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Son père Paul, sa carrière, son héritage...Quand Jean-Paul Belmondo nous parlait de son amour pour l'art

Jean-Paul Belmondo. Jean-Paul Belmondo, en 2015, au milieu des sculptures de son père, au musée Paul Belmondo de Boulogne-Billancourt.[PATRICK KOVARIK / AFP]

Les Français pleurent l'une des plus grandes icônes du cinéma hexagonal. Décédé ce lundi 6 septembre, Jean-Paul Belmondo a illuminé l'écran au fil de son immense carrière. Si sa passion pour la boxe, le noble art, était de notoriété publique, celle qu'il vouait à la sculpture était méconnue. Nous l'avions rencontré en avril 2015, lors de la refonte du musée Paul Belmondo, son père, à Boulogne-Billancourt. Une façon pour l'acteur de rendre hommage à l'artiste plasticien disparu en 1982, et de se rappeler tout ce qu'il lui devait dans l'apprentissage de son métier de comédien.

En effet, loin de son image de génial dilettante qu’il avait laissée aux yeux du monde entier, «Le professionnel» n’avait cessé de réapprendre son métier. Un goût acharné pour le travail qu’il avait hérité de son père, surnommé «Le dernier des classiques». Ses plus grands films, son héritage... Il n'avait alors éludé aucun sujet.

Depuis quand le musée a-t-il été créé ?

Ça fait 5 ans désormais [en 2015, Ndlr] qu'existe le Musée national Paul Belmondo. Il y a longtemps que j'avais cette envie, avec mon frère Alain. Tout le monde nous le promettait, mais personne ne l'a fait. Chirac, Mitterrand... Ça a duré 20 ans. Et un jour j'ai revu Jean-Pierre Fourcade, alors maire de Boulogne-Billancourt. Il faut dire que c'est grâce à lui que le musée s'est fait, à Boulogne, à l'entrée du parc Edmond-de-Rothschild, dans le château Buchillot.

Comment se déroule la programmation ?

Il y a bien sûr le musée permanent, avec de nombreuses sculptures, dont celles installées dehors, dans la cour, il y a de très beaux espaces. De temps en temps, nous allons créer des expositions d'autres artistes, pour créer des dynamiques. A l'intérieur, c'est une sorte de cabinet de curiosités.

Mon père était considéré comme le dernier des classiques

C'était une façon pour vous de lui rendre hommage ?

Oui bien sûr, il était considéré comme «Le dernier des classiques». On l'appelait «le sculpteur Belmondo», mais il était, à l'image de tous les classiques, un touche-à-tout. Il a crée des médailles, des gravures, des sanguines, des dessins, qu'on retrouve bien sûr dans le Musée.

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L'artiste Paul Belmondo - © Musée Paul Belmondo

Votre père a-t-il su que vous aviez ce projet ?

Non, mon père était très modeste, il ne voulait pas de ce genre de choses, il avait l'humilité en lui. Mais je suis heureux pour lui qu'on ait pu le faire. C'est une belle reconnaissance, car aujourd'hui, si on ne parle pas de vous, on vous oublie vite.

Vous avez conservé quelques œuvres de lui parmi celles que vous avez léguées pour le Musée ?

Oui bien sûr, dont mon portrait, qu'il a fait quand j'avais 4-5 ans. Ça reste à vie, c'est ce qui est beau dans une œuvre. Il faisait des nus formidables. Les danseuses de Jean-Baptiste Carpeaux, dont il a fait en 1964 la copie sur la façade de l'Opéra Garnier, lissées à force d'être caressées par les visiteurs. La Jeannette aussi, cette grande sculpture en bronze de femme, dont l'une est aux tuileries. C'est notre femme de ménage qui a servi de modèle pour l'occasion !

Qu'est-ce qui l'inspirait ?

Quand il répondait à une commande précise, il faisait toujours le travail demandé, sans y ajouter de caprice d’artiste. Mais c'était surtout un créateur. Il partait au musée le matin vers 7h, pour y puiser l’inspiration, il revenait le soir à 20h. Sinon, c'est dans le quotidien qu'il trouvait matière à créer, il prenait les gens dans la rue. N'importe qui pouvait frapper à sa porte, il lui ouvrait. Après, il a été nommé à l’Institut de France en 1960, puis à l’Académie des beaux-arts la même année.

Qu'avez-vous appris de lui ?

Il avait de l'humilité, celle du travail bien fait. Je me rappelle encore, quand j’étais petit, l'avoir vu revenir d'une visite au Musée du Louvre. Je lui dis : «mais enfin, pourquoi vas-tu toujours au Louvre ?», et il m'a répondu «pour apprendre». J'ai gardé ça de lui, il faut continuer à apprendre toute sa vie. J'ai toujours essayé de me l'appliquer à moi-même. Quand j'allais en cours, à mes débuts, j'ai beaucoup travaillé, même si ça ne se voit pas ! Mais tant mieux. J'ai acquis cette possibilité d'être naturel grâce au travail. Le talent c'est bien, mais ça ne suffit pas, disait mon père, et il avait raison. Il y a des acteurs très doués, mais sans efforts, ils ne durent pas.

J'ai acquis cette possibilité d'être naturel grâce au travail.

Quel regard portez-vous sur l'art du XXIe siècle, et en sculpture en particulier ?

Je crois que les choses ont beaucoup évolué. Il faudrait presque trouver un autre mot que sculpture, trop réducteur désormais, comme performance ? Et puis il y a ce qui relève plus de la décoration, mais qui ne va pas bien au-delà. Je reste attaché à l'idée qu'il faut du «beau» dans l'art.

Vous a-t-il influencé dans votre parcours, votre jeunesse ?

Mon père était navré par mes dessins, je dessinais très mal. Il ne comprenait pas pourquoi ! La comédie m'a permis de retrouver du crédit auprès de lui. Il trouvait ça très bien, avec l'indulgence du père. Mais à cette époque, le cinéma c'était pour les saltimbanques, c'est au théâtre qu'il fallait faire carrière, là où se trouvaient les vrais comédiens. J'y ai joué pendant dix ans. Mon père pensait que c'était là qu'on montrait sa vraie qualité, et à juste titre d'ailleurs. Quand j'ai fait le professionnel, il y a avait tout de même Robert Hossein, et pourtant mon père me disait «C'est bien, mais quand feras-tu ton vrai métier ?» Pour lui, c'était le théâtre. J’ai joué, après 28 ans d’absence sur les planches, en 1987 la pièce Kean, de Dumas. Malheureusement, il est mort quelques années avant, en 1982, j’aurais tellement aimé qu’il m’y voit.

Votre mère aussi aurait pu faire carrière comme artiste

En effet, ma mère, Madeleine, était aussi une artiste-peintre. Mais elle a tout sacrifié pour que mon père puisse faire son métier. J'ai réussi en grande partie grâce à elle, qui était beaucoup plus critique vis-à-vis de moi que mon père !

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© Musée Paul Belmondo

Finalement, auriez-vous pu faire autre chose comme métier ?

Oh non, à 10 ans je faisais déjà le clown, pour faire rire les copains. Après, durant les premiers cours que je faisais, nous jouions la tragédie du Cid. Je me rappelle ce formidable professeur, Raymond Girard, qui me dit alors : «Attends mon petit, on va voir ce que tu peux faire, mais plutôt dans la comédie !»

Quelle image aimeriez-vous que l'on garde de vous ?

D'avoir bien fait mon travail et, je l'espère, avoir réussi à le faire. Vous savez, on me parle toujours dans mon travail de ces grands films comme «Un singe en hiver», mais j'ai pris autant de plaisir à le faire qu'un navet. J'en ai fait, mais je les ai faits en y croyant. Je me suis trompé parfois, car qui ne se trompe pas ?

Quels seraient vos films les plus marquant ?

«Le Doulos», «La Viaccia», «Le professionnel»... Je pourrais me glorifier d'avoir participé à la Nouvelle Vague, notamment «A bout de souffle», dont on parle tant, mais à cette époque, je tournais tout simplement dans ces petits films, c'était par hasard, et je pensais qu'ils ne sortiraient jamais. Je tournais, Moderato Cantabile...Et puis d'un coup, tout s'est enchaîné. 

Je pourrais me glorifier d'avoir participé à la Nouvelle Vague, mais à cette époque, c'était par hasard.

Vous voyez un successeur en ce moment à l'écran ?

J'aime bien Jean Dujardin et Gilles Lellouche. C'est un beau duo qui fonctionne, comme il y en avait dans les années 1960-70. J'aime beaucoup Albert Dupontel aussi, et sa femme, Claude Perron, qui est si brillante ! Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut jamais dire, tiens, ça y est, il y en a un qui vient de sortir d'un coup.

Vous pouvez imaginer que la fibre artistique des Belmondo s'arrête un jour ?

Oh non, non ! Ca serait incroyable. J'ai deux petits fils, Victor qui est dans le cinéma, mon neveu Olivier, ça continue ! Mais chacun fait ce qu'il veut. J'ai toujours laissé mes enfants faire ce qu'ils veulent, je ne peux pas les forcer, ça serait horrible.

Pourquoi ce prénom Paul pour les Belmondo ?

C'était une tradition qui existait avant dans la famille, avec les arrières grands parents...Mais mon fils Paul ne l'a pas suivie !

Vous avez désormais décidé de ne plus jouer.

Oui, désormais, il est temps de profiter de la vie, j'ai pris ma retraite. Plus rien ne m'attend sur scène ou à l'écran, à moins qu’on me propose un dernier projet passionnant. Je veux garder le meilleur, que les gens se souviennent de ces beaux rôles. Il y a suffisamment de beaux souvenirs, je profite de mes enfants, mes petits-enfants. Vous savez, j'ai beaucoup travaillé ! J'avais une image de dilettante brillant, mais c'était l'image que je voulais donner, que le travail m'a permis d'acquérir. Alors je lis beaucoup, je veux voir les gens vivre, je voyage toujours autant.

Quelques projets personnels ?

Je n'étais pas à Rio pour la Coupe du monde, j'aurais bien voulu, mais je vais me rattraper avec les jeux olympiques ! Avec mon fils Paul, on y est allé pour un documentaire que je fais avec lui, et qui sera diffusé sur TF1 cette année. Sinon je vais toujours voir des tournois de boxe, de football, avec un beau championnat de ligue 1, entre Lyon et le PSG. 

Ecrire ses mémoires n'est pas un exercice qui vous tenterait ? 

Non, beaucoup de choses ont déjà été écrites. Et puis laissons les gens se faire leur propre image, leur propre idée. Les souvenirs, ça ne sert à rien d'autre que d'être partagés avec ceux qui les ont vécus.

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