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Iran : six mois après la mort de Mahsa Amini, «le régime essaye de tourner la page des manifestations»

Les célébrations de la fête du feu (ici à Téhéran) ont donné lieu à de nouvelles manifestations anti-régime. [Majid Asgaripour/WANA via Reuters]

Six mois après la mort de Mahsa Amini, cette jeune kurde iranienne arrêtée par la police des mœurs pour avoir mal porté le voile islamique, la mobilisation contre le régime des mollahs faiblit sous le poids de la répression. Mais le mouvement va laisser une marque indélébile dans le pays, explique à CNEWS.fr le spécialiste de l'Iran Thierry Coville, chercheur à l'IRIS.

Six mois après la mort de Mahsa Amini, où en sont les manifestations en Iran ?

La mobilisation a baissé en intensité. Il y a eu de nouveaux affrontements cette semaine à l’occasion de la fête du feu («Tchaharchanbé Souri») mais rien de comparable avec ce qu’on pouvait voir au début du mouvement. Les éléments qui ont conduit au mécontentent sont toujours là, mais il y a une peur de la répression qui étouffe la contestation. Les grèves, elles, ont été très limitées. Les Iraniens ne peuvent pas se le permettre au vu de la situation économique du pays. Il n’y a donc pas eu l’instauration d’un rapport de force.

Dans certaines régions, les tensions sont toujours vives…

Oui, les affrontements se poursuivent au Sistan-Baloutchistan, où la contestation se superpose à un mécontentement lié aux discriminations ethnico-religieuses subies par la minorité baloutche sunnite. Cette région, comme le Kurdistan iranien, souffre d’un retard de développement et ce n’est pas étonnant que la protestation y soit plus forte.

Le régime est resté sourd aux revendications des manifestants. Aucun signe d’assouplissement n'est donc à espérer ?

L’ayatollah Ali Khamenei a accordé l’amnistie à 20.000 manifestants, qui devront quand même signer un engagement dans lequel ils disent qu'ils regrettent et ne recommenceront pas. Les autorités ne plient pas mais il y a une tentative du régime de normaliser la situation et de tourner la page.

Les signaux d'apaisement sont davantage à trouver sur le plan diplomatique, sur des sujets comme le nucléaire ou la reprise de relations avec l'Arabie saoudite vendredi dernier. Les manifestations ont eu un écho international et l'image du régime en a beaucoup souffert. Il cherche à retrouver une respectabilité. 

Trois mois après le début des manifestations, le procureur général iranien avait fait une déclaration remarquée sur «l’abolition» de la police des mœurs. Alors que la répression des femmes iraniennes se poursuit, qu’en est-il vraiment ?

Je ne pense pas que l’abolition de la police des mœurs a vraiment été envisagée. Mais on peut se demander si celle-ci ne va pas s’adapter de façon pragmatique à la situation. S'il y a vraiment beaucoup de femmes qui se mettent à ne plus porter (ou mal porter) le voile, ils auront du mal à sanctionner tout le monde. Il y a une différence entre l'idéologie des ultra-conservateurs et la mise en pratique. 

Les cinq jeunes femmes iraniennes qui s'étaient filmées en train de danser sans foulard dans un quartier de Téhéran auraient été arrêtées. Une vidéo d’aveux publics, où les cinq danseuses portent le voile islamique, a ensuite fuité sur les réseaux sociaux. Que pensez-vous de cet énième exemple de répression ?

Malheureusement, ce n’est pas quelque chose de nouveau. Ce sont des scènes qui rappellent l'URSS. C'est une stratégie très datée qui pose quand même question, on voit bien que ça ne convainc personne.

Que restera-t-il de ce mouvement ?

On entend en Iran que rien ne sera plus jamais comme avant. Les manifestations ont été tellement radicales, tellement importantes et la répression tellement violente qu’il est difficile pour le régime de faire comme s'il ne s'était rien passé. L'impact dans les esprits est très fort.

Les Iraniens s’étaient déjà soulevés en 2009, 2018, 2019 et 2019. En quoi ces manifestations sont-elles spéciales ?

Ces manifestations sont exceptionnelles de par la radicalité des demandes politiques, le rôle des femmes dans les manifestations, la durée du mouvement et la violence de la répression (plus de 500 morts). A ce titre, ce sont sans doute les manifestations les plus importantes depuis la Révolution islamique.

En 2018-2019, les protestations avaient été très violentes mais les demandes étaient essentiellement économiques. C’étaient les plus pauvres qui manifestaient. En 2009, les gens protestaient contre la réélection de Ahmadinejad, il y avait un côté démocratique. Là, la nouveauté, c’est qu’on manifeste contre le régime, pour changer le système politique.

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