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A Bercy, deux lignes politiques s'opposent

Le ministre de l'Economie Pierre Moscovici, le 12 décembre 2012 à Bruxelles pour une réunion des ministres européens des Finances [Georges Gobet / AFP/Archives] Le ministre de l'Economie Pierre Moscovici, le 12 décembre 2012 à Bruxelles pour une réunion des ministres européens des Finances [Georges Gobet / AFP/Archives]

Avant-poste de la bataille contre la crise, Bercy est aussi devenu le théâtre d'une guerre larvée entre deux lignes politiques. Mais de plus en plus, le tumultueux Arnaud Montebourg est désavoué au profit du plus effacé Pierre Moscovici, porteur d'un réformisme moins radical.

Le ministre du Redressement productif a une nouvelle fois marqué mardi son désaccord avec le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault. Mais il peine à imposer ses solutions au sein des ministères économiques.

Depuis l'arrivée au pouvoir de la gauche, la "citadelle" de Bercy s'est muée en auberge espagnole, avec sept ministres -- dont quatre de plein exercice, du jamais vu.

"C'est ingérable", peste un haut fonctionnaire, qui a requis l'anonymat.

"Le problème, ce n'est pas le nombre de ministres", nuance-t-on dans l'entourage de Pierre Moscovici. Pour preuve, ce dernier, titulaire de l'Economie et des Finances, "travaille très bien" avec sa collègue du Commerce extérieur Nicole Bricq et ceux du Budget et de la Consommation, Jérôme Cahuzac et Benoît Hamon.

Reste le "cas Montebourg", admet-on de même source.

La coexistence entre les ministres de l'Economie et du Redressement productif est progressivement devenue délétère. Au point que certains, à Bercy, n'ont pas caché leur dépit qu'Arnaud Montebourg ne démissionne pas après avoir perdu son combat pour la nationalisation de Florange. "Il affaiblit le gouvernement", déplore un conseiller.

François Hollande savait, en les désignant coauteurs de sa politique économique, qu'il mariait l'eau et le feu. "Mosco", le social-démocrate prudent parfois accusé par l'aile gauche de verser dans le libéralisme, et Montebourg, le tribun volontariste chantre de la "démondialisation".

Qui est donc à la barre du "paquebot" Bercy? Sur le papier, c'est d'emblée Pierre Moscovici.

Il y a les signes géographiques: à lui le prestigieux bureau du sixième étage quand son camarade est relégué au troisième. "On entend de plus en plus parler du +Bercy haut+ et du +Bercy bas+", admet un député proche d'Arnaud Montebourg.

Et puis il y a les attributions. Pierre Moscovici a autorité sur sept directions générales, dont le tout puissant Trésor, contre une seule pour son collègue.

"Différences conceptuelles"

Mais médiatiquement, c'est l'inverse. "Mosco est peut-être brillant, il n'existe pas. Arnaud, lui, est vraiment populaire", fait valoir ce député.

Au ministère de l'Economie, on reconnaît que "le travail de Pierre n'est pas très spectaculaire". Mais "il agit sous le regard des marchés, il ne peut pas flamboyer" quand son rival, lui, "fait des moulinets dans le vide".

Pierre Moscovici assume ce côté bon élève et s'agace, en petit comité, que son voisin s'attribue, à ses yeux sans fondement, la victoire lors d'arbitrages gouvernementaux.

Car la pomme de discorde est surtout politique. "Il peut y avoir entre nous des différences conceptuelles", glisse le ministre de l'Economie.

Lorsque Montebourg, le héraut de la réindustrialisation, attaque Peugeot ou Mittal, Moscovici l'ex-strauss-kahnien maintient le dialogue avec le patronat. Quand le "MRP" raille les "vieilles recettes éculées" des agents du Trésor, son voisin leur dit sa "confiance".

Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, à l'Assemblée nationale, le 18 décembre 2012 [Jacques Demarthon / AFP]
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Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, à l'Assemblée nationale, le 18 décembre 2012
 

Sur la compétitivité, "Arnaud" a défendu une aide ciblée vers l'industrie, même après que l'Elysée eut tranché pour un soutien généralisé aux entreprises, conformément aux voeux de "Pierre".

Et sur la nationalisation, un responsable de Bercy accuse son défenseur d'avoir "piégé tout le gouvernement". Quant à la réforme bancaire, M. Montebourg appelle à ce qu'elle ne soit pas "hésitante ou timorée", critique subliminale d'un texte porté par M. Moscovici.

Autant de dossiers sur lesquels, in fine, Pierre Moscovici a eu gain de cause. Signe d'une ligne gouvernementale qui correspond de plus en plus au réformisme social-démocrate du ministre de l'Economie.

"Dans tous les arbitrages depuis six mois, la ligne de Pierre a été retenue", assure Karine Berger, chargée de l'économie au PS, qui connaît bien les deux hommes.

Pour le député Malek Boutih, proche du ministre du Redressement productif, ce dernier commence donc à avoir un "problème" avec le "cadrage politique général". Du coup, Montebourg ne fait pas "une focale sur Moscovici", ajoute-t-il. Mais il ne décolère pas contre le Premier ministre.

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