urnes ne lui donnent pas raison. Il a par ailleurs à de maintes reprises critiqué le processus électoral, et notamment le vote électronique, affirmant qu’il allait être la cible de fraudes massives. Ce même système avait pourtant servi à le faire élire en 2018.

Face au potentiel refus de Jair Bolsonaro de quitter la présidence, et au climat de violence au sein de la société brésilienne, de nombreux observateurs craignent que l’élection ne se déroule pas selon les règles démocratiques et craignent l’intervention des militaires, que Jair Bolsonaro, lui même ancien membre de l'armée, a cajolé pendant ses quatre années au pouvoir.

«Beaucoup d’observateurs n’excluent pas un accident démocratique. On n’image pas de coup d’État comme dans les années 1960, avec les militaires qui marchent sur Rio avec des chars, mais potentiellement un report ou une suspension des élections pour telle ou telle raison, dont l’origine serait les forces armées», explique l’expert de l’Amérique latine. Face à la ferveur de ses partisans, certains imaginent également un scénario à la Donald Trump, dans lequel les électeurs de Jair Bolsonaro, armés et remontés, iraient envahir les institutions démocratiques en cas de défaite aux élections.

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