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Christine & The Queens : la théorie du genre

La chanteuse electro-pop française Christine and the Queens (Heloise Letissier) le 12 juillet 2012 à la Rochelle durant le 28e festival des Francopholies [Xavier Leoty / AFP/Archives] La chanteuse electro-pop française Christine and the Queens (Heloise Letissier) le 12 juillet 2012 à la Rochelle durant le 28e festival des Francopholies [Xavier Leoty / AFP/Archives]

Aux Victoires, elle a crevé l'écran. Sur scène, comme au dernier Printemps de Bourges, elle désarçonne autant qu'elle subjugue: Christine & the Queens questionne le genre et abolit les frontières entre musique, théâtre et danse.

 

"Je me sens à l'aise dans la contradiction. J'ai décidé d'assumer les miennes plutôt que de le gommer", dit à l'AFP Christine, dont le premier album, l'excellent "Chaleur humaine", est publié lundi.

"Je suis fascinée par le succès +mainstream+ (ndlr : grand public), les Katy Perry et les Beyoncé et je peux fantasmer de faire un titre qui passera sur NRJ. En même temps, je peux écouter (l'artiste suédoise) Fever Ray et (la Canadienne) Grimes toute une nuit, être dans la recherche pointue ou très +queer+", explique-t-elle.

La chanteuse Christine and the Queens, le 14 février 2014 au Zenith à Paris [Bertrand Guay / AFP/Archives]
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La chanteuse Christine and the Queens, le 14 février 2014 au Zenith à Paris

Dans la vie, la jeune femme blonde au débit rapide et assuré se décrit comme "réservée", "recluse", "aimant rêvasser".

Sur scène, son charisme s'impose d'emblée. Cintrée dans des costumes d'homme, elle domine les deux danseurs qui l'accompagnent et la dépassent pourtant d'une bonne tête.

Elle danse comme Michael Jackson pendant qu'eux ondulent au rythme "voguing", cette danse née dans les clubs homosexuels new-yorkais et popularisée dans les années 90 par Madonna.

Quand elle chante, en anglais et français, elle alterne pop à l'américaine ("Half-Ladies"), minimalisme électro et chanson française charnelle dans la lignée de Christophe et Bashung (le magnifique "Nuit 17 à 52").

Entre deux titres, elle ose le silence, le trait d'humour, la réplique théâtrale.

"Après le concert, certains spectateurs viennent me raconter leur vie, surtout des femmes d'ailleurs, comme si la parole c'était un peu libérée. D'autres viennent me rentrer dedans, me disent +qu'est ce que c'est que ces danseurs, que ces folles ?+", raconte-t-elle.

Christine, de son vrai nom Héloïse Letissier, est née à Nantes il y à 25 ans.

 

- Passée par Normale Sup -

 

Elève brillante, admiratrice de Pippo Delbono, Pina Bausch et Laurie Anderson, elle a d'abord suivi des études théâtrales à Lyon dans l'idée de faire de la mise en scène.

Mais elle se fait renvoyer du conservatoire pour avoir monter une pièce sans prévenir ses professeurs et déprime à Normale Sup'.

En 2010, partie à Londres pour se changer les idées, elle passe ses nuits dans un club de travestis et se lie d'amitié avec les drag queens qui lui donnent l'idée de chanter.

Rentrée en France, elle se lance seule, mais associe ses "queens" à son nom de scène.

Les "envies de métamorphoses sans cesse contredites par la principe de réalité" sont au coeur de son travail.

"J'ai l'impression que c'est un peu l'histoire de ma vie et je trouve assez drôle que Christine soit un personnage un peu maladroit qui finisse toujours par ne pas réussir vraiment à se transformer", confie-t-elle.

"Je pose un regard assez touché sur les gens qui essayent de défier ce principe de réalité-là, les gens qui sortent un peu de la norme et qui se frottent souvent à des violences", ajoute-t-elle.

- Fascinée par Michael Jackson -

 

D'où sa fascination pour Michael Jackson "qui a fini par se fondre avec son désir de transformation, à ne plus être ni noir, ni blanc, ni garçon, ni fille".

Son père, professeur d'anglais et spécialiste des "études de genre", lui a fait lire la philosophe féministe Judith Butler quand elle était adolescente, mais la question du genre l'habite depuis qu'elle est petite.

"J'ai toujours vécu l'habillement, la façon de se présenter comme quelque chose de codifié, pas naturel", se souvient-elle.

"Quand j'étais plus jeune, je mettais des jupes et des robes, je me maquillais énormement, j'avais presque l'air de Marie-Antoinette. Puis, j'ai endossé des costumes masculins pour essayer d'annuler mon propre genre", raconte-t-elle.

"Aujourd'hui, j'aimerais qu'on considère Christine comme un personnage libre d'être masculin ou féminin", poursuit-elle, déclarant être à la recherche d'une écriture qui ne soit pas "genrée".

"J'essaye de ne pas me poser en objet de désir, mais comme qui quelqu'un qui désire et objectifie d'autres personnes", dit-elle. "L'idéal serait que Christine fasse son album de Gainsbarre!"

 

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