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Journée du 8 mars : ces pays où les droits des femmes ont progressé

Le Gabon se distingue notamment par une réforme complète de son code civil et la promulgation d'une loi visant à éliminer la violence à l’égard des femmes. Des évolutions qui ont fait passer son score de 57,5 en 2020 à 82,5 en 2021. [ISSOUF SANOGO / AFP]

Chaque année, un rapport de la Banque mondiale fournit une évaluation complète des progrès mondiaux réalisés en matière d’égalité des sexes devant la loi. Depuis 1970, le score moyen mondial de l’indice établi par le rapport a progressé d'environ 30 points, pour passer de 45,8 à 77,1 sur 100. Pourtant, aujourd’hui, seuls 14 pays ont atteint une parité juridique totale.

Des progrès à consolider. Le rapport de la Banque mondiale, intitulé «Les Femmes, l’Entreprise et le Droit», passe en revue l’ensemble des lois et règlements de 190 pays, dans huit domaines qui jouent un rôle dans les droits des femmes : mobilité, travail, rémunération, mariage, parentalité, entrepreneuriat, actifs, et retraites. Il permet d’obtenir des données qui mesurent les progrès réalisés à travers le monde en matière d’égalité juridique entre les sexes.  

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Dans sa dernière édition, les données arrêtées au 1er octobre 2022 montrent que le rythme de l'évolution des réformes en faveur de l’égalité femmes-hommes est à son niveau le plus bas depuis vingt ans. Il présente un score de 77,1 sur 100, en légère augmentation d’un demi-point par rapport à l’année précédente. Ce chiffre signifie que les femmes ne jouissent en moyenne que d’à peine 77% des droits juridiques reconnus aux hommes, ce qui démontre l’étendue des progrès qui restent à inscrire dans les textes.  

Toutefois, de très nombreuses réformes ont été réalisées sur les cinquante dernières années, participant à faire remonter l’indice global de 30 points, 45,8 à 77,1 sur 100. Durant la première décennie de ce siècle, l’égalité juridique entre les sexes a connu de fortes avancées : entre 2000 et 2009, plus de 600 réformes ont été introduites, avec un pic de 73 réformes au cours des années 2002 et 2008. Sur la dernière décennie, près de 90 millions de femmes en âge de travailler ont obtenu l’égalité juridique, et depuis 2021, 18 économies ont introduit un total de 34 réformes en faveur de l’égalité entre les sexes dans tous les domaines mesurés par l’indice. 

«Les États ne peuvent pas se permettre d'écarter près de la moitié de leur population. Le fait qu’une grande partie du monde n’accorde pas aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes constitue non seulement une injustice à l’égard de celles-ci, mais empêche aussi ces pays de promouvoir un développement vert, résilient et inclusif», souligne Indermit Gill, économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale et premier vice-président en charge de l’Économie du développement. 

Des progrès importants dans les économies en développement

Si les économies «riches» de l’OCDE affichent actuellement le plus haut niveau d’égalité des chances économiques entre les sexes, les économies en développement ont continué de mener des réformes importantes. Ce sont d'ailleurs les régions du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, et d’Afrique subsaharienne qui ont enregistré les plus fortes améliorations de l'indice établi par le rapport, même si elles restent globalement à la traine par rapport aux autres régions du monde.

L’Afrique subsaharienne, par exemple, a accompli des progrès considérables l’année dernière, avec à son actif plus de la moitié des réformes enregistrées dans le monde en 2022 : sept économies (Bénin, République du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Malawi, Ouganda et Sénégal) ont ainsi adopté 18 changements juridiques positifs, explique le rapport. Le Gabon se distingue notamment par une réforme complète de son code civil et la promulgation d'une loi visant à éliminer la violence à l’égard des femmes. Des évolutions qui ont fait passer son score de 57,5 en 2020 à 82,5 en 2021.

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Dans l'ensemble de ces pays, le plus grand nombre de réformes a concerné les indicateurs «parentalité, rémunération et travail». De nombreuses réformes ont porté sur la protection contre le harcèlement sexuel au travail, l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe, l'augmentation des congés payés pour les nouveaux parents et la suppression des restrictions professionnelles ciblant les femmes. Les indicateurs «rémunération et parentalité» obtiennent les notes les plus faibles de l'indice, mais ils ont néanmoins progressé l'année dernière de 0,9 et 0,7 point respectivement, pour atteindre des scores moyens de 68,7 et 55,6. 

«Les femmes ne peuvent pas atteindre une égalité au travail si elles ne sont pas sur un pied d'égalité à la maison», observe Carmen Reinhart, vice-présidente principale et économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale. «Cela signifie qu'il faut uniformiser les règles du jeu et faire en sorte que le fait d'avoir des enfants ne se traduise pas par l'exclusion des femmes d'une pleine participation à l'économie et par des freins à la réalisation de leurs espoirs et de leurs ambitions», explique-t-elle.

Progression des droits des femmes, région par région

OCDE : Les indicateurs des économies avancées continuent de progresser. La Grèce, l'Espagne et la Suisse ont promulgué des lois en 2021, toutes axées sur l'amélioration du congé rémunéré pour les nouveaux parents. Les seuls pays du monde à obtenir un score de 100 sont 14 économies avancées, qui se trouvent toutes en Europe, à l’exception du Canada : (Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Islande, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Suède). Cela signifie que dans ces pays, les femmes sont sur un pied d’égalité juridique avec les hommes dans tous les domaines mesurés.

Asie de l’Est et Pacifique : La région Asie de l'Est et Pacifique continue de réformer sa législation en faveur de l'égalité des sexes, mais le rythme est lent. Deux économies d'Asie de l'Est ont introduit des réformes l'année dernière : le Cambodge a mis en place un système de pension de retraite qui fixe un âge égal auquel les femmes et les hommes peuvent prendre leur retraite et percevoir une pension, tandis que le Viet Nam a éliminé toutes les restrictions à l'emploi des femmes.

Europe et Asie centrale : Avec un score moyen de 84,1, la région Europe et Asie centrale, est la deuxième région la mieux notée. Quatre économies ont procédé à des réformes en 2021. L'Arménie et l'Ukraine ont introduit un congé de paternité rémunéré et la Géorgie un congé parental également rémunéré. Enfin, Chypre autorise désormais les femmes à demander un passeport dans les mêmes conditions que les hommes. Des défis importants restent à relever pour les indicateurs «rémunération et retraite», dont les scores moyens sont les plus bas de la région. Par exemple, près de la moitié des économies d’Europe et d’Asie centrale n'imposent pas une rémunération égale pour un travail de valeur égale, et les âges pour bénéficier d'une pension complète sont encore différents dans 17 pays.

Amérique latine et Caraïbes : Les femmes d'Amérique latine et des Caraïbes ont moins de trois quarts des droits reconnus aux hommes. L'année dernière, seuls deux des 32 pays de la région ont adopté des réformes. L'Argentine a ainsi explicitement pris en compte les périodes d'absence dues à la garde des enfants dans le calcul des pensions de retraite. Pour sa part, la Colombie est devenue le premier pays d'Amérique latine à introduire un congé parental rémunéré, dans le but de réduire les discriminations à l'égard des femmes au travail. Seule la moitié des économies de la région garantit un congé paternité rémunéré.

Moyen-Orient et Afrique du Nord : En moyenne, les femmes du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ne bénéficient que de la moitié des droits juridiques dont disposent les hommes. Toutefois, c'est la région qui a le plus amélioré ses lois grâce à des réformes dans cinq économies. Bahreïn a imposé une rémunération égale pour un travail de valeur égale et a levé les restrictions sur le travail de nuit pour les femmes. Le pays a également abrogé les dispositions donnant aux autorités compétentes le pouvoir d'interdire ou de restreindre l'accès des femmes à certains emplois ou secteurs d'activité. 

L'Égypte a adopté une législation protégeant les femmes contre les violences domestiques et a facilité leur accès au crédit en interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers. Le Koweït a interdit la discrimination sexuelle à l'emploi et a adopté une législation sur le harcèlement sexuel au travail. Le Liban a promulgué une loi pénalisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et enfin Oman a autorisé les femmes à obtenir un passeport au même titre que les hommes.

Asie du Sud : Dans cette région, les femmes ne disposent que de deux tiers des droits juridiques accordés aux hommes. Une seule économie de la région a mené des réformes en 2021. Le Pakistan a levé les restrictions imposées sur la capacité des femmes à travailler la nuit.

Afrique subsaharienne : L'éventail des scores est très large en Afrique subsaharienne : il va de 89,4 à Maurice à 29,4 au Soudan. Néanmoins, la région a mis en œuvre de profondes réformes et enregistré la deuxième plus forte progression de l'indice l'année dernière. Le Gabon se distingue, avec des réformes complètes de son code civil et la promulgation d'une loi sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Ces modifications ont donné aux femmes les mêmes droits que les hommes pour choisir leur lieu de résidence, obtenir un emploi sans l'autorisation de leur mari, et elles ont supprimé l'obligation pour les femmes d'obéir à leur époux et leur permettent d'être chef de famille au même titre que les hommes.

Le Gabon a accordé aux épouses des droits égaux sur les biens immobiliers et une autorité administrative analogue à celles des hommes sur les biens pendant le mariage. Le pays a également adopté une législation protégeant les femmes contre la violence domestique, et d'autres réformes ont permis aux femmes d'ouvrir un compte bancaire de la même manière que les hommes et ont interdit la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers.

Concernant les autres pays, l'Angola a adopté une loi criminalisant le harcèlement sexuel au travail. Le Bénin a supprimé les restrictions à l'emploi des femmes dans le secteur de la construction, de sorte qu'elles peuvent désormais occuper tous les emplois au même titre que les hommes. Le Burundi a imposé une rémunération égale pour un travail de valeur égale, tandis que la Sierra Leone a facilité l'accès des femmes au crédit en interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers.

Les femmes sont toujours globalement défavorisées

Toutefois, toujours selon le rapport de la Banque mondiale, environ 2,4 milliards de femmes en âge de travailler ne bénéficiaient pas de l'égalité des chances économiques en 2022. 178 économies maintiennent des obstacles juridiques qui empêchent leur pleine participation à la vie économique. Dans 86 économies, les femmes sont confrontées à une forme de restriction d’accès à l'emploi et 95 autres ne garantissent pas un salaire égal pour un travail de valeur égale.

Bien que de grandes avancées aient été réalisées au cours des cinq dernières décennies, beaucoup reste à faire dans le monde entier pour dépasser les bonnes intentions et obtenir des effets tangibles, à savoir garantir l’égalité des chances pour les femmes devant la loi. Le rapport note qu’au rythme actuel des réformes, dans de nombreux pays, une jeune femme qui entre aujourd’hui dans la vie active prendra sa retraite avant d’avoir pu obtenir les mêmes droits que les hommes.

«Bien que des progrès aient été réalisés, l'écart entre les revenus attendus des hommes et des femmes au cours de leur vie s'élève à 172.000 milliards de dollars, soit près de deux fois le PIB annuel mondial», souligne Mari Pangestu, directrice générale de la Banque mondiale pour les politiques de développement et les partenariats.

«Les gouvernements doivent accélérer le rythme des réformes législatives pour que les femmes puissent réaliser tout leur potentiel et qu’elles bénéficient pleinement et équitablement des fruits d’un développement vert, résilient et inclusif», conclut le rapport.

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