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Jamel Debbouze, le parrain du rire

Jamel Debbouze en 2012[Capture d'écran Youtube]

On l’a découvert en 1995 en maître artificier d’une chronique cinéma délirante. Passé du petit au grand écran, Jamel Debbouze s’impose aujourd’hui comme l’un des rares acteurs français qui peut garantir le succès d’un film. Boulimique de travail, il produit le Jamel comedy club et lance de jeunes comiques au talent prometteur. En plus de dix ans, il a fait mentir l’establishment qui ne voyait en lui qu’un petit immigré sympathique.

 

(ARCHIVES)

 

C’est à Trappes, au cœur de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines ; cernée de tours HLM, de routes nationales et de rails, que débute la success story de ce petit-fils d’un travailleur marocain. Dur, dur, de sortir de ce carcan. Mais c’est là que Jamel a grandi. Et la terre de son enfance, si bétonnée soit-elle, il y est toujours resté fidèle. Au point même de racheter le club de foot de la ville, mal en point, pour permettre aux gamins de continuer à jouer. «Je suis un peu le maire bis, s’amuse-t-il, j’y suis au moins trois fois par semaine ».

 

Premiers pas sur scène

La scène, qu’il considère comme son terrain de jeu, a été pour lui comme une thérapie. Après avoir été impliqué dans des incendies et vols de voitures, Jamel a 15 ans quand il découvre l’improvisation grâce à Alain Degois (dit «Papy»), le directeur de la compagnie théâtrale du coin.  Il vient de perdre l’usage du bras droit après avoir été happé par un RER. Impressionné par la tchatche de l’adolescent, Alain Degois le convainc de rejoindre la Ligue d’improvisation française.  

Un exercice sur mesure pour le débutant au physique de jockey et à la verve de bateleur. Habitué depuis l’enfance à plus compter sur son éloquence que sur sa carrure (il déclarera plus tard : «En banlieue, soit tu as la force, sois tu as la tchatche»), Jamel trouve dans les matches d’impro un terrain de jeu idéal. Et son sens de l’autodérision va le conduire à jouer de sa petite taille pour rajouter à l’effet comique de ses interventions.

Rapidement, sa démarche de pantin désarticulé et son énergie débordante vont devenir une marque de fabrique. Même son bras ballant, dont il enfouit l’extrémité au fond de sa poche de pantalon, devient un atout. Jamel y excelle, à tel point qu’il accède au titre de vice-champion du monde d’improvisation en 1994. L’année suivante, son équipe se classera troisième des championnats du monde, organisés au Québec. Dès lors, persuadé que son avenir est dans la comédie, Jamel abandonne son BEP «force de vente» en deuxième année et se met au travail pour parvenir à toucher son rêve du doigt. Car s’il est devenu acteur, ce n’est pas seulement, comme il l’ironisera quelques années plus tard, «parce que c’est moins dangereux que de vendre de la drogue», mais à force de persévérance et de détermination.

 

Vidéo : Jamel revisite James Bond

 

 

Ascension foudroyante

En 1992, il décroche son premier rôle dans un court-métrage de Nabil Ayouch intitulé Les pierres bleues du désert. Puis, trois ans plus tard, il se décide à tenter l’aventure du one-man show. Et en avril 1995, il présente son premier spectacle, C’est tout neuf, d’abord à Trappes, puis à Paris. C’est là que le découvrent Jacques Massadian et Jean-François Bizot, les patrons de Radio Nova. Emballés par la gouaille du banlieusard, ils lui proposent une chronique cinéma quotidienne sur leur antenne. Moins d’un an après, il débarque dans Nulle part ailleurs sur Canal +, avec « Le monde de Jamel ». Chaque semaine, il y livre son interprétation très personnelle de films cultes ou de blockbusters. Le grand public découvre alors ce phrasé improbable, ultra-rapide et saccadé, qui dérape sur les noms propres, écorche les expressions populaires, et réinvente les mythes modernes. Les jeunes sont conquis et, rapidement, les tournures de phrases désarticulées de l’humoriste envahissent les cours des lycées.

 

Vidéo : Jamel dans H

 

 

Le succès ne le quittera plus. Il multiplie les interventions sur Canal + et joue, avec Eric et Ramzy notamment, dans une série hospitalière hilarante : H (1998). Ses passages en direct, sur les plateaux de toutes les chaînes, confirment la spontanéité et la vivacité qu’on devinait dans les séquences du Monde de Jamel. On découvre aussi son côté imprévisible, son sens de la répartie implacable et son besoin irrépressible de semer la zizanie dans les mécaniques trop bien huilées que sont les émissions de télévision. Le trublion incontrôlable endosse sans trembler le costume de pitre loufoque abandonné par les Nuls, Antoine de Caunes ou encore José Garcia.

 

Vidéo : Jamel à la Cérémonie des Césars 1999 se moque d’Adriana Karembeu

 

 

Durant cette période, il participe à son premier long-métrage, Le ciel, les oiseaux et... ta mère ! de Jamel Bensalah tout en poursuivant ses prestations sur scène. En 1999, son premier one-man show Jamel en scène débarque à la Cigale. Le rideau se lève à nouveau en 2003 pour Jamel 100 % Debbouze. Il y étale tout son «magnétimze» ! Il part en tournée à travers le pays. La version de son spectacle, enregistré au Bataclan, sort en DVD en octobre 2000 et connaît un énorme succès. Il le reprend sur la scène de l’Olympia à la fin de l’année, et joue trois semaines de suite à guichets fermés. Si l’humour acéré de Jamel lui acquiert un public fidèle, certains commencent à douter de sa capacité à dépasser le personnage qu’il incarne.

Jamel peut- il être autre chose que l’éternel «jeune de quartier» aux défauts de prononciation hilarants et à l’analyse corrosive ? Il est vrai que son rôle lui colle à la peau. Il est érigé en symbole de la «génération cité», à l’instar de l’équipe de France championne du monde de football, dont on avait fait la vitrine d’une France black-blanc-beur. Mais l’enfant de Trappes refuse d’être catalogué comme le porte- étendard des banlieues, revendiquant le statut d’amuseur et de simple observateur de la société. Tout comme il refuse de servir d’alibi à la sous-représentation des minorités dans les médias.

 

Vidéo : Bande-annonce Le Ciel, les oiseaux … et ta mère !

 

 

Consécration artistique

Il faudra très peu de films à Jamel pour prouver à ses détracteurs l’étendue de ses talents de comédien. Avec Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001), même s’il y interprète un rôle relativement proche de ceux dans lesquels on a l’habitude de le voir (celui du vendeur de légumes un peu simplet de l’épicerie du coin), il démontre qu’il a sa place dans des registres différents et aux côtés d’acteurs confirmés. Puis, dans Astérix et Obélix : mission Cléopâtre (2002) d'Alain Chabat, il vole la vedette à la pléiade de stars du casting, notamment Gérard Depardieu, et devient, grâce au très grand succès du film, l’acteur le mieux payé en France.

 

Vidéo : Jamel dans Astérix et Obélix Mission Cléopâtre

 

 

Sa renommée traverse l’Atlantique, puisque Spike Lee lui confie, ainsi qu’à Monica Bellucci, un rôle dans sa comédie She hate me (2004). Puis Jamel relève le défi d’un rôle dramatique dans Angel-A (2005) de Luc Besson. L’essai est un échec, mais la consécration vient en 2006 avec le Prix d’interprétation au Festival de Cannes, décerné collectivement à l’ensemble du casting masculin d’Indigènes, le film de Rachid Bouchareb. Une suite, intitulé Hors-la-loi, toujours avec Jamel Debbouze, Roschdy Zem et Samy Bouajila est sortie en 2010 et retrace l’histoire de l’Algérie, des massacres de Sétif et Guelma le 8 mai 1945 à l’indépendance.

 

Nouvelle dimension médiatique

La participation à ce long-métrage, qui témoigne de l’engagement des tirailleurs nord-africains et sénégalais aux côtés des troupes françaises lors de la Seconde Guerre mondiale, relève de l’engagement militant pour Jamel comme pour les acteurs avec qui il partage l’affiche. Son intérêt pour la question le pousse à militer pour la reconnaissance de ces hommes qui ont choisi de soutenir la France et de combattre pour elle. La polémique relancée par le film conduit le président Jacques Chirac à annoncer l’attribution d’une pension aux derniers survivants, en reconnaissance des services rendus à la patrie.

 

Vidéo : bande-annonce d’Indigènes de Rachid Bouchareb

 

 

Ainsi, Jamel Debbouze, alors même qu’il démontre la consistance de son jeu d’acteur, prend une nouvelle dimension médiatique. Celui qui refusait la fonction de porte-parole de la jeunesse issue de l’immigration prend conscience de son influence auprès du public et cherche à transmettre les messages qui lui tiennent à cœur. Il prend part à une campagne appelant les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à s’impliquer dans leur rôle de citoyens. C’est lui qui pousse Ségolène Royal à annoncer sa candidature à l’élection présidentielle sur le plateau du Grand Journal, sur Canal +. Il ne tarde pas à annoncer son soutien à la candidate socialiste. Il la fait même monter sur scène, et demande au public de l’applaudir, lors d’une représentation du Jamel comedy club à laquelle elle était venue assister. En 2012, il soutien Martine Aubry avant d’appeler à voter pour François Hollande lorsque celui-ci devient le candidat officiel du Parti Socialiste.

 

Vidéo : Le Jamel Comedy Club

 

 

Le Jamel Comedy Club est le dernier projet du comédien-humoriste, qui se coiffe pour l’occasion d’une nouvelle casquette, celle de producteur. Il a pris sous son aile une bande de jeunes talents de l’humour, aux origines et aux accents variés, et leur a ouvert une scène. Ensemble, ils ont monté un spectacle de stand-up, au cours duquel dix à quinze humoristes se succèdent devant un public qui n’hésite pas à réagir. Ces spectacles, qui ont été adaptés en émission de télévision sur Canal + l’été dernier, ont permis à certains comme Fabrice Eboué – le réalisateur du film à succès Case départ – ou encore Patson, de se faire remarquer.

 

La maturité

En 2011, Jamel a 36 ans et décide, après sept années consacrées au 7e art et un prix d’interprétation masculine en 2006 au Festival de Cannes pour Indigènes, d'effectuer son grand retour sur scène avec un one-man show intimiste, Tout sur Jamel. Dans ce one-man show plus autobiographique que ces précédents, Jamel apparait appaisé avec lui-même. Son quartier, ses premiers cours d’improvisation au collège ou encore sa mère, l’humoriste déroule le fil d’Ariane version Debbouze et l’on assiste à l’éclosion d’un artiste complet et entreprenant, à la fois chef de troupe du Jamel Comedy Club et époux attentif. Avec auto-dérision, il épingle sa filmographie et raconte, non sans humour, sa première rencontre avec la future Madame Debbouze. Venue l’interviewer lors du tournage d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, le jeune homme n’en menait pas large en tenue d’Egyptien ridicule, raconte-t-il avec recul. Egrenant les anecdotes personnelles pour le plus grand plaisir de ses fans, ce pro de la vanne passe ainsi sa vie à la moulinette du rire : son mariage, sa belle-famille, les couples mixtes, la paternité.

Jamel Debbouze n’a jamais été aussi heureux et l’affirme haut et fort dans ses interviews. Dans les nombreux entretiens qu'il accorde à la presse, l’acteur ne cesse de déclamer son amour à Mélissa Theuriau, avec qui il a eu deux enfants. « Je suis tombé sur une perle. Je pensais qu’être marié et avoir un enfant allait me charger d’une responsabilité énorme. Eh bien non, j’ai une femme formidable qui me décharge de tout », déclare-t'il à Gala. « Mélissa est la meilleure chose qui me soit arrivée ! Elle m’a apaisé et recentré », explique-t-il avant d’ajouter : « Croyez-le ou non, aujourd’hui, l’endroit que je préfère au monde, c’est mon salon ». Quand le racisme pointe son nez, les deux tourtereaux font bloc à l’unisson comme dans Elle : « Nous, on ne s’est posé aucune question quand on s’est rencontrés. Le jour où la société dans son ensemble réagira ainsi, ce sera gagné... »

En 2013, à l'approche de la quarantaine, Jamel Debbouze semble désormais attirer par des rôles sombres et dramatiques, comme il l’a montré dans 360 de Fernando Meirelles où il incarne un dentiste en pleine crise de foi religieuse et dans Né quelque part, il joue pour la première fois un rôle de méchant au cinéma. Jouant à la fois en français et en arabe, il fait preuve dans ce film d’une réelle retenue et joue sans fanfaronnade ce personnage de petit voyou arnaqueur.

 

Vidéo : Bande-annonce de Né quelque part, présenté au Festival de Cannes 2013

 

 

Jamel tient sa revanche sur ceux qui lui prêtaient l’avenir d’un jeune de la cité. Cette revanche, il la savoure dès qu’on lui donne du Monsieur. Seuls quelques képis se permettent encore de le tutoyer comme un jeune ordinaire, trop contents d’avoir pris en faute un animal rare, au volant d’une voiture payée de ses deniers. A chaque fois qu’il négocie ses contrats, il se souvient de son père, employé au service d’entretien de la RATP. Voilà pourquoi Jamel touche les cœurs. Chacun des rires qu’il déclenche sous-tend un drame. C’est la force des grands acteurs de comédie.

Symbole du rêve de l’intégration, de la success story à la française, Jamel Debbouze est devenu le mentor de jeunes gens qui ressemblent au gamin de Trappes qu’il était à ses débuts. Il leur transmet le même message d’espoir en leur réussite.

 

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