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Sarkozy mis en examen : ses amis ciblent les juges, Taubira s'interpose

Nicolas Sarkozy quitte le palais de justice de Bordeaux, le 21 mars 2013 [Patrick Bernard / AFP] Nicolas Sarkozy quitte le palais de justice de Bordeaux, le 21 mars 2013 [Patrick Bernard / AFP]

Les amis de Nicolas Sarkozy, indignés par sa mise en examen pour " abus de faiblesse" dans le dossier Bettencourt, ont violemment contre-attaqué vendredi en ciblant le juge d'instruction, amenant la garde des Sceaux Christiane Taubira à s'interposer pour défendre le travail de la magistrature.

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, est aussi monté au créneau pour assurer du respect par l'exécutif et par Mme Taubira de l'indépendance de la justice. Interrogé par la presse lors d'un déplacement à Angers, il a jugé que les attaques de membres de l'UMP contre la justice n'étaient "pas dignes d'hommes et de femmes politiques républicains".

Dans un communiqué Christiane Taubira avait "regrett(é) tous propos qui porteraient atteinte à l'honneur des juges", assurant "les magistrats qui seraient mis en cause de son soutien".

Après la mise en examen de l'ancien président tard jeudi, plusieurs voix à gauche s'étaient déjà émues du "spectacle" donné par la droite dans ses commentaires. "Je trouve particulièrement délétère cette façon de chasser en meute, en clan, pour impressionner et faire pression", a dit à l'AFP le porte-parole du PS David Assouline.

Les sarkozystes et l'UMP avaient été sidérés à l'annonce jeudi soir du soupçon pesant, aux yeux du juge d'instruction Jean-Michel Gentil, sur l'ancien locataire de l'Elysée: avoir abusé des absences d'une des vieilles dames les plus riches du monde pour financer sa campagne électorale victorieuse de 2007.

Thierry Herzog, avocat de Nicolas Sarkozy, le 2 octobre 2012 à Bordeaux [Thomas Samson / AFP/Archives]
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Thierry Herzog, avocat de Nicolas Sarkozy, le 2 octobre 2012 à Bordeaux
 

Quelques heures plus tard, la colère prenait le dessus. Les plus proches de l'ancien chef de l'Etat étaient les plus violents ou les plus accusatoires, notamment Henri Guaino, enflammé, qui a exigé que le juge Gentil, accusé d'avoir "déshonoré la justice", vienne s'expliquer devant les Français.

"J'ai envie de dire à M. Guaino qu'il déshonore la République et (...) ses fonctions de député. C'est juste abject de tenir ce genre de propos", a rétorqué, également sur Europe 1, le président du principal syndicat de magistrats (USM), Christophe Régnard.

Nicolas Sarkozy lui-même juge "scandaleux" le traitement qui lui est infligé, a lancé son avocat, Me Thierry Herzog, qui s'est démultiplié sur les radios.

Le juge Jean-Michel Gentil à Bordeaux, le 19 février 2013 [Patrick Bernard / AFP/Archives]
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Le juge Jean-Michel Gentil à Bordeaux, le 19 février 2013
 

Ce ténor du barreau, qui a l'intention de contester la mise en examen devant la cour d'appel de Bordeaux --où se déroule l'enquête--, n'a pas hésité à mettre en cause l'impartialité du juge, laissant entendre qu'il a enquêté "à charge".

Dans la soirée, Me Herzog a annoncé avoir demandé au parquet de Bordeaux de rendre publics divers éléments de la confrontation de la veille entre son client et des membres du personnel de Liliane Bettencourt, de manière à "éviter la propagation d'informations parcellaires et inexactes".

Ami intime de l'ancien président, l'UMP Brice Hortefeux s'est étonné d'une mise en examen "bien à propos" sur fond de popularité croissante pour M. Sarkozy et décroissante pour le président François Hollande. Il a parlé lui aussi d'un traitement "exclusivement à charge".

Après Jean-François Copé, d'autres ténors de l'UMP ont embrayé sur le thème de l'"incompréhension" face à une mise en cause injustifiée à leurs yeux.

"Rien ne me paraît plus difficile à croire qu'imaginer Nicolas Sarkozy se livrer à un abus de faiblesse sur une vieille dame", a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre et porte-parole du candidat Sarkozy en 2012.

François Fillon a qualifié la mise en examen d'"injuste et extravagante".

La veille déjà, de multiples voix du premier parti d'opposition avaient donné une lecture très politique d'un développement judiciaire survenu deux jours après la démission du ministre socialiste Jérôme Cahuzac. On avait parlé "d'instrumentalisation" (Christian Estrosi), "acharnement" (Geoffroy Didier), calendrier bizarrement opportun (Laurent Wauquiez).

Gare aux pressions sur la justice, s'est alarmé vendredi le numéro un socialiste Harlem Désir. "C'est insupportable de mettre ainsi en cause la probité et l'indépendance des juges", a-t-il dit en mettant l'accent sur la gravité des faits soupçonnés, s'ils étaient avérés.

 
 

François Bayrou (MoDem) a condamné des "attaques contre la démocratie" de la part de certains proches de M. Sarkozy. Jean-Louis Borloo (UDI) a appelé à respecter à la fois la présomption d'innocence et l'indépendance de la justice, tout en se disant "stupéfait" par l'incrimination retenue d'abus de faiblesse.

Dans la matinée la ministre écologiste, Cécile Duflot, avait simplement jugé "normal" cet épisode d'un dossier tentaculaire dont l'instruction semble en voie d'achèvement avec 17 mises en examen prononcées.

Le socialiste Jean-Christophe Cambadélis a mis en garde de son côté contre la "colère de l'opinion" devant ce qu'il a elliptiquement qualifié de "pluralité des mises en cause", évoquant ainsi les cas de Jérôme Cahuzac et Nicolas Sarkozy.

Au Front national, on faisait valoir vendredi que désormais Nicolas Sarkozy ne pouvait plus siéger au Conseil constitutionnel dont sont membres de droit tous les anciens chefs de l'Etat. Le député écologiste Noël Mamère a aussi demandé à M. Sarkozy de "démissionner".

Le projet un temps défendu par l'ancien président de supprimer le juge d'instruction a surgi aussi dans les commentaires vendredi, Patrick Balkany, ami de Nicolas Sarkozy, voyant dans sa mise en examen la preuve que les juges "lui en veulent beaucoup" désormais.

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