En direct
A suivre

La Commission européenne, un vaisseau fantôme en quête de capitaine

Le siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 6 novembre 2008 [Dominique Faget / AFP/Archives] Le siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 6 novembre 2008 [Dominique Faget / AFP/Archives]

Tous les candidats à la succession de José Manuel Barroso le disent: le prochain président de la Commission européenne devra être capable de réformer une institution devenue en dix ans un repoussoir pour une majorité de citoyens européens.

Dans la vulgate, la Commission est devenue "Bruxelles", une entité supranationale aux attributions mal identifiées -- 68% des personnes interrogées en France disent ne pas connaître le nom de son président -- et dénoncée par les populistes comme la responsable de tous les échecs de l'Europe.

Or la Commission européenne ne décide pas de tout, contrairement à ce que soutiennent ses détracteurs. Elle propose, les Etats et le Parlement européen disposent. "C'est très habile de s'approprier les succès au niveau national et d'imputer les échecs à la Commission", souligne le candidat des socialistes, Martin Schulz.

Un passant devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 8 février 2011 [John Thys / AFP/Archives]
Photo
ci-dessus
Un passant devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 8 février 2011

"Mais la conséquence est une méfiance considérable des citoyens dans les institutions de l'Europe, et cette perte de confiance est le problème le plus grave auquel nous sommes confrontés", déplore-t-il.

M. Barroso porte une lourde responsabilité dans cette situation, car il a renoncé aux prérogatives de sa fonction, soutient le candidat des libéraux, l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt. "Je lui ai dit: vous avez le droit d'initiative mais vous ne l'utilisez pas. Vous téléphonez d'abord à Berlin et à Paris et si vous n'avez pas le feu vert, vous ne faites rien".

- Un pilote ou un contrôleur ? -

"José Manuel Barroso m'a raconté se sentir comme un contrôleur aérien dans un aéroport et m'a confié que son seul souci était d'éviter une catastrophe. Moi, je trouve que le président de la Commission européenne doit écrire le plan de vol du départ à l'arrivée, et pas seulement contrôler", tacle Martin Schulz.

La faute incombe au système de décision imposé par les dirigeants européens, qui ont rabaissé le rôle de la Commission européenne avec l'assentiment de son président, explique Guy Verhofstadt.

"L'intergouvernemental ne peut pas fonctionner avec une Commission absente et un Conseil des Etats incapable de trouver un accord sur les grandes réformes à faire au niveau européen", déplore-t-il.

Jusqu'à présent, la nomination du président de la Commission européenne était un pouvoir discrétionnaire des dirigeants européen. Nommé en 2004, José Manuel Barroso, alors Premier ministre conservateur du Portugal, a été un second choix, après un veto de Londres contre M. Verhofstadt.

Dix ans après, la donne a changé. Les partis politiques européens ont imposé une compétition entre des candidats. L'élu devrait être celui qui ralliera sur son nom la majorité des élus du nouveau Parlement.

Les prétendants insistent sur la nécessité de réformer l'institution. Tous connaissent les mauvaises relations entre M. Barroso et son équipe de commissaires, et ils veulent y remédier.

"Nous avons besoin d'une Commission qui ne joue plus en défensif, mais utilise son pouvoir de déposer des lois", plaide Guy Verhofstadt.

- "S'affranchir des capitales" -

Candidat des conservateurs, l'ancien Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, veut rendre à l'institution son rôle politique et recentrer son action sur les "problèmes qui nécessitent une action commune".

S'il est élu, il assure vouloir choisir des commissaires "au parcours politique national et européen impressionnants", et entend refuser les candidats présentés par les Etats s'ils ne répondent pas à ce profil.

Martin Schulz veut lui aussi "impliquer les citoyens", ce qui impose une approche plus centrée autour de leurs préoccupations et "une réflexion sur la nécessité de réguler ou de déréguler".

Le prochain président de la Commission sera élu grâce à un accord entre les deux grandes familles dominantes du Parlement européen, les conservateurs et les socialistes. "Sa crédibilité dépendra de sa capacité à s'affranchir des capitales et d'imposer au Conseil et au Parlement de se positionner sur ses initiatives", avertit Daniel Cohn-Bendit, qui a siégé pendant 20 ans au Parlement européen.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités