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Les eurodéputés français seront-ils moins influents ?

Les députés du Parlement européen, à Strasbourg, en séance plénière le 12 mars 2014 [Frédérick Florin / AFP/Archives] Les députés du Parlement européen, à Strasbourg, en séance plénière le 12 mars 2014 [Frédérick Florin / AFP/Archives]

Face à une Allemagne déjà très influente, la France risque d'être encore plus marginalisée dans le nouveau Parlement européen, avec l'arrivée de nombreux élus FN et l'éviction de plusieurs poids lourds de l'UMP et du PS, remplacés par des nouveaux venus peu expérimentés.

 

"Lorsqu'il s'agira de distribuer les responsabilités, les Français n'auront pas les meilleurs postes", redoute Jean-Paul Gauzès, eurodéputé sortant (UMP), battu dimanche après 10 ans de mandat.

Le Parlement européen version 2014-2019 "sera encore plus allemand" que lors de la mandature précédente, prédit de son côté Yves Bertoncini, directeur du think tank "Notre Europe".

Car, "pour être influent, un pays doit envoyer à Strasbourg un maximum d'élus dans les groupes partisans dominants", conservateurs (PPE) et socialistes, explique-t-il.

Or, dans le nouvel hémicycle, seuls 33 élus sur 74, soit 45% des eurodéputés français siégeront dans ces deux groupes. Par comparaison, les électeurs allemands ont envoyé dimanche près des deux tiers de leurs 96 élus siéger au PPE ou chez les socialistes.

La présence massive du Front national, avec 24 élus, participera aussi à cette perte d'influence, selon les analystes interrogés par l'AFP. Même s'il parvient à créer un groupe politique avec des eurosceptiques d'autres pays, le parti de Marine Le Pen "n'aura qu'une influence institutionnelle très limitée, il sera le 6e ou le 7e groupe politique du Parlement", prédit M. Bertoncini.

Les nouveaux élus frontistes "vont se voir offrir un séjour Erasmus, ils vont découvrir l'Europe sans peser sur grand chose", ironise-t-il.

Dans l'ensemble du Parlement, les eurosceptiques auront environ un quart des sièges, observe de son côté Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman. "Ce sont les 75% restants qui seront capables de bâtir des majorités" sur les grands dossiers, et le FN, lui, "ne pèsera rien du tout", ajoute-t-il.

 

- Des 'ténors' sur le départ -

 

En outre, la délégation française dans le nouveau Parlement européen risque de pécher par manque d'expérience: seuls 36 élus sur 74 ont été reconduits. A l'inverse en Allemagne, où la plupart des élus enchaînent trois, quatre voire cinq mandats à Strasbourg pour acquérir expérience et postes-clefs, plus de 60% des élus de dimanche sont des sortants.

Certains députés français aux compétences reconnues au-delà même de leur camp politique s'en vont, à l'instar des chefs de groupe comme l'écologiste Daniel Cohn-Bendit ou le conservateur Joseph Daul n'ont pas souhaité se représenter.

Et surtout, d'autres "ténors" sortants ont échoué à se faire réélire, car relégués en position difficile sur la liste de leur parti. C'est le cas de la socialiste Catherine Trautmann, qui doit céder sa place au syndicaliste Edouard Martin, novice en politique, après avoir siégé durant 18 ans au Parlement européen. Une défaite vécue comme un séisme dans sa ville de Strasbourg, où le maire (PS) Roland Ries a publiquement appelé M. Martin à se désister pour permettre à Mme Trautmann de conserver son siège. L'intéressé a décliné.

Jean-Paul Gauzès, qui occupait le poste clé de coordinateur des élus conservateurs à la commission des affaires économiques et monétaires, a également été battu. L'UMP lui avait préféré en tête de liste Jérôme Lavrilleux, un proche du président du parti, Jean-François Copé. A peine élu à Strasbourg, M. Lavrilleux risque d'ailleurs d'être fragilisé dès cette semaine à cause du rôle qu'il aurait joué dans l'affaire "Bygmalion" de surfacturation présumée au détriment de son parti.

D'autres élus sortants, souvent raillés par leurs pairs pour leur absentéisme ou leur faible implication dans les travaux parlementaires, ont en revanche sauvé leur siège. C'est notamment le cas de Jean-Luc Mélenchon au Front de Gauche ou les Le Pen père et fille au FN, en queue des classements d'assiduité aux votes.

UMP et PS ne sont pas en reste: "Les partis politiques, quels qu'ils soient, n'ont pas choisi de renouveler systématiquement ceux qui travaillaient le plus", ironise M. Giuliani. Selon l'analyste, une telle attitude s'observe "de temps en temps dans d'autres pays, mais pas à ce degré de désinvolture".

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