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Hollande et Gauck, main dans la main à Oradour

Les présidents français et allemand François Hollande (g) et Joachim Gauck (d) encadrés par un rescapé (c), le septembre 2013 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) [Jena-Pierre Muller / Pool/AFP] Les présidents français et allemand François Hollande (g) et Joachim Gauck (d) encadrés par un rescapé (c), le septembre 2013 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) [Jena-Pierre Muller / Pool/AFP]

Les présidents allemand Joachim Gauck et français François Hollande se sont recueillis, main dans la main, mercredi dans l'église d'Oradour-sur-Glane, théâtre en 1944 du pire massacre nazi en France occupée, un geste symbolique fort pour réaffirmer l'étroitesse des relations franco-allemandes.

Mais François Hollande n'a pas manqué de souligner, dans une allusion claire à la Syrie et au régime de Bachar al-Assad, que cette visite commune à Oradour, où 642 villageois ont trouvé la mort le 10 juin 1944, représente aussi, aujourd'hui pour les deux pays, la "promesse de refuser l'inacceptable" et l'arbitraire.

La scène a été furtive, au début de la visite des ruines du village martyr où se rendait pour la première fois officiellement un haut responsable allemand.

Se recueillant face à l'abside de l'église, où quelque 450 femmes et enfants ont trouvé la mort, fauchés par les mitrailleuses d'une unité de la division SS "Das Reich", François Hollande et Joachim Gauck se sont tenus par la main, silencieux, écoutant le récit d'un survivant, Robert Hébras, 88 ans, bientôt envahi par l'émotion.

Les deux chefs d'Etat se sont efforcés alors de le réconforter, et les trois hommes se sont tenus la main un moment, le plus âgé entre les deux présidents.

Les présidents allemand Joachim Gauck (G) et français François Hollande (c) et le rescapé Robert Hebras (d) se tiennent la main à Oradour-sur-Glane, le 4 septembre 2013 [Jean-Pierre Muller / Pool/AFP]
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Les présidents allemand Joachim Gauck (G) et français François Hollande (c) et le rescapé Robert Hebras (d) se tiennent la main à Oradour-sur-Glane, le 4 septembre 2013
 

Cette séquence, sur un lieu dramatique de la Seconde Guerre mondiale, fait écho à la poignée de main célèbre, en 1984, entre le président François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl, à Douaumont, près de Verdun, où eurent lieu les affrontements les plus meurtriers du premier conflit mondial.

Pendant une heure et demie, les deux présidents, avec leurs compagnes, ont parcouru les ruines du village, à l'écoute du récit de M. Hébras, expliquant comment les habitants, sans méfiance particulière, avaient vu arriver la colonne SS, qui remontait vers la Normandie où venait d'avoir lieu le débarquement allié.

Au cimetière, M. Gauck a exprimé dans le livre d'or son "horreur" et son "dégoût" devant le drame. "Aujourd'hui, je peux témoigner qu'il existe une nouvelle Allemagne pacifique et solidaire. Elle restera ainsi".

"Respect, hommage, souvenir", a écrit pour sa part M. Hollande, datant par mégarde la visite du 3 septembre, avant une accolade avec le chef de l'Etat allemand.

Dans son discours, celui-ci a chaleureusement remercié François Hollande de l'avoir invité à Oradour, un "geste d'accueil, de bonne volonté, un geste de réconciliation".

"Un exemple pour le monde entier"

"Nous n'oublierons jamais Oradour et les autres lieux de la barbarie", a-t-il poursuivi, citant d'autres massacres nazis comme celui de Tulle, commis en Corrèze à la veille de celui d'Oradour.

Joachim Gauk (g) et François Hollande à Oradour-sur-Glane, le 4 septembre 2013 [Romain Perrocheau / AFP]
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Joachim Gauk (g) et François Hollande à Oradour-sur-Glane, le 4 septembre 2013
 

M. Gauck s'est interrogé sur la question de la responsabilité, évoquant la "thèse controversée" d'une responsabilité allemande collective.

Il a noté aussi que le traitement judiciaire individuel de ces crimes "n'était pas terminé", rappelant qu'une enquête était toujours en cours à Dortmund au sujet d'Oradour.

"Certains criminels n'ont pas été traduits en justice, je suis également conscient du débat intense en France autour de la question de l'enrôlement forcé des Alsaciens qui ont participé au massacre", les Malgré-Nous, a-t-il ajouté, sans développer.

Il a assuré enfin "partager l'amertume sur le fait que des criminels n'aient pas été traduits en justice, que les crimes les plus graves restent impunis".

Le président français a pour sa part rendu un hommage appuyé à Joachim Gauck, qui depuis sa prise de fonction à la tête de l'Etat allemand, en 2012, s'est déjà rendu sur plusieurs lieux de tragédie causés par les nazis pour saluer la mémoire des victimes.

"Vous êtes la dignité de l'Allemagne d'aujourd'hui, capable de regarder en face la barbarie nazie d'hier", a-t-il déclaré.

Mais pour le président français, le drame d'Oradour doit servir de leçon pour le monde d'aujourd'hui.

Un rescapé du massacre Robert Hebras (g),Joachim Gauck (c) et François Hollande (d) dans les ruines d' Oradour-sur-Glane, le 4 septembre 2013 [Michel Euler / Pool/AFP]
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Un rescapé du massacre Robert Hebras (g),Joachim Gauck (c) et François Hollande (d) dans les ruines d' Oradour-sur-Glane, le 4 septembre 2013
 

"Notre présence est bien plus qu'un symbole (...) elle est l'affirmation d'une promesse. Promesse d'honorer partout et toujours les principes qui sont bafoués par les bourreaux d'hier, mais aussi d'aujourd'hui", a déclaré François Hollande, dans une allusion limpide à la Syrie et au régime de Bachar al-Assad, accusé d'avoir ordonné une attaque chimique particulièrement meurtrière le 21 août contre son propre peuple.

C'est la "promesse de défendre les droits de l'Homme chaque fois qu'ils sont violés, près de chez nous ou loin d'ici. Promesse de refuser l'inacceptable partout où il se produit", a insisté M. Hollande.

Resituant ce déplacement dans la lignée de tous les moments forts de la réconciliation franco-allemande, il a réaffirmé avec force la vigueur des relations franco-allemandes au sein de l'Europe, sur lesquelles certains s'interrogeaient au début de son quinquennat.

L'amitié franco-allemande est "un exemple pour le monde entier (...) Aujourd'hui, votre visite à Oradour-sur-Glane, Joachim Gauck, confirme que l'amitié entre nos deux pays est un défi à l'histoire (...) Cette amitié, elle nous dépasse, elle nous oblige, elle fonde le projet européen", a encore lancé M. Hollande.

Cette visite des deux présidents à Oradour, forte en émotion, s'inscrit enfin dans la perspective d'une année riche en commémorations en Europe, et notamment celles qui accompagneront le centenaire de la guerre 1914-1918.

 

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