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La stratégie à part de Macron, par Jean-Marie Colombani

S’il y a quelque chose que l’ancien ministre de l’Economie sait faire, c’est de saturer l’espace médiatique.[FRANCOIS NASCIMBENI / AFP]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

Macron superstar. S’il y a quelque chose que l’ancien ministre de l’Economie sait faire, c’est de saturer l’espace médiatique. Sa démission et son début de campagne présidentielle ont été précédés par quelques solides mises en scène, via Paris Match notamment, dont l’une laisse pantois : on y voit le ministre portant un dossier au-dessus duquel était placée, bien visible pour que nul ne l’ignore, sa lettre de démission…

Cette quasi-candidature est donc, d’entrée, l’une des nombreuses manifestations du narcissisme qui, en politique aujourd’hui, tient lieu d’idéologie. Elle participe en outre du suicide collectif de la gauche ou de celles et ceux qui se prétendent ses représentants. Tandis que la priorité, l’obsession même, devrait être pour celle-ci d’éviter de laisser le pays choisir entre la droite et l’extrême droite, chacun prétend se placer.

Les uns (notamment les quatre anciens ministres de François Hollande : Emmanuel Macron, Arnaud Montebourg, Cécile Duflot et Benoît Hamon) jouent l’empêchement ; feu donc sur le quartier général pour décourager le locataire de l’Elysée de se représenter ; les autres, au contraire, font le calcul qu’il vaut mieux laisser à ce dernier le choix d’un échec programmé inscrit, pour le moment, dans les études d’opinion et largement préparé par la dispersion des candidatures se réclamant de la gauche ou des écologistes. Ainsi, pensent-ils, l’horizon sera dégagé pour… 2022.

Quant à Emmanuel Macron, sa démarche a de fortes chances de rester une aventure individuelle. Sa présence au côté de François Hollande (auquel il doit d’exister sur la scène publique) avait un sens : compléter l’offre que représente François Hollande ; à savoir, avoir été capable de sortir de la crise et donc d’aider les entreprises, non seulement en préservant l’essentiel du modèle social, mais aussi en y ajoutant, chaque fois que cela était possible, un «plus» social (compte personnel d’activité, tiers payant généralisé, garantie jeunes, etc.). Emmanuel Macron pouvait y apporter un logiciel de compréhension de l’économie de demain, cette économie du numérique qui, dès aujourd’hui, bouleverse tout ; y compris les mécanismes mêmes et la légitimité de la représentation.

Seul, marqué du sceau de la trahison – ce qui ne peut que faire réfléchir ceux qui voudraient s’allier avec lui – Emmanuel Macron a vocation à se replier sur une aire très étroite dans la société française : celle du social-libéralisme. Sa force est, phénomène rarissime, de porter à lui seul l’aspiration au renouvellement de la vie publique ; celle-ci est une donnée permanente, aujourd’hui puissamment ressentie.

Mais dans un contexte où se redessinent tous les équilibres mondiaux, où montent les pressions nationalistes et populistes, l’urgence absolue est celle de la lutte contre le terrorisme. Face à laquelle, le pays choisira quelqu’un qui rassure et qui assure. Et non un jeune homme sans expérience, si brillant soit-il, dont la démarche relève davantage du contentement de soi que de la contribution à un effort collectif et transpartisan.

Pour l’heure, l’essentiel se joue à droite. Car l’équation est inchangée : la primaire de la droite a toutes les chances d’être le tour décisif de l’élection présidentielle. Le vainqueur de celle-ci fait figure, pour le moment, de futur président de la République. Le résultat de cette primaire est en quelque sorte indexé sur l’étendue du corps électoral : selon qu’il sera limité aux sympathisants du parti de Nicolas Sarkozy, ou bien étendu à celles et ceux qui se réclament aussi du centre, notamment du centre gauche. Dans le premier cas, l’avantage peut aller à Nicolas Sarkozy ; dans le second cas, Alain Juppé est mieux placé.

Jean-Marie Colombani

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