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Droits des femmes : qu’est-ce que la Convention d’Istanbul, objet d’un vote ce mercredi à l’UE ?

L'Union européenne peut ratifier la Convention sans l'accord de tous les États membres, si le Parlement européen s'y montre favorable L'Union européenne peut ratifier la Convention sans l'accord de tous les Etats membres, si le Parlement européen s'y montre favorable. [FREDERICK FLORIN / AFP]

Le Parlement européen doit se prononcer ce mercredi 10 mai sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul, un texte visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes et contre les violences domestiques.

Après des débats houleux dans l’hémicycle, les eurodéputés doivent se prononcer, ce mercredi 10 mai, sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul. Ce traité international, conçu par le Conseil de l’Europe, a été adopté en 2011 et est entré en vigueur en 2014. Il a pour objectif de lutter contre les violences domestiques et la violence à l’égard des femmes en fixant des normes juridiques. 

Que contient le texte ? 

La Convention d’Istanbul repose sur quatre piliers : la prévention, la protection, les poursuites et les politiques intégrées. Les pays signataires du texte doivent donc mettre en place diverses mesures, notamment la formation des professionnels en contact avec les victimes, l’organisation de campagnes de sensibilisation ou encore la mise en place de programmes thérapeutiques pour les auteurs de violences domestiques ou sexuelles, au titre de la prévention des violences domestiques et sexistes. 

Les Etats doivent également mettre en œuvre des mesures de protection des victimes, en permettant par exemple à la police de pouvoir éloigner un auteur de violence de son domicile, mais également de mettre en place des politiques durables contre ces violences en s’associant à des organismes publics et des ONG. 

Les pays signataires doivent également introduire de nouvelles infractions, pour correspondre à la définition des violences à l'égard des femmes de la Convention, comme «la violence psychologique et physique, la violence sexuelle et le viol, la persécution, les mutilations génitales féminines, les mariages forcés, l'avortement et la stérilisation forcée». «En outre, les Etats parties devront veiller à ce que la culture, les traditions ou l’"honneur" ne soient pas considérés comme des justifications de ces comportements», ajoute le Conseil de l'Europe sur son site internet. 

La Convention a prévu plusieurs mécanismes pour assurer le suivi de l'application des dispositions qu'elle prévoit chez les pays signataires, via un comité d'experts indépendants et une instance politique, le Comité des Parties. Ces deux organismes surveillent l'application des dispositions de la Convention, élaborent des rapports et émettent des recommandations.  

Ce texte, bien que fixant des normes juridiquement contraignantes pour prévenir et lutter contre les violences envers les femmes, reste principalement symbolique, ses conséquences concrètes étant de portée limitée.

Quels pays n’ont pas ratifié le texte ?

Ce texte a été ratifié par de nombreux pays, 37 au total, dont de nombreux Etats européens, comme la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et d’autres, mais n’a pas encore été adopté par l’Union européenne. En effet, l’Union avait signé le texte de la convention en 2017, mais ne l’a jamais ratifié (ni donc appliqué) en raison de divergence au sein des Etats membres. Vingt-et-un pays de l'UE l'ont ratifié, mais parmi eux, la Pologne a annoncé son intention de s'en retirer. 

Seuls six pays membres de l’Union européenne n’ont pas ratifié le texte : la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie et la République Tchèque. Ces pays remettent notamment en cause la notion de «genre» présente dans le texte de la Convention. 

«La Convention s'attaque tout particulièrement aux stéréotypes de genre dans les domaines de la sensibilisation, de l'éducation, des médias et de la formation des professionnels. Elle institue aussi l'obligation de fonder sur une compréhension de la violence fondée sur le genre les mesures de protection et d'aide ainsi que les enquêtes et les procédures judiciaires. Le concept de genre imprègne donc la Convention en profondeur», peut-on notamment lire sur le site internet du Conseil de l'Europe. 

Par ailleurs, certains de ces pays, à l'instar de la Hongrie, estiment que ce texte pourrait favoriser les «migrations illégales». La Convention consacre un chapitre sur les femmes migrantes et demandeuses d’asile, particulièrement vulnérables aux violences sexistes, sexuelles et domestiques. «A titre d'exemple, elle introduit la possibilité d'accorder aux femmes migrantes qui sont victimes de violences domestiques et dont le statut en matière de séjour dépend de celui de leur époux ou de leur partenaire, un permis de séjour propre lorsque la relation cesse», précise le Conseil de l’Europe. 

En 2021, la Turquie est par ailleurs sortie de la Convention d’Istanbul, alors qu’elle avait été le premier pays à signer le texte en 2011. Ce retrait a été vu comme une manière pour le président Recep Tayyip Erdogan de provoquer ses partenaires européens. 

Le texte peut-il être ratifié par l’UE sans l’accord de tous les pays membres ? 

Dans un avis rendu en octobre 2021, la Cour de Justice de l’Union européenne a indiqué que l’UE pouvait ratifier la Convention d’Istanbul sans l’accord de tous les Etats membres. Les eurodéputés devraient donc donner leur feu vert lors du vote ce mercredi, et ainsi faire pression sur les six pays qui ne veulent pas le ratifier. 

«L'adhésion de l'UE à la Convention d'Istanbul jouera un rôle unificateur dans la sensibilisation et la promotion de l'échange de bonnes pratiques dans l'ensemble de l'UE», a estimé Helena Dalli, la commissaire européenne chargée de l'Egalite, rappelant que malgré les divergences de vues exprimées lors du débat parlementaire, le «fléau» des féminicides était «un fait».

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